Emploi - Emplois d'avenir dans les collectivités : anticiper la fin du contrat
Après le chômage et des petits boulots, ces jeunes ont décroché un emploi d'avenir à la mairie des Sables-d'Olonne. L'un entretient les espaces verts, un autre est chargé de la signalisation dans les rues, tandis qu'un troisième est affecté à la réfection des chaussées. A la communauté de communes du Chardon lorrain, une jeune, également recrutée en emploi d'avenir, s'occupe, elle, du secrétariat pour plusieurs mairies. Tous apprennent un métier et l'exercent même parfois déjà avec passion. Leur bilan est positif : ils se disent aujourd'hui plus ouverts. Et avec leur salaire au Smic, l'un a pu "passer le permis de conduire", quand un autre dit pouvoir "nourrir sa famille". Ces jeunes témoignaient dans une interview vidéo diffusée à l'ouverture d'un colloque organisé ce 23 septembre à Paris par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et le ministère du Travail. En conclusion, tous souhaitaient plus tard devenir fonctionnaire dans leur collectivité, ou décrocher un CDI dans le privé.
Préparer les jeunes à de vrais emplois
Certains verront leur vœu se réaliser. Parce que la collectivité qui les a recrutés a su analyser finement ses besoins en emplois. Ainsi, la communauté de communes du Chardon lorrain s'attendait à manquer de secrétaires de mairie, du fait du vieillissement du personnel en place. La création d'un emploi d'avenir lui permet de préparer la relève, alors que, difficulté supplémentaire, aucun diplôme ne forme à ce métier, comme l'a fait remarquer au cours du colloque le directeur général des services, Jean-Charles de Belly. Le conseil général de l'Oise a adopté la même démarche pour remplacer dans de bonnes conditions les personnels techniques de ses collèges qui atteindront bientôt l'âge de la retraite.
L'astuce a pourtant des limites. Les jeunes en emploi d'avenir peuvent dans les faits occuper des emplois normalement destinés à des fonctionnaires, a reconnu Jean-Charles de Belly. De son côté, la ville de Metz a recruté des jeunes en emploi d'avenir pour des métiers en tension, comme celui d'électricien. La proximité avec le Luxembourg, qui offre des salaires plus élevés, explique les difficultés de la capitale mosellane à trouver ce type de professionnels.
Mais les collectivités ne pourront pas toutes intégrer dans leurs services les jeunes en emploi d'avenir à la fin de leur contrat. "Auparavant, il y avait une perspective d'embauche pour le jeune dans les services de la commune", a affirmé Antoine Homé, maire de Wittenheim et secrétaire général de l'Association des petites villes de France (APVF). Mais avec la réduction des dotations et la perte de vitesse des recettes fiscales locales, le discours a changé. "Aujourd'hui, on prévient la personne qu'on ne l'embauchera pas forcément à l'issue de son contrat". Ce qui, d'ailleurs, n'est pas toujours facile : "Les parents peuvent nous en vouloir", a témoigné l'élu.
Formation : bien, mais peut mieux faire
Pour tous les jeunes qui devront continuer ailleurs leur vie active, "la formation, le diplôme, la qualification" constitueront un "sésame", a souligné François Rebsamen. Venu ouvrir la journée, le ministre du Travail a précisé que "c'est l'assurance qu'ils auront quelque chose qui est reconnu par tous les employeurs et qui a une valeur sur le marché du travail".
En la matière, les employeurs jouent le jeu. Au 31 août dernier, 90% des jeunes qui étaient en emploi d'avenir (tous secteurs d'embauche confondus) depuis au moins quatre mois avaient bénéficié, ou devaient bénéficier, de formations. En moyenne, deux formations leur étaient proposées. Pour plus de 80% d'entre eux, ces formations étaient destinées à "l'acquisition de nouvelles compétences et l'adaptation au poste de travail". Seulement 30% étaient concernés par une formation qualifiante, c'est-à-dire visant un métier, un emploi ou une qualification reconnue.
