Covid-19 : une prime pour certains agents, mais aussi des jours de congés imposés
Une prime pouvant aller jusqu'à 1.000 euros, exonérée de tout prélèvement social et fiscal. C'est ce que percevront les agents territoriaux mobilisés durant l'épidémie, si leur employeur le décide. Le gouvernement en a fait l'annonce ce mercredi. En conseil des ministres, il a aussi présenté un projet d'ordonnance qui permettra aux collectivités territoriales d'imposer des jours de RTT et de congés aux agents placés en autorisation spéciale d'absence et à ceux qui sont en télétravail pendant le confinement.
Le Président de la République avait promis, le 25 mars à Mulhouse, que "l'ensemble des personnels soignants" et "l'ensemble des fonctionnaires mobilisés" pendant la crise sanitaire bénéficieraient "à court terme" d'une mesure "claire et forte" de reconnaissance. Très attendu, le dispositif a été dévoilé par le gouvernement, ce 15 avril, à l'issue du conseil des ministres.
"Dans la fonction publique d'Etat, a déclaré le Premier ministre, certains agents ont fait preuve d'un dévouement remarquable. Alors en tant qu'employeur, l'Etat souhaite marquer sa reconnaissance envers ces personnels à travers le versement d'une prime défiscalisée d'un montant maximal de 1.000 euros nets, modulable en fonction de l'engagement des agents." Edouard Philippe a ensuite indiqué que les collectivités territoriales auront "la possibilité de verser dans les mêmes conditions d'exemption de prélèvement fiscal et social un maximum de 1.000 euros par agent". Dans la foulée, le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, a confirmé que les employeurs territoriaux disposeraient de la "responsabilité pleine et entière" de définir à la fois les bénéficiaires et les montants de la prime. Il a aussi précisé qu'ils "ne paieront pas de charges sur ces primes."
Autre précision importante, que le secrétaire d'Etat en charge de la fonction publique, Olivier Dussopt, a apportée dans une interview à l'agence AEF : le dispositif sera mis en œuvre par "un outil législatif ou réglementaire" sur lequel travaille actuellement le gouvernement.
Les personnels des Ehpad aussi
"Le gouvernement souhaite également qu'une prime soit versée aux personnels qui remplissent une mission décisive au sein des Ehpad et des services à domicile du secteur médico-social", a par ailleurs indiqué le Premier ministre. "Nous devons en la matière échanger avec les collectivités locales, en particulier avec les départements qui en sont souvent les financeurs, pour déterminer les conditions de financement de cette prime", a-t-il dit.
Pour les agents des hôpitaux, la prime exceptionnelle atteindra 1.500 euros nets. Elle sera versée à "tous les personnels" qui gèrent la crise du covid-19 dans les hôpitaux des départements les plus touchés, ainsi qu'aux personnels des services ayant accueillis des patients "covid" dans les départements les moins touchés. "Tous les autres personnels des hôpitaux" percevront une prime de 500 euros. Par ailleurs, les heures supplémentaires effectuées à l'hôpital pendant la crise sanitaire seront majorées de 50%.
Le second projet de loi de finances rectificative pour 2020 (en téléchargement ci-dessous) que le gouvernement a également examiné en conseil des ministres, ce mercredi, prévoit les mesures de défiscalisation et d'exonération de charges sociales pour la prime exceptionnelle. L'article 5 du projet de loi apporte d'autres précisions. Ainsi, sait-on que la prime est exclue des ressources prises en compte pour le calcul de la prime d'activité et pour l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés. Mais aussi que le montant de la prime ne sera pas soumis au prélèvement à la source par les employeurs qui la versent et ne sera pas pris en compte pour la détermination du revenu fiscal de référence.
Jours de congés et RTT imposés par l'employeur
Par ailleurs, au cours de ce même conseil des ministres, le gouvernement a examiné un projet d'ordonnance donnant la possibilité aux collectivités territoriales d'imposer aux agents en autorisation spéciale d'absence (ASA) ou en télétravail de prendre des jours de congés ou de RTT pendant la période du confinement.
