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Infrastructures - En Angleterre, un "project bond" au service du financement des logements étudiants

Face à l'assèchement du crédit bancaire et des aides publiques, un nouveau relais de financement est expérimenté en Europe. Un campus britannique se saisit de cette manne. La France réfléchit encore.

Depuis près d'un an, les dirigeants européens tentent de promouvoir de nouveaux outils de financement pour relancer l'économie. Parmi eux, figurent les "project bonds", ces obligations émises par des structures privées pour financer de grandes infrastructures. Une initiative inédite directement inspirée de ce modèle vient de voir le jour dans le comté de Herfordshire, au nord de Londres.
Seule différence avec l'outil imaginé par l'UE : le projet n'a pas nécessité l'appui de la Banque européenne d'investissement (BEI), dont les garanties servent à rassurer les investisseurs contre une éventuelle défaillance de remboursement.
Et pour cause, le chantier, qui porte sur la rénovation de 500 logements étudiants et la construction de 2.500 autres sur le campus de l'université de Herfordshire, a été noté A- par Standard and Poor's. Un bon rang qui permet d'attirer les investisseurs sans s'appuyer sur le matelas des garanties publiques.

Percée

Le fonds d'investissement français Meridiam possède 55% des parts de la société Uliving, laquelle a émis l'obligation, et dont le capital est également détenu par Bouygues Développement, Centro Place Investments, l'université de Hertfordshire et Legal & General Assurance Society. Des caisses de retraites souscrivent à cette émission, pour un montant de 250 millions d'euros et sur une durée de 41 ans.
La percée de ce mode de financement s'explique par la conjoncture. D'un côté, le recours à l'argent public ou aux prêts des banques se raréfie. Les collectivités locales en font l'expérience chaque jour. De l'autre, les investisseurs institutionnels (fonds de pension, assureurs) sont susceptibles d'apprécier de placer leur argent dans des "project bonds" réputés sûrs et dont le taux de rendement est désormais supérieur à certaines obligations souveraines.
Aujourd'hui, un investisseur qui achète un bon du trésor britannique récolte un taux de rendement inférieur à l'inflation. "L'avantage de notre projet, c'est qu'il va être 2% au-dessus de l'inflation. C'est extrêmement attirant", signale Julien Touati, directeur des investissements de Meridiam.

Recettes issues des loyers des étudiants

Dans le cas du campus britannique, les investisseurs seront remboursés par l'université, grâce aux recettes générées par les loyers des étudiants. Si ces derniers cumulent les impayés, le risque est assumé par l'université, qui dispose d'un système d'accompagnement social pour ces jeunes locataires en difficulté financière.
Et si le campus attire peu d'étudiants ? Cet établissement spécialisé dans l'aéronautique "contribuera au rayonnement de l'enseignement supérieur britannique, nous en faisons le pari", assure l'expert de Meridiam.
Valable Outre-Manche, cette solution pourrait-elle être transposée en France, où les plans Campus se succèdent sans que la pénurie de logements étudiants ne soit enrayée ? La question du niveau des loyers se pose. Dans le cas du projet de l'université de Herfordshire, les jeunes britanniques paieront 500 livres par mois, soit 584 euros.
Chez Meridiam, on note un effort de "la France pour essayer de faire venir les investisseurs institutionnels dans le secteur du logement, au sens large", notamment pour l'habitat social dit "intermédiaire", destiné aux classes moyennes. Ce mode de financement pourrait également être envisagé pour des ouvrages de rénovation des universités françaises. Peu férues d'ingénierie financière, celles-ci regardent encore les project bonds avec étonnement. Le déploiement attendu de ces obligations à travers l'Europe, avec la BEI comme chef d'orchestre, aidera peut-être à les convaincre.