Sport - Emplois d'avenir dans le sport : les incompréhensions ne sont pas toutes levées
Actualité oblige, les réflexions des participants à la conférence inaugurale des septièmes Rencontres nationales de l'emploi sportif et de loisirs, organisées par la fédération Profession sport et loisirs les 25 et 26 septembre à Anglet, ont essentiellement porté sur les emplois d'avenir. Le moins que l'on puisse dire est que, si le déploiement du dispositif va bon train, de nombreux acteurs du monde sportif demeurent circonspects quant à son utilité dans leur domaine.
Avec 8.000 contrats emplois d'avenir signés à l'heure actuelle dans le champ de compétences du ministère des Sports, de la Jeunesse, de l'Education populaire et de la Vie associative, le bilan chiffré est bon. L'objectif de 15.000 signatures à la fin 2014 – soit 10% de l'ensemble des contrats – demeure largement à la portée de la ministre Valérie Fourneyron. Le pari était cependant risqué en début d'année. Au moment du lancement du dispositif, le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) avait émis quelques réserves sous une critique générale : le mouvement sportif a besoin de personnes capables de tirer les associations vers le haut, vers la professionnalisation de ses structures, plutôt que d'associations tirant des personnes non formées derrière elles.
Métiers du sport et métiers dans le sport
A Anglet, Frédéric Delannoy, conseiller sport chargé de l'emploi et de la formation au cabinet de Valérie Fourneyron, a d'entrée resitué le débat : "Les réticences du CNOSF n'étaient pas tant liées à une distance sociale qu'à une absence de qualification. Or avec le sport, nous sommes dans un champ de professions réglementées qui exigent un diplôme pour pouvoir exercer." Selon lui, l'un des défis spécifiques et quelque peu kafkaïens des emplois d'avenir dans le sport consisterait donc à faire travailler des gens tout en leur assurant la formation qui leur permettrait de travailler… "On est sorti de cette affaire avec plusieurs pistes, explique Frédéric Delannoy. La première revient à considérer que tous les métiers du sport ne sont pas que des métiers d'encadrement." Autrement dit, on peut travailler dans le champ du sport et aider une association à se professionnaliser sans pour autant occuper un poste directement lié au sport. "On a tous connu l'époque où l'entraîneur faisait aussi le secrétariat, a commenté Didier Besseyre, président de la Fédération française du sport d'entreprise. Ce modèle s'est terminé il y a une vingtaine d'années avec l'apparition d'éducateurs sportifs diplômés. Pour de la valeur ajoutée technique, il faut quelqu'un de diplômé, mais sur de la gestion de planning ou de la mise en relation, il n'est pas nécessaire d'avoir un brevet d'Etat." Un certain nombre de fédérations se sont ainsi mobilisées sur des métiers dans le sport qui ne sont pas des métiers du sport et de l'encadrement, à l'image de la Fédération française de football qui s'est engagée à créer mille emplois dans des domaines très divers : encadrement sportif, bien entendu, mais également accueil, administration et comptabilité, médiation sociale, entretien d’installations et gestion d’équipements ou sécurité.
Des formations innovantes au cœur de la réussite
"Le deuxième point, a poursuivi Frédéric Delannoy, consistait à se mettre en ordre de marche en termes de formation de manière à pouvoir répondre à cette demande. Nous sommes encore au travail et nous avançons pour que les systèmes de formation permettent aux personnes de se former tout en étant en situation de travail. Nous sommes sur des formations en alternance." Autre enjeu de la formation indispensable pour accompagner les jeunes en emploi d'avenir : préparer l'avenir du jeune, mais aussi celui de son employeur. "La structure doit accompagner ces personnes dans une logique de tutorat avec une vision d'innovation. Dans les collectivités territoriales, on doit insister en se disant qu'on va peut-être embaucher des emplois d'avenir dans un cadre tutorial de formation, non pas pour créer une place mais pour faire des choses qu'on ne pouvait pas faire ou développer des concepts nouveaux", a plaidé Guy Mondorge, vice-président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques, chargé du sport. Pour le sociologue Olivier Bessy, professeur à l'université de Pau, ces concepts nouveaux s'articulent autour de la notion de développement territorial intégré, intelligent et durable : "Il ne faut pas fonctionner dans une approche trop sectorielle, ce dont le sport a beaucoup souffert. Pour développer de l'emploi sur un territoire aujourd'hui, il faut envisager des collaborations avec le secteur du tourisme, de l'environnement, de la culture. Les emplois d'avenir s'inscrivent parfaitement dans ce dispositif." En Aquitaine, une institution sportive de premier plan – le Creps de Bordeaux (centre de ressources, d'expertise et de performance sportives) – planche déjà sur des formations destinées aux jeunes en emplois d'avenir qui porteront tant sur les métiers de l'éducation populaire que sur ceux du sport. Ces diplômes feront de leurs titulaires non des spécialistes d'une activité mais des promoteurs de différentes activités afin d'"opérer la mutation dans le monde de l'animation du sport et du loisir", a confié Michel Barjou, coordonnateur de formations au Creps de Bordeaux. Les premières sessions sont prévues pour janvier 2014.
Sur le terrain, un dispositif insatisfaisant
Ce tableau quasi idyllique a toutefois été écorné par plusieurs interventions venues de la salle. Jean-Dominique Beucher, du comité départemental olympique et sportif (CDOS) du Lot-et-Garonne, a ainsi regretté que le bac soit un obstacle à l'obtention d'un emploi d'avenir, provoquant un long murmure d'approbation dans la salle : "Ici, tout le monde se tape sur le ventre et se félicite des emplois d'avenir. Nous avions un demandeur d'emploi qui avait le malheur d'avoir le bac et n'habitait pas dans une zone sensible, son contrat a été refusé par la mission locale, pourtant cette personne avait les compétences pour travailler avec nous. Je trouve cela un peu difficile à avaler." Dans la même veine, l'association Profession sport de la Nièvre admet que si cinq contrats d'apprentissage ont récemment été conclus dans son ressort, aucun emploi d'avenir n'a pu être engagé : "On a voulu en mettre en place, les emplois d'avenir se sont transformés en CUI (contrat unique d'insertion). Nous n'avons pas de jeunes qui rentrent dans les critères. A quand une mesure exceptionnelle ?", a lancé son représentant à Frédéric Delannoy. Par sa réponse, le conseiller de Valérie Fourneyron a douché bien des espoirs : "On ne va pas tourner autour du pot, les emplois d'avenir ne sont pas faits pour ça. Nous sommes exclusivement sur la remise dans le circuit de jeunes totalement éloignés de l'emploi et sans qualification. Même si la mesure crée des insatisfactions, il n'y aura pas de retour en arrière." Face à ces critiques venues du terrain, les emplois d'avenir sont tout de même nombreux dans le sport. Reste à savoir à quoi correspondent les contrats signés en termes qualitatifs : qui emploie qui ? pour faire quoi ? Cette analyse doit être faite par Profession sport et loisir à compter de janvier 2014.