Emploi - Les premiers emplois d'avenir attendus avant la fin de l'année
Michel Sapin, ministre du Travail, a donné le détail du dispositif des emplois d'avenir, l'une des mesures phares du gouvernement en matière d'emploi, à l'occasion d'une conférence organisée le 29 août 2012. Le calendrier est serré. Le projet de loi sur les emplois d'avenir sera en effet le premier texte inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, lors de sa session extraordinaire qui doit démarrer le 10 septembre 2012. Et le ministre présentera son texte dès le 4 septembre devant la commission parlementaire. Une urgence justifiée par la situation de l'emploi qui se dégrade encore. Les derniers chiffres du chômage publiés le 29 août par le ministère du Travail pour le mois de juillet 2012 sont en hausse de 1,4% (41.300 chômeurs en plus) par rapport à juin 2012. Soit une hausse des demandeurs d'emploi de catégorie A (les chômeurs n'ayant exercé aucune activité) de 8,5% sur un an. On compte aujourd'hui 2.987.100 chômeurs.
Avec les emplois d'avenir, 150.000 contrats doivent être signés d'ici à 2014, dont 100.000 dès 2013. A la différence des emplois jeunes, déployés entre 1997 et 2002, ces emplois sont destinés aux jeunes de moins de 25 ans en très grande difficulté d'insertion dans l'emploi et de faible qualification.
Ils sont aussi dédiés aux zones dans lesquelles le taux de chômage des jeunes est le plus fort, comme dans les quartiers sensibles, où il atteint parfois 50%, ou dans les DOM où il est nettement supérieur à la moyenne.
"Quelques mots pour me féliciter que ce travail interministériel ait permis que dans la loi nous puissions cibler tout particulièrement les jeunes des quartiers en difficulté mais même plus précisément les jeunes issus des zones urbaines sensibles (ZUS). C'est un taux de chômage des 16-25 ans qui est deux fois supérieur, voire trois fois supérieur dans ces ZUS", a affirmé François Lamy, ministre de la Ville, citant le taux record de 57% dans les quartiers nord d'Amiens, qui ont connu dernièrement de graves échauffourées . "Avant même la sécurité, c'est l'emploi qui est demandé par les jeunes et par les familles. Je me félicite que ce dispositif permette de redonner de l'espoir", a précisé le ministre.
Pas de contrat sans accompagnement
Les emplois d'avenir vont principalement concerner le secteur non-lucratif, comme les collectivités locales, les établissements dépendants de ces collectivités, les associations et le secteur de l'économie sociale et solidaire. Pour ce secteur non-marchand, l'aide accordée par l'Etat correspondra en moyenne à 75% du montant brut de la rémunération du jeune pendant trois ans. Ces emplois concerneront aussi, mais à la marge, le secteur privé. Dans ce cas, la subvention de l'Etat sera réduite à 30 ou 35%. La subvention sera versée pour un an, renouvelable sur trois ans. Le gouvernement compte privilégier le soutien aux contrats à durée indéterminée, même s'il sera possible de conclure des contrats à durée déterminée.
Le gouvernement entend mettre l'accent sur l'accompagnement. "Il n'y aura pas de signature d'emploi d'avenir sans que nous ayons préalablement regardé quel sera l'accompagnement du jeune tout au cours de la durée de son contrat", a ainsi souligné Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage, précisant que l'agrément donné dans le cadre du renouvellement du contrat tiendra compte de ce point.
Pour cet accompagnement, l'Etat compte sur Pôle emploi, les missions locales, les employeurs et les régions. Ces dernières "ont mis en place des emplois tremplin. Il va falloir articuler leur politique d'aide à l'emploi des jeunes avec notre dispositif", a détaillé Michel Sapin. Une rencontre avec la commission formation de l'Association des régions de France (ARF) est prévue sur ce sujet début septembre. "Il s'agit de construire avec les régions une offre de formation qualifiante ou préqualifiante, organisée de manière suffisamment souple pour qu'elle soit suivie par le jeune pendant son emploi notamment s'il ne travaille pas à temps plein, a expliqué Thierry Repentin. Sur ce point nous devons capitaliser avec nos partenaires régionaux leurs expériences menées en matière d'emplois tremplin." Autre objectif poursuivi avec les régions : la mobilisation des contrats d'apprentissage à l'issue des emplois d'avenir. Ce thème sera également abordé lors de la réunion prévue avec l'ARF en septembre.
