Carte judiciaire - Les villes moyennes souhaitent des "tribunaux d'instance spécialisés"
Après deux mois et demi de consultations à travers la France, la réforme de la carte judiciaire s'avère semée d'embûches pour la ministre de la Justice, Rachida Dati. Maintes fois remis sur le métier par les précédents gouvernements, le chantier n'a jamais pu démarrer en raison des résistances des professionnels et des élus. Il reste encore quelques jours au comité consultatif mis en place le 27 juin pour remettre ses propositions mais la grogne des avocats ne faiblit pas. Pour leur part, les élus, qui ont obtenu d'être associés aux discussions, restent sur leur garde. C'est le cas de la Fédération des maires de villes moyennes (FMVM) qui vient ainsi d'adopter sa contribution, mercredi, où elle rappelle son attachement à la présence des parquets au plan local. "Une départementalisation de l'action des procureurs de la République est jugée dangereuse puisque de nature à remettre en cause l'efficacité des dispositifs partenariaux initiés depuis dix ans et renforcés par la loi du 5 mars 2007 (CLS, CLKSPD, GLTD, etc.)", insiste-t-elle. Les maires des villes moyennes soulignent également l'importance du rôle d'information et d'accompagnement des maisons de la justice et du droit et ne veulent pas qu'elles deviennent "les nouveaux relais de la juridiction de proximité, mission qui relève de l'Etat".
Héritage de la Révolution, la carte judiciaire compte aujourd'hui quelque 1.100 juridictions parmi lesquelles 35 cours d'appel, 181 tribunaux de grande instance, sans compter la multitude de tribunaux d'instance, tribunaux de commerce et conseils de prud'hommes dont les contentieux pourraient être unifiés par la réforme.
Indicateurs de performance
L'objectif est de redéployer les effectifs et les moyens de la Justice en fonction des évolutions démographiques intervenues depuis 1958, date de la dernière réforme. Ainsi, des départements comme l'Allier comportent-ils trois tribunaux de grande instance quand des zones périurbaines difficiles n'en possèdent pas. La FMVM, qui ne s'oppose pas à l'idée d'un redéploiement et d'une unification des contentieux des tribunaux d'instance, de commerce et de prud'hommes "après inventaire", propose l'instauration de "tribunaux de première instance spécialisés". Ces tribunaux pourraient ainsi "traiter, selon les caractéristiques de chaque bassin de vie, un ou plusieurs contentieux spécialisés". La FMVM n'est pas indifférente non plus à la "culture de résultats" et propose de mettre en place des indicateurs de performance, comme le taux d'infirmation en appel et la rapidité des délais, synonymes, selon elle, d'une "justice performante". Sur le terrain, le ton est parfois différent. Aveyron, Nord, Pas-de-Calais, Bouches-du-Rhône, Territoire de Belfort, Doubs, un peu partout en France, des avocats se sont mis en grève ces derniers jours, comme au début de l'été, pour protester contre la suppression de leur juridiction. La Conférence des bâtonniers, qui représente les avocats de province, a ainsi réaffirmé vendredi 14 septembre son souhait de voir maintenus les 181 TGI. "Tous les signaux qui nous arrivent sont plutôt négatifs, déclare Jérôme Alirol, bâtonnier millavais, qui vient d'être informé par la cour d'appel de Montpellier des menaces qui pèsent sur le TGI de Millau. Seule la mobilisation massive des acteurs locaux pourra inverser la tendance." Des élus pris à témoin ? A l'approche des municipales, le sujet devient sensible, même si la chancellerie a répété vendredi qu'aucun schéma n'était préétabli et qu'il n'y aurait pas de "désert judiciaire".
M.T. avec AFP