Emploi - Emplois d'avenir : plus chers et moins efficaces que l'apprentissage ?
Les débats ont repris à l'Assemblée nationale le 11 septembre 2012 autour du projet de loi sur les emplois d'avenir. Et les premiers désaccords se font jour. Au cœur des discussions : le coût de ces nouveaux emplois. D'après les calculs du ministre de l'Emploi, Michel Sapin, ils vont coûter 1,5 milliard d'euros de crédits de paiement par an en rythme de croisière, lorsque les 150.000 emplois prévus par le gouvernement seront concrétisés. 2,3 milliards d'euros d'autorisation d'engagements pour les trois prochaines années seront inscrits dans le budget 2013 et 500 millions d'euros de crédits de paiement pour 2013. Un coût financé, selon le ministre, grâce au redéploiement des exonérations de charges sur les heures supplémentaires.
Pour l'opposition, les choses ne sont pas aussi claires. "Pas moins de quatre chiffres sont disponibles : 800 millions d'euros, 1,5 milliard d'euros, 1,9 milliard et 2,3 milliards, s'est exclamé Jean-Frédéric Poisson, député UMP des Yvelines, vous comprendrez que cette prolifération de chiffres nous étonne." D'après le député, le dispositif coûtera plus cher que les 1,5 milliard d'euros par an annoncés. "Nous estimons que ce dispositif coûtera bien 1,9 milliard d'euros", a-t-il expliqué, une somme correspondant au nombre d'emplois d'avenir multiplié par les charges salariales payées par l'Etat. Et si on tient compte de la formation qui devra être mise en place, le chiffre sera plus élevé encore. "Il convient d'ajouter les coûts de formation que les différents employeurs devront engager pour assurer la qualification des personnes embauchées dans le cadre de ces contrats, soit 600 millions d'euros pour une année, a détaillé Jean-Frédéric Poisson, nous pensons donc que ce dispositif coûtera au budget de l'Etat 2,5 milliards d'euros par an", un chiffre équivalent aux prévisions faites par les économistes de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
Autre critique : leur efficacité moindre par rapport à l'alternance. "Le taux d'insertion dans un emploi durable que connaissent les jeunes sortis de l'apprentissage et de l'alternance est incroyablement plus élevé que celui constaté dans le cas des jeunes recrutés dans le cadre d'emplois publics", a ainsi signalé Jean-Frédéric Poisson, tout en estimant que "se préparer à dépenser plus de 2 milliards en année pleine pour vos contrats sera moins efficace que de consacrer la moitié de cette somme à l'apprentissage ou à l'alternance". Gérard Cherpion, député UMP des Vosges, et auteur de la loi sur l'alternance du 28 juillet 2011, a enfoncé le clou. "Le gouvernement précédent avait fait un effort considérable pour développer l'apprentissage. Avec la même enveloppe budgétaire, il donnait une réponse aux 600.000 jeunes en apprentissage et en alternance avec un objectif de 800.000 en 2015, le tout pour des emplois pérennes, loin des 150.000 CDD que vous vous apprêtez à créer dans la fonction publique", a-t-il ainsi affirmé.
D'après une étude publiée par le Centre d'études de l'emploi (CEE) réalisée auprès d'anciens bénéficiaires du système d'emplois jeunes lancés en 1997 par le gouvernement Jospin, les emplois de ce type jouent toutefois "pleinement leur rôle d'accueil des jeunes dans une première expérience professionnelle" et contribuent à baisser le taux de chômage des jeunes. Mais la mesure est temporaire. "L'entrée en emploi jeune préserve dans un premier temps du chômage, détaille l'étude, ainsi en novembre 2003, la part du chômage est-elle nettement réduite. La situation change dès fin 2003 lorsque les sorties de jeunes du programme commencent vraiment." Et des conséquences négatives sur le salaire sont aussi identifiées, le passage en emploi jeune conduisant à "un désavantage plus durable", explique le CEE.
30 millions d'euros de plus pour les missions locales
Les députés de l'opposition ont également critiqué le caractère anticonstitutionnel de la mesure. Le dispositif "instaure une discrimination injustifiée entre les différents bénéficiaires du contrat d'avenir (sic), provoquant ainsi une rupture avec le principe constitutionnel d'égalité", a encore ajouté Jean-Frédéric Poisson.
Le dispositif est destiné aux jeunes sans qualification et le gouvernement espère en faire bénéficier en priorité les jeunes issus des zones urbaines sensibles (ZUS), et des zones de revitalisation rurale (ZRR). "Les emplois d'avenir seront accessibles sur l'ensemble du territoire, mais nous ferons en sorte que les moyens soient mobilisés fortement là où les besoins sont les plus importants", a ainsi précisé le ministre de l'Emploi. Pour les députés de l'opposition, la cible du dispositif n'est pas claire. "Ce dispositif est-il territorial ou personnel ? Pour quelles raisons doit-il bénéficier davantage aux ZUS ou aux ZRR ? Quelles sont les caractéristiques des zones dans lesquelles les jeunes ont des difficultés d'accès à l'emploi ?", a encore questionné Jean-Frédéric Poisson.
Les acteurs du milieu rural sont eux aussi partagés quant à l'efficacité des emplois d'avenir. Si certains considèrent qu'ils vont offrir des réponses pérennes, d'autres estiment que ce ne sera pas une réponse suffisante, du fait des problèmes auxquels les jeunes ont à faire face : pas de permis de conduire, pas de moyens financiers pour acheter une voiture... La nécessité d'anticiper la fin du contrat qui est temporaire sera aussi un obstacle.
La ministre de l'Egalité des territoires et du Logement, Cécile Duflot, s'est quant à elle félicitée, le 11 septembre, de ce ciblage prioritaire vers les ZUS, "où le chômage significatif de la jeunesse suscite des tensions sociales", et dans les zones rurales, "où les jeunes peinent à trouver un emploi adapté en raison de leur éloignement géographique".
Reste encore à débattre de l'accompagnement. Pour le CEE, "l'accompagnement par le service public de l'emploi, en l'occurrence les missions locales pour les jeunes peu qualifiés qui vont être embauchés en emplois d'avenir est essentiel". Sur ce point, Michel Sapin a donné de nouveaux éléments. "Les missions locales seront en première ligne pour la prescription et le suivi des jeunes en emploi d'avenir", a-t-il signalé pendant le débat parlementaire, précisant que "nous prévoyons des crédits spécifiques pour renforcer les moyens d'accompagnement des missions locales à hauteur de 30 millions d'euros pour la première année".