"L'objectif est que 100% des jeunes en emploi d'avenir aient une formation", a indiqué Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle au ministère du Travail. En sachant que "l'idéal" serait que les formations qualifiantes occupent une place plus importante.
Les élus locaux partagent apparemment cette préoccupation : former les jeunes à exercer un vrai métier. "La première motivation des maires de petites villes est l'insertion professionnelle des emplois d'avenir", a confirmé Antoine Homé, en s'appuyant sur une récente enquête effectuée par l'APVF sur le sujet.
A la mairie de Montataire (Oise), le service des espaces verts a des ambitions pour Maxime, 18 ans. "L'idée, c'est de ne pas en faire un tondeur de pelouse", a expliqué Jean-Luc Deremy, responsable du service. Qui espère arriver à faire de ce jeune en difficulté un technicien polyvalent aguerri aux techniques d'entretien respectueuses du développement durable. Quant à la région Nord-Pas-de-Calais, elle a repéré de vraies aptitudes à l'informatique chez les 150 "geeks" qu'elle a recrutés en emploi d'avenir. Mais ils ne sont pas tous à l'heure, ou sont encore "un peu scolaires". Une vraie difficulté dans leur mission d'animateur multimédia en lycée. Du coup, la région a organisé pour eux, avec le CNFPT, une formation spéciale sur les "postures professionnelles".
Motiver les jeunes
Plusieurs régions ont aussi mis en place des parcours de formation destinés à l'acquisition d'une certification par les jeunes en emploi d'avenir. En Lorraine, 90 d'entre eux suivent en deux ans une formation d'agent technique polyvalent territorial cofinancée par le CNFPT et le conseil régional de Lorraine. De telles formations doivent être adaptées à un public qui a pu se trouver en situation d'échec scolaire et qui éprouve souvent des difficultés avec l'écrit, a souligné Jérémy Blazquez, directeur de projet au sein de la mission "emplois d'avenir" du CNFPT.
Mais si les formations sont déterminantes pour l'insertion professionnelle des jeunes, il n'est pas toujours facile de convaincre ceux-ci de les suivre, comme en ont témoigné plusieurs cadres territoriaux. A Montataire, la situation est plus préoccupante. "Maxime a abandonné le poste il y a 15 jours. Les courriers sont partis", confie Jean-Luc Deremy. 10% des contrats d'avenir sont rompus avant leur terme (dont la moitié à l'initiative du jeune). François Rebsamen relativise : "C'est largement en deçà de tous les dispositifs d'insertion que nous avons connus jusqu'alors."
Thomas Beurey / Projets publics
Les collectivités emploient 28% des emplois d'avenir
A la date du 31 août 2014, le ministère du Travail a comptabilisé 139.006 emplois d'avenir, dont 74% dans le secteur non marchand. 82% des jeunes concernés n'ont pas le baccalauréat et 41% sont sans diplôme. 20% d'entre eux résident en zone urbaine sensible. 51% des contrats sont à durée indéterminée ou d'une durée de trois ans et 91 % ont une durée de 35 heures.
Les collectivités territoriales constituent le second secteur de recrutement des emplois d'avenir (27,7 %), derrière les associations (33,1 %). Mais devant les entreprises (19,9%). Parmi les collectivités, les communes sont les premiers employeurs (74,4%), très loin devant l'intercommunalité (13,6%), les départements (11,5%) et les régions (3,6%). Les jeunes en emploi d'avenir dans les collectivités exercent des missions très diverses. 18% occupent des missions dans le domaine des services à la personne et à la collectivité (y compris propreté). Ils sont également nombreux dans les métiers de l'animation et de la production culinaire (17,4%). 16% sont employés pour exercer des métiers des espaces verts, tandis que 13,5% sont affectés à des métiers de la maintenance technique. Enfin, 9,1% ont des missions de secrétariat et d'assistance.
Après avoir atteint fin 2013 l'objectif de 100.000 emplois d'avenir, le gouvernement a programmé 95.000 emplois d'avenir supplémentaires en 2014.
T.B.