"Il va falloir faire chauffer le moteur"
L'objectif du gouvernement est de voir les premiers emplois d'avenir signés en janvier 2013, voire avant, si les tous les acteurs concernés, employeurs, collectivités, services de l'Etat, sont prêts. "Il va falloir faire chauffer le moteur, a signalé Michel Sapin, c'est-à-dire informer, être en contact avec les grands réseaux (réseaux culturels, la ville, le secteur associatif, l'économie sociale, l'habitat). Si cette mobilisation, est suffisante, et nous ferons tout pour cela, les premiers contrats pourront avoir lieu avant le 1er janvier 2013."
Pour accélérer le processus, le gouvernement a également prévu de publier les décrets d'application de la loi dans les semaines qui suivront son adoption définitive au Parlement. Une adoption qui devrait, d'après les prévisions du ministre, intervenir avant la fin de la session extraordinaire.
Le coût total de ces emplois correspond à un peu plus d'1,5 milliard d'euros par an. Dans le budget 2013, 2,3 milliards d'euros seront inscrits pour cette mesure. L'ensemble sera financé sur le budget du ministère de l'Emploi, qui "est un budget prioritaire", a souligné Michel Sapin. L'économie faite grâce à la suppression des heures supplémentaires, qui correspond à plus de 2 milliards d'euros, devrait permettre de faire face à ce surcoût. "Au fond, ce qui tuait l'emploi d'un côté, et était inefficace économiquement et socialement, permettra de créer des emplois qui seront efficaces économiquement et socialement", a ironisé Michel Sapin.
Une part de ces emplois (6.000 pour 2013), sera également réservée à de futurs professeurs (voir encadré ci-dessous).
"Un pansement nécessaire"
Par ailleurs, à côté du maintien des contrats aidés à niveau constant en 2013, le gouvernement mise sur les 500.000 contrats de génération. Ils seront le pendant des emplois d'avenir dans le secteur marchand, permettant à un jeune de trouver un emploi en étant accompagné par un senior, qui gardera ainsi son emploi. Le gouvernement compte saisir les partenaires sociaux dès la semaine prochaine pour étudier les modalités de ces nouveaux contrats, l'objectif étant une montée en puissance dès 2013. Enfin, la sécurisation de l'emploi est le quatrième chantier du gouvernement pour lutter contre le chômage. Dans quinze jours, le gouvernement va saisir les partenaires sociaux d'un document d'orientation pour commencer les négociations. "Ce sont donc tous ces fronts-là, à l'intérieur de la bataille de l'emploi, qui sont ouverts au même moment", a signalé Michel Sapin.
Les réactions concernant les emplois d'avenir sont mitigées. Bernard Thibault, numéro un de la CGT, considère ainsi qu'il "faut compléter le dispositif par des mesures qui permettent un réel accès à l'emploi", tandis que Force ouvrière estime que le grand défi est la pérennisation de l'emploi quand l'aide prendra fin. La présidente du Medef, Laurence Parisot, a jugé le dispositif "pas terrible". Quant à Guillaume Cairou, président du Club des entrepreneurs, il juge que "les emplois d'avenir ne sont qu'un pansement mais un pansement nécessaire", ajoutant cette condition : "Il faut garantir une formation solide aux jeunes, dans les secteurs d'avenir et éviter les effets d'aubaine potentiels."
Emilie Zapalski
Emploi d'avenir : professeur ?
"Il n'y a pas de crise de la vocation, il y a une crise de recrutement", a répété Vincent Peillon, mercredi 29 août, en conférence de presse de rentrée. L'emploi d'avenir professeur doit justement "encourager les vocations chez les jeunes qui, malgré de bons résultats scolaires et universitaires, n'auraient sans cela peut-être jamais envisagé des études longues, et contribuer ainsi à répondre aux besoin de recrutement à venir".
De fait, le dispositif est ciblé en faveur de 18.000 étudiants "issus de milieux modestes" d'ici 2015, dont 6.000 en 2013. Il est ouvert en priorité aux étudiants boursiers en deuxième année de licence, "issus des zones urbaines sensibles", et se déroule sur une durée de trois ans au terme desquels les étudiants devront, comme ils s'y seront engagés au préalable, présenter les concours de recrutement d'enseignants de l'Education nationale. Les missions confiées aux étudiants évolueraient en trois ans : "tâches péri-éducatives" dans un premier temps, puis "des activités de plus en plus proches de celles que les enseignants sont amenés à mettre en œuvre pour déployer leur action pédagogique dans la classe". "Aucun étudiant n'assumera des tâches jusque-là assurées par les enseignants", a insisté Vincent Peillon.
Les étudiants seront "accompagnés financièrement" via la création de nouvelles bourses de service public dont le montant sera tel qu'il garantira un revenu moyen total de l'ordre de 900 euros par mois sur 12 mois (en prenant en compte les bourses sur critères sociaux et la rémunération liée aux heures de mission effectuées au service e l'éducation nationale).
Valérie Liquet