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Carte judiciaire - Elus et magistrats veulent des "Etats généraux" de la Justice

Les maires de petites villes et l'Union syndicale des magistrats demandent à la ministre de la Justice de suspendre la réforme de la carte judiciaire qu'ils jugent "bâclée".

Alors que vient à peine d'être dévoilé le circuit du prochain Tour de France, celui de Rachida Dati, entamé le 12 octobre à Lille, s'avère tout aussi éprouvant. A chaque étape, le même accueil des robes noires venues manifester leur désapprobation. Confrontée à sa première grève des magistrats avec un appel lancé pour le 29 novembre, la garde des Sceaux garde pourtant la même détermination et semble vouloir maintenir le cap. "Tout le monde s'accorde à ce que la réforme se fasse parce que la justice ne peut plus fonctionner comme elle fonctionnait en 1958", a-t-elle fait valoir sur Europe-1, mardi matin. Elle a également rappelé la mise en place avant le 1er mars 2008 de pôles d'instruction voulue par la loi Clément de mars 2007, assurant que sa réforme devait être appliquée, car il s'agit d'un "engagement présidentiel".
A mesure que les élections municipales approchent, le dossier prend une tournure de plus en plus politique. Fait rarissime, l'Association des petites villes de France, très mobilisée, et l'Union syndicale des magistrats (majoritaire) ont dénoncé, mardi, dans un communiqué commun, la "méthode Dati". "La grande majorité des élus locaux et des magistrats ne sont pas défavorables à une réorganisation de la carte judiciaire, dans la mesure où les critères d'aménagement du territoire et le souci de proximité, de rapidité et d'efficacité seraient pris en compte", ont tenu à assurer les deux organisations, tout en se plaignant de l'absence de concertation. A mi-parcours, 90 tribunaux d'instance sur les 476 ont déjà été rayés de la carte judiciaire française au fur et à mesure des annonces de la ministre et de ses déplacements en région, ce qui fait dire aux élus et magistrats qu'elle "semble vouloir prendre de court tous les acteurs concernés, les diviser et les placer devant le fait accompli". 

 

Ambitions revues à la baisse

La ministre "annonce de fait des décisions déjà préalablement arrêtées dans le secret de son cabinet et qui figuraient dans un document que la Chancellerie avait laissé filtrer, sans le démentir, dans la presse en septembre dernier", ont-ils déploré, avant de manifester leur "très vive inquiétude" et de demander à la ministre de suspendre une "réforme bâclée". Ils demandent l'organisation d'"Etats généraux de la Justice", afin de permettre une "large concertation pour promouvoir un service public de la justice moderne et efficace".
In fine, 200 tribunaux d'instance pourraient être amenés à disparaître. Dans une lettre ouverte publiée lundi 29 octobre, l'Association nationale des juges d'instance est elle aussi montée au créneau. Même si "l'évolution démographique et sociologique pouvait justifier" une réforme de la carte judiciaire, "l'importance du nombre de suppressions pures et simples de tribunaux d'instance sans prise en considération des conséquences dramatiques qu'elles ne manqueront pas d'avoir sur les justiciables n'est toutefois pas acceptable", a-t-elle écrit. L'association demande le maintien des tribunaux d'instance "dans certains territoires ruraux, défavorisés ou en montagne, par exemple à Charolles, Etampes, Nogent-sur-Seine, Yvetôt, Bagnères-de-Bigorre". Pour le reste, force est de constater que le gouvernement a revu ses ambitions à la baisse. L'objectif initial d'un TGI par département est déjà loin : une vingtaine seulement sur les 181 existants devraient disparaître, tandis que d'autres, ceux qui emploient moins de dix magistrats, seraient amenés à se regrouper.

 

Michel Tendil avec agences

 

Les fermetures déjà annoncées


- En Picardie, deux TGI seront supprimés dans la Somme, à Abbeville et à Péronne, ainsi que cinq TI (à Doullens et Montdidier dans la Somme, à Vervins et Château-Thierry dans l'Aisne et à Clermont dans l'Oise). Quatre tribunaux de commerce, à Abbeville, Vervins, Chauny et Senlis, sont également supprimés.
- La région Champagne-Ardenne va conserver ses quatre TGI mais perdra huit TI (dans les Ardennes à Rocroi, Rethel et Vouziers, dans l'Aube à Bar-sur-Aube, Bar-sur-Seine et Nogent-sur-Seine, et dans la Marne à Epernay et Vitry-le-François). Parmi les autres tribunaux supprimés dans la région : le tribunal de commerce de Charleville-Mézières et celui d'Epernay, fusionné avec celui de Reims.
- En Ile-de-France, treize TI sur soixante-sseize vont être supprimés.
- En Bretagne, trois TGI (Dinan, Morlaix et Guingamp), dix tribunaux d'instance, cinq conseils de prud'hommes et trois tribunaux de commerce sont menacés.
- En Lorraine, le TGI de Saint-Dié (Vosges) et dix TI seront supprimés.
- En Normandie, deux TGI à Bernay (Eure) et Avranches (Manche), ainsi que treize TI sont supprimés.
- En Bourgogne, aucun TGI supprimé, mais sept TI sont fermés.
- Dans le Nord-Pas-de-Calais, seul le TGI d'Hazebrouck est supprimé ainsi que les TI de Carvin, Houdain, Liévin et Saint-Pol-sur-Ternoise.