Pour la fonction publique d'Etat, le projet d'ordonnance prévoit que les fonctionnaires et agents contractuels de droit public en ASA entre le 16 mars et la fin de l’état d’urgence sanitaire (le 24 mai 2020) - ou, si elle est antérieure, la date de reprise du service dans des conditions normales -, prennent cinq jours de RTT entre le 16 mars et le 16 avril 2020 et cinq autres jours de RTT ou de congés annuels entre le 17 avril 2020 et la fin de la période. En outre, "afin de tenir compte des nécessités de service", un chef de service d'une administration de l'Etat pourra imposer aux fonctionnaires et agents contractuels de droit public en télétravail entre le 17 avril et le 24 mai 2020 (ou, si elle est antérieure, la date de reprise de l’agent dans des conditions normales), de prendre cinq jours de RTT ou, "à défaut", de congés annuels au cours de cette période.
Le projet de texte précise que le nombre de jours de congés imputés à l'agent "est proratisé" en fonction du nombre de jours accomplis en ASA et en télétravail "au cours de la période de référence" et que le chef de service peut réduire le nombre de jours de RTT ou de congés annuels imposés pour tenir compte d'un congé maladie. Autre indication importante : le nombre de jours de RTT ou de congés annuels pris volontairement pendant le confinement "est déduit" du nombre des jours de RTT ou de congés annuels forcés.
Possibilité de modulation pour les collectivités
L'article 7 de ce projet d'ordonnance stipule que les dispositions énoncées pour la fonction publique d'Etat "peuvent être appliquées" aux agents publics territoriaux "par décision de l’autorité territoriale, dans les conditions définies par celle-ci". Cela signifie que "le nombre de jours de congés appliqués directement durant le confinement peut être modulé, dans la limite du plafond" fixé par le projet d'ordonnance, commente l'entourage du secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique.
La prime exceptionnelle est soumise au "bon vouloir" et dépendra des "moyens financiers" des employeurs territoriaux, a réagi la CGT Fonction publique. Qui a aussi estimé que les "primes ne remplaceront jamais les nécessaires hausses de salaires." Le dispositif va "accentuer les inégalités entre versants et au sein même de chacun des versants de la fonction publique", a regretté de son côté la Fédération autonome (FA-FP). Le syndicat a aussi considéré la possibilité d'imposer des jours de congés et de RTT aux agents comme "inacceptable" et "indigne." Pour sa part, l'UNSA Fonction publique a dénoncé "une mesure malvenue", décidée sans "aucune concertation" avec les syndicats et qui aboutira à "des décomptes contre-productifs."
En revanche, les employeurs territoriaux devraient avoir des motifs de satisfaction. Réunis au sein de la coordination des employeurs territoriaux, ils souhaitaient que "chaque collectivité" ait "la possibilité", de manière encadrée, et non "l'obligation", d'imposer à des agents l'imputation de jours de congés durant le confinement (voir notre article du 3 avril 2020). S'agissant de la prime exceptionnelle, les employeurs territoriaux évoquaient la "possibilité" d'un versement, "sur décision souveraine de la collectivité" et en dehors du dispositif indemnitaire habituel (Rifseep).
Dès ce mercredi soir, l'association France urbaine s'est félicitée de la possibilité donnée aux employeurs territoriaux de "récompenser l'engagement des fonctionnaires territoriaux qui se sont fortement mobilisés depuis le début de la crise" et attende avec impatience le projet de décret. France urbaine voit également d'un bon oeil la possibilité d'imposer une prise de jours de congés et d'éviter ainsi "que se constitue un stock de congés non pris trop important qui serait difficilement gérable dans la période post-confinement". Il s'agit, selon les maires de grandes villes, "d'assurer à la fois le repos des équipes et la pleine mobilisation des services lors du déconfinement".