Associations - En perte de vitesse, le secteur associatif alerte sur ses besoins de financements
Les acteurs du monde associatif se sont retrouvés le 22 janvier 2013 à l'occasion d'une journée organisée par la Conférence permanente des coordinations associatives (CPCA) et France Active, en partenariat avec l'Association des régions de France (ARF) sur le thème : "les associations, actrices du développement des territoires". L'occasion de dresser un état des lieux du monde associatif, après le passage de la crise.
Selon Viviane Tchernonog, chercheur au CNRS, "le poids du secteur associatif a continué à se développer entre les années 2005 et 2010 de manière soutenue". Par la suite, entre 2010 et 2012, il y a eu une stagnation des budgets et une légère baisse de l'emploi salarié. Si elle est peu importante, cette baisse marque un tournant : "C'est la première fois depuis très longtemps que le secteur perd des emplois, c'est un moment historique pour le monde associatif", a précisé Viviane Tchernonog.
A l'heure actuelle, la France compte 1,3 million d'associations qui représentent 80% des emplois de l'économie sociale et solidaire (ESS), avec quelque 16 millions de bénévoles. Le secteur représente 1,8 million de salariés, soit 5% des emplois. Il pèse 70 milliards d'euros, soit 3,5% du PIB.
Parallèlement à la crise, le secteur doit subir de plein fouet la baisse des subventions publiques. La part de ces subventions "baisse de façon drastique", a précisé Viviane Tchernonog, au profit de commandes publiques. La progression de la commande publique serait de 6% en huit ans, avec une diminution de 9% des subventions. "La part du financement issu des communes a également baissé et c'est une première, puisqu'auparavant, elles étaient les premiers partenaires, ex-æquo avec l'Etat, du monde associatif, a détaillé Viviane Tchernonog, elles sont passées deuxièmes. Ce sont les conseils généraux qui sont devenus les premiers partenaires des associations en volume. Leur part a fortement augmenté entre 2005 et 2010, alors que la part des régions est restée stable à 3,5%. En temps de crise, les collectivités se recentrent sur leurs compétences."
Les conséquences de ces changements sont doubles. D'un côté, une privatisation du financement, avec l'apparition de fortes inégalités entre les territoires. De l'autre côté, un phénomène de "sélection de la clientèle", celle-ci étant de plus en plus amenée à participer au coût des services proposés par les associations.
"On explore de nouvelles pistes"
Face à ce nouveau contexte, les associations tentent de s'adapter. Leur modèle commence à évoluer. "On explore des pistes nouvelles en partenariat avec le privé, car on n'arrive plus à faire financer nos projets, a expliqué Aude Torchy, déléguée générale de l'Association de formation et d'information pour le développement d'initiatives rurales (Afip), les modèles bougent et des fenêtres s'ouvrent, mais il y a encore du chemin à faire."
Pourtant, que ce soit du côté de l'Etat, des collectivités ou des économistes, tous reconnaissent le rôle primordial des associations dans le développement économique des territoires. "Elles jouent un rôle d'amortisseur et de réparation car les difficultés des populations sont importantes, mais elles jouent aussi un rôle d'attractivité (présence d'une crèche sur un territoire par exemple) et de lien avec le tissu économique. Elles permettent aussi aux citoyens de s'approprier les enjeux du développement économique des territoires, en s'opposant ou en favorisant des projets", a expliqué Laurent Fraisse, socio-économiste au Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique (Lise).
Les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) favorisent aussi la mixité des acteurs. "C'est particulièrement intéressant, a souligné Cyril Kretzschmar, conseiller délégué à la nouvelle économie, aux nouveaux emplois, à l'artisanat et à l'économie sociale et solidaire au conseil régional de Rhône-Alpes, on peut ainsi voir ce que les différents acteurs, associations, entreprises, etc., peuvent mutualiser, quelles sont leurs complémentarités…" Pour tenter de sécuriser leur développement et de soutenir leur mutation, la CPCA et France Active ont émis des propositions. Les deux structures demandent ainsi une clarification par voie législative des liens entre statut fiscal et système de ressources des associations. Elles suggèrent qu'on accompagne les associations dans leur recherche de financements auprès des fonds structurels européens.
Autres propositions : organiser et coordonner l'offre d'accompagnement dans les territoires, conforter les réseaux et renforcer la capacité d'action du dispositif local d'accompagnement (DLA) qui a été créé il y a dix ans pour soutenir l'emploi dans les associations. L'idée serait de concentrer les moyens du DLA sur les dimensions structurantes du projet associatif et du modèle économique.
Les structures proposent aussi de favoriser la constitution de fonds propres associatifs, avec notamment des circuits courts d'épargne solidaire et l'accès aux associations au prêt bancaire. Par ailleurs, la CPCA et France Active estiment nécessaire de donner une définition légale de la subvention et de définir une procédure sécurisée d'appel à initiatives comme un des modes possibles d'attribution de subventions.
Un appel à projets sectoriel
Quelques signaux positifs éclairent l'horizon des associations. La future charte, qui sera signée entre l'Etat, les collectivités territoriales et les associations, pour poser les fondements politiques du dialogue civil entre les trois acteurs en est un (voir notre article du 21 janvier 2013 ci-contre). L'autre signe encourageant est l'élaboration actuelle du projet de loi cadre sur l'économie sociale et solidaire, qui doit comporter des dispositions relatives au monde associatif. Un travail est ainsi en cours sur la compensation qui pourrait être mise en place pour les gros employeurs du secteur qui ne peuvent bénéficier ni du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) en vigueur depuis le 1er janvier 2013, ni de l'augmentation de l'abattement accordée pour les structures non lucratives, du fait de leur taille. La loi devrait également donner des détails sur la définition de la notion de subvention publique et permettre de mieux soutenir les investissements associatifs, notamment à travers la Banque publique d'investissement, dont 500 millions d'euros sont réservés à l'économie sociale et solidaire.
Mais "il reste à faire en sorte que les crédits restants du programme d'investissements d'avenir (PIA) soient réellement fléchés vers ce secteur, et que la BPI prenne ensuite le relais", a détaillé le 22 janvier Bertrand Gaume, directeur de cabinet de Benoît Hamon, ministre délégué en charge de l'Economie sociale et solidaire. D'ores et déjà un appel à projets sectoriel, dans le cadre de l'action "Financement de l'économie sociale et solidaire" du PIA a été lancé le 21 janvier 2013 par la Caisse des Dépôts, pour le compte de l'Etat. Cet appel à projets, qui est lancé pour une durée de quatre mois, est destiné à financer des projets dans quatre secteurs porteurs d'innovation et d'emplois, la santé et les services à la personne, le numérique, la mobilité durable, et l'éco-construction et l'habitat coopératif. Au total, à fin décembre 2012, près de 32 millions d'euros ont été engagés en faveur des entreprises de l'ESS dans le cadre de cette action, lancée en juillet 2010 et dotée de 100 millions d'euros.