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Covid-19 : le Conseil d'État rejette un référé sur le dépistage généralisé en Ehpad

Le Conseil d'État a rejeté ce 15 avril une demande de référé sur le dépistage généralisé du Covid-19 dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et validé dans le même temps l'action du gouvernement sur les masques et les respirateurs.

Dans une ordonnance de référé du 15 avril, le Conseil d'État rejette une demande émanant de plusieurs organisations syndicales nationales et locales et demandant notamment "d'enjoindre au Premier ministre et au ministre des Solidarités et de la Santé de prendre les mesures réglementaires propres à assurer le dépistage systématique et régulier des résidents, personnels et intervenants au sein de tous les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), y compris lorsqu'ils sont asymptomatiques, et prendre les mesures propres à affecter prioritairement à leur dépistage le matériel nécessaire".

Pas de carence sur le dépistage annoncé

Les requérants demandaient également des mesures sur la mise à disposition de matériel, y compris des matériels d'oxygénation à haut débit, "pour les résidents dont l'état ne nécessite pas une prise en charge dans un établissement hospitalier". Dans son mémoire en réponse, le ministre des Solidarité et de la Santé fait au contraire valoir que "les requérants n'ont établi aucune action ou carence de l'autorité publique de nature à créer un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes, et par suite à porter une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale".
Une position suivie intégralement par le Conseil d'État, qui rejette la demande de référé. L'ordonnance relève en effet qu'allant au-delà des recommandations du Haut conseil de la santé publique en date du 30 mars, le ministre des Solidarités et de la Santé a annoncé, le 6 avril 2020, l'engagement d'une campagne de dépistage systématique en faveur du personnel et des résidents des Ehpad dans lesquels un cas de contamination au Covid-19 a été constaté. On notera au passage que la requête a été enregistrée au secrétariat du contentieux le 7 avril, soit au lendemain de l'annonce d'Olivier Véran. En outre, "certaines collectivités territoriales, dans les zones particulièrement touchées, ont par ailleurs annoncé des campagnes de dépistage des personnels et résidents de tous les Ehpad de leur ressort territorial". Le Conseil d'État procède même au recensement des commandes d'automates d'extraction et de réactifs, pour s'assurer de la faisabilité de ces annonces.

Validation de l'action du gouvernement sur les masques et les respirateurs

En ce qui concerne les masques, le Conseil d'État estime suffisante la dotation annoncée de cinq masques chirurgicaux par lit ou place et par semaine, avec un objectif chiffré de 500.000 masques chirurgicaux par jour. L'ordonnance de référé relève aussi qu'"au 10 avril 2020, le total des commandes notifiées représentait un volume de plus de 2 milliards de masques, dont environ trois quarts de masques chirurgicaux et un quart de masques FFP2". Et les livraisons effectives se sont élevées à plus de cinquante millions de masques depuis le début du mois d'avril. Enfin, sur les appareils d'oxygénation à haut débit, l'ordonnance rappelle que le ministère a défini "une stratégie de gestion de l'oxygène médical en Ehpad et à domicile, qui a fait l'objet d'une diffusion aux agences régionales de santé le 2 avril 2020 et que, compte tenu des tensions observées sur l'approvisionnement en concentrateurs individuels, de nouvelles consignes relatives à la gestion de l'oxygène en Ehpad ont été diffusées par le ministère le 11 avril, en vue d'assouplir les conditions d'accès à des solutions alternatives d'oxygénation".
Dans ces conditions, "il découle de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées".

Conseil d'État : des ordonnances et une doctrine

Au-delà de ce nouveau rejet d'une requête en référé liée à la gestion de la crise sanitaire (voir aussi nos articles ci-dessous du 30 mars 2020 sur les centres de rétention administrative et du 6 avril 2020 sur l'hébergement des personnes sans abri), le Conseil d'État a choisi de s'en tenir à une ligne de conduite : ne pas entraver inutilement l'action de l'État dans la plus grave crise sanitaire du siècle et dans un moment d'extrême difficulté pour l'action des pouvoirs publics.
Cela ne signifie évidemment pas que le Conseil d'État délivre des blancs-seings à la chaîne. Toutes les ordonnances de référé concernant les dispositions liées à la crise sanitaire – que le Conseil a regroupées sur une page dédiée de son site – sont soigneusement argumentées, même s'il apparaît à l'évidence que tous les chiffres et toutes les dates citées viennent des mémoires en réponse des administrations
Par ailleurs, il ne serait pas illégitime que le Conseil d'État soit quelque peu agacé par l'avalanche de requêtes en référé, qui apparaissent souvent comme un simple moyen de pression sur les pouvoirs publics, plutôt que de de recourir aux moyens habituels (courriers, demandes de rendez-vous, pétitions en ligne). Sans compter que l'intérêt à agir de certains requérants peut laisser songeur. Ainsi, le 15 avril également, le Conseil d'État a rejeté un autre référé portant sur l'accès aux soins hospitaliers et aux soins palliatifs des résidents des Ehpad. Si on peut comprendre que l'association Coronavictimes a un intérêt à agir, on comprend mal quel est celui du second signataire de la requête, en l'occurrence le Comité anti-amiante Jussieu...

 
Références : Conseil d'Etat statuant au contentieux, décision n°440002 du 15 avril 2020, Union nationale des syndicats Force ouvrière santé privée.