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Emploi - Emplois d'avenir : un risque d'inadéquation entre besoins et jeunes ciblés

Les employeurs de l'économie sociale et solidaire ont accueilli avec satisfaction le projet de loi sur les emplois d'avenir. Ils restent toutefois inquiets concernant la concrétisation de ce dispositif, considérant qu'il risque d'y avoir une inadéquation entre les besoins des professionnels et le profil des jeunes ciblés.

"Tout dispositif qui permettra de remettre le pied à l'étrier aux jeunes sera le bienvenu, mais comment fait-on pour que le dispositif marche ?" A l'image de Sébastien Darrigrand, secrétaire général de l'Usgères, syndicat d'employeurs de l'économie sociale, les employeurs de l'économie sociale et solidaire (ESS) ont accueilli avec satisfaction le projet de loi sur les emplois d'avenir, présenté le 29 août par Michel Sapin, ministre de l'Emploi. Même s'ils s'interrogent sur sa mise en place concrète.
"Ces emplois me paraissent répondre à l'urgence d'emploi des jeunes non qualifiés mais c'est un grand fourre-tout", assure pour sa part Charlotte Debray, déléguée générale de la Fonda*. Au centre de leur préoccupation : la cible des emplois d'avenir. Ces 150.000 emplois prévus par le gouvernement sont destinés aux jeunes très peu ou non qualifiés et concernent principalement le secteur non lucratif. Seules les zones les plus touchées, comme les zones rurales éloignées et les quartiers en difficulté, verront le dispositif s'ouvrir à des jeunes plus qualifiés. Or, si le secteur non lucratif devrait beaucoup embaucher dans les années qui viennent (608.000 postes à pourvoir d'ici dix ans), du fait des départs en retraite, cela concernera surtout des postes qualifiés. "Pour accompagner une personne âgée ou handicapée, ou même pour faire de l'éducation sportive, il faut un minimum de diplômes", explique ainsi Sébastien Darrigrand. Pour l'Usgères, le niveau de qualification des jeunes ciblés devrait rester ouvert à des niveaux pouvant aller de III (DUT, BTS, Deug) à VI (sans diplôme ou brevet des collèges). Le syndicat d'employeurs de l'économie sociale souligne aussi que le recrutement de jeunes trop éloignés de l'emploi pourrait comporter des risques pour la structure elle-même qui ne serait pas forcément en capacité de les intégrer. La formation de ces jeunes et l'accompagnement des employeurs seront donc deux paramètres très importants.
L'Usgères demande ainsi que le dispositif puisse intégrer, de façon complémentaire, un accompagnement de l'employeur sur les aspects ressources humaines, et un accompagnement renforcé du titulaire du contrat en matière de formation, notamment pour ceux qui n'ont pas le niveau requis. "Il y a tout un sas d'accompagnement à faire pour le jeune, le resocialiser, le remettre à niveau, explique Sébastien Darrigrand, c'est le rôle de Pôle emploi et des missions locales mais pas des employeurs de l'ESS. Il va falloir voir si on peut dégager des budgets pour cet accompagnement, via pourquoi pas un appel à projets spécifique du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP)."

Une aide dégressive

De leur côté, les missions locales sont prêtes à participer au dispositif, sous réserve de moyens supplémentaires. "Les missions locales souhaitent s'investir et soutenir le dispositif, notamment sur l'accompagnement mais la question des moyens financiers se pose", détaille Jean-Patrick Gille, président de l'Union nationale des missions locales (UNML) et député d'Indre-et-Loire. Pour le député, on ferait mieux de supprimer les contrats d'autonomie et de flécher les crédits restants sur les emplois d'avenir. Il compte défendre prochainement cette position auprès du ministre de la Ville. Le président de l'UNML insiste aussi sur la nécessité de déployer le dispositif sur le terrain. "Ce n'est pas une mesure administrative, il y a une dimension territoriale. Il faudrait des pilotes emplois jeunes sur chaque bassin d'emploi, chargés de faire la mobilisation. Dans ce travail, les missions locales ont un rôle important à jouer."
Les régions seront elles aussi associées au dispositif, concernant notamment la préqualification et les stages de formation. Le tout devant s'articuler dans les territoires au sein des "comités stratégiques de pilotage emploi d'avenir" qui seront mis en place.
Outre l'interrogation sur le profil des jeunes, la question de la subvention de l'Etat pour ces emplois d'avenir est également posée par les acteurs de l'ESS. Elle correspond à 75% du montant brut de la rémunération du jeune pendant trois ans. Pour l'Usgères, il faudrait rendre cette aide dégressive au fil des années, pour éviter un arrêt brutal de l'aide à l'issue des trois ans. L'Usgères propose aussi une majoration de cette aide pour une embauche réalisée en contrat à durée indéterminée. "Nous sommes satisfaits, mais il faut encore creuser", conclut Sébastien Darrigrand.
Pour la Fonda, demeure le problème de fond du secteur associatif : un manque de moyens financiers pour pouvoir pérenniser le réseau. Ces emplois sont "une vieille recette qui marche mais il faut aller plus loin, estime ainsi Charlotte Debray, il y a des besoins structurels en matière d'emploi dans le secteur associatif qui ne passent pas en priorité, à l'heure où les finances publiques sont à la baisse". 
Enfin, les professionnels de l'insertion, qui ont salué l'ambition et le projet de loi sur les emplois d'avenir, regrettent de ne pas avoir été suffisamment associés à son élaboration. "Les professionnels de l'insertion ne sont ni nommés ni visés" dans le premier projet de texte, ont ainsi signalé les réseaux de l'insertion par l'activité économique (IAE) dans un communiqué commun diffusé fin août. Le texte sur les emplois d'avenir doit être un des premiers textes soumis à l'Assemblée nationale lors de sa session extraordinaire qui démarre le 10 septembre.

Emilie Zapalski

*La Fonda est une association d'utilité publique qui réunit des personnes autour d'un objectif commun : valoriser et renforcer la contribution essentielle des associations à l'intérêt général et à la vitalité démocratique. Elle constitue un véritable laboratoire du monde associatif.

Amiens, locomotive des emplois d'avenir
Le maire d'Amiens propose que sa ville joue le rôle de "locomotive" dans le dispositif des emplois d'avenir. "J'espère qu'Amiens sera exemplaire et pourra jouer le rôle de pilote dans ce projet. La collectivité est en effet prête à être la locomotive de ce dispositif", a ainsi déclaré Gilles Demailly le 31 août. La mairie se dit prête à fournir un emploi à une centaine de jeunes dès le 1er janvier 2013 au titre de ces nouveaux contrats, dont 100.000 doivent être en place dès 2013, pour un total de 150.000 d'ici à 2014. La gestion des espaces verts, l'animation de la ville au service des seniors, la valorisation des sites touristiques et patrimoniaux, et l'animation d'ateliers multimédia font partie des domaines dans lesquels ces jeunes pourront être recrutés. La ville, qui a subi de violents affrontements entre les jeunes et les forces de l'ordre mi-août, a déjà expérimenté des contrats de ce type. Il s'agissait des "contrats d'engagement diversité", mis en place en 2009. "Nous étions précurseurs pour le lancement de ce type de contrat et nous espérons qu'avec l'aide de l'Etat, ils pourront atteindre une autre dimension." Le maire espère donc atteindre 100 emplois d'avenir dès janvier, et doubler, voire tripler par la suite le nombre d'offres. Dans les zones les plus sensibles d'Amiens et des environs, près de 2.000 jeunes pourraient être concernés.
Avec AFP

 

 

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