Ehpad : une situation financière globalement saine, mais fragile... avant le Covid-19
Si l'étude annuelle de la CNSA sur la situation économique des Ehpad porte sur l'exercice 2018, les chiffres témoignent du socle sur lequel vont pouvoir s'appuyer ces établissements pour surmonter la crise actuelle : taux d'occupation, effectifs et taux d'encadrement, autofinancement, investissement...
La CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie) publie son étude annuelle sur la situation économique des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), portant sur l'exercice 2018. Bien sûr, ce document très complet paraît un peu décalé, car il appartient au "monde d'avant", alors que les Ehpad sont frappés de plein fouet par l'épidémie de Covid-19. Selon les chiffres du ministère de la Santé au 26 mai, les établissements médicosociaux (en l'occurrence essentiellement les Ehpad) comptent déjà 74.402 cas et 10.335 décès. Pour autant, cette étude n'en reflète pas moins l'état de ces structures avant la crise sanitaire et le socle sur lequel elles devront s'appuyer pour la surmonter.
Des taux d'occupation toujours élevés
Le tableau dressé par la CNSA – qui repose sur l'analyse d'un échantillon de 3.818 établissements (sur un total de plus de 7.000) ayant déposé un état réalisé des recettes et des dépenses (ERRD) complet ou un état réalisé des charges et des produits (ERCP) – est pour partie rassurant. L'étude conclut en effet que "dans l'ensemble, en 2018, la situation des Ehpad, tous statuts confondus, est équilibrée et ne présente pas d'alarme majeure au regard des niveaux médians des ratios budgétaires et financiers". Il existe néanmoins certains signes de fragilité ou "points d'attention" pour la CNSA.
Côté positif, l'étude met en évidence – sans surprise – un taux d'occupation élevé, avec une moyenne de 96,4% et un niveau médian de 97,5% (avec des taux un peu plus faibles pour les établissements privés à but lucratif). Les taux d'occupation sont logiquement moins élevés pour les places en hébergement temporaire (66,7%) et pour celles en accueil de jour (68,7%).
Des effectifs en légère progression
Les effectifs des Ehpad sont en légère hausse par rapport à 2017 (+0,4%), notamment sous l'effet de l'augmentation des effectifs d'aides-soignants, d'aides médico-psychologiques et d'accompagnants éducatifs et sociaux. Ces trois catégories, auxquelles on peut ajouter les agents des service hospitaliers, représentent plus de 72% des effectifs des Ehpad. Toutes sections et tous métiers confondus, le taux d'encadrement médian approche ainsi 70 ETP pour 100 places dans les Ehpad en tarif global avec pharmacie à usage intérieur (PUI) et environ 62 ETP dans ceux en tarif partiel sans PUI. De façon logique, ces taux d'encadrement augmentent avec les niveaux de GIR moyen pondéré (GMP) et de Pathos moyen pondéré (PMP), autrement dit en fonction du degré de dépendance et du besoin de soins des résidents.
De même, le taux d'encadrement médian varie selon la capacité de l'Ehpad (il est le plus élevé dans les structures d'une capacité comprise entre 60 et 99 places) et surtout en fonction du statut juridique de l'établissement. Ce taux moyen est, par exemple, de 72,1 ETP pour 100 places dans les Ehpad publics autonomes, contre 52,3 ETP pour ceux du secteur privé commercial. Ceci peut toutefois d'expliquer, pour partie, par un recours à la sous-traitance et à l'externalisation plus important dans les structures privées. Enfin, les Ehpad appartenant à un groupe présentent des taux d'encadrement globalement inférieurs à ceux des établissements relevant d'un mono-exploitant. Plusieurs éléments peuvent expliquer cet écart, comme la mutualisation du personnel entre les sites, la centralisation des postes administratifs au niveau du siège ou encore l'externalisation plus poussée des activités.
Situation financière : le talon d'Achille
Les fragilités apparaissent surtout sur le volet de la situation financière. Certes, plus de la moitié des Ehpad étudiés (2.049 sur les 3.818 ayant déposé des états complets) "disposent d'une capacité d'autofinancement satisfaisante", autrement dit sont en mesure de dégager chaque année les fonds nécessaires aux investissements, au remboursement d'emprunts ou à la consolidation de leurs fonds propres. Dans plus de la moitié des Ehpad étudiés, l'emprunt à plus d'un an représente ainsi moins de 50% des ressources de long terme et il existe des excédents de trésorerie, quel que soit le statut. Néanmoins, 12% des établissements présentent une capacité d'autofinancement insuffisante. Au final, "les situations bilancielles apparaissent donc globalement équilibrées, même si, dans le détail, les situations dégradées ou très dégradées représentent tout de même 15% des dossiers". De même, un peu plus de 1.000 Ehpad de l'échantillon sont déficitaires en 2017 et en 2018, soit plus du quart du total. La CNSA précise que ces déficits peuvent résulter de facteurs conjoncturels ou révéler des déséquilibres structurels.
Reste enfin la question de l'investissement. L'étude constate que les taux de vétusté médians sont élevés. Ils dépassent, par exemple, 60% pour les installations techniques, matériel et outillages, dans le secteur public comme dans le secteur privé non lucratif, les établissements commerciaux étant généralement plus récents. Au final, la CNSA estime que "les capacités d'investissements lourds à long terme semblent plutôt limitées à la fin de l'exercice 2018".