Sécurité routière - Edouard Philippe toujours aussi déterminé sur la limitation de vitesse à 80 km/h
En déplacement dans la Sarthe ce 16 mars, le Premier ministre a réaffirmé son attachement à la limitation de vitesse à 80 km/h qui doit entrer en vigueur le 1er juillet prochain sur les routes secondaires sans séparateurs de voie. Alors que la mesure est très mal perçue dans les territoires ruraux, il estime qu'elle peut contribuer à diminuer la mortalité routière, repartie à la hausse en février.
Conforté dans sa position par la hausse du nombre de morts sur les routes en février (+5,9% par rapport à la même période de 2017, selon les derniers chiffres de la Sécurité routière), Edouard Philippe s'est encore montré inflexible ce 16 mars, lors d'un déplacement dans la Sarthe, sur l'abaissement de la limitation de vitesse à 80 km/h sur certaines routes secondaires.
"Mobilisation générale"
Martelant sa "détermination" à appliquer comme prévu cette mesure controversée au 1er juillet, le Premier ministre a assuré que le gouvernement ne menait "pas un combat contre les Français", "les automobilistes" ou "contre les ruraux". "C'est une mobilisation générale pour faire en sorte que personne ne se satisfasse, ne se résigne, à ce que chaque année en France il y ait plus de 3.600 morts sur les routes (3.693 en 2017, ndlr), près de 25.000 personnes gravement blessées à la suite d'un accident routier", a exhorté le Premier ministre, en conclusion de sa visite d'un centre de réadaptation prenant en charge des accidentés de la route à Saint-Saturnin.
La veille, et alors que certains membres du gouvernement mettent en doute en privé l'opportunité de cette mesure qui avive le mécontentement des territoires ruraux, Edouard Philippe avait reçu le soutien d'Emmanuel Macron. Le chef de l'Etat, discret sur la question, avait appelé à "expliquer aux gens que c'est 2 minutes (en plus, ndlr) sur le trajet moyen qui est de 40 km". Chantal Perrichon, présidente de la Ligue contre la violence routière et partisane du 80 km/h, a pour sa part salué "le cran" du chef du gouvernement face à la fronde. "On voit bien (avec les chiffres de février) que ça piétine, et lui et son équipe savent que si cette mesure est mise en place, dans trois ou quatre mois il y aura des résultats", a-t-elle souligné à l'AFP.
Regrettant que le "plan global" du gouvernement, dévoilé le 9 janvier pour mettre un terme à trois années de hausse de la mortalité entre 2014 et 2016, soit parfois ramené à la seule mesure sur les 80 km/h, Edouard Philippe a aussi rappelé l'"action résolue" contre la conduite en état d'ivresse, sous l'emprise de stupéfiants ou sans permis de conduire, et "un programme de formation et d'information".
"Un peu de râlerie"
Durant sa visite, le Premier ministre, accompagné de la ministre de la Santé Agnès Buzyn, a échangé avec plusieurs patients dont un homme victime d'un accident en janvier en Eure-et-Loire, sur une petite route, après avoir été heurté frontalement par un chauffard en état d'ébriété. "Il faut en discuter avec les élus locaux dans nos campagnes qui sont bien placés pour savoir les portions de route qui sont dangereuses et celles qui ne le sont pas", a relevé cet homme, faisant référence à une lettre envoyée à Matignon et co-signée par 28 présidents de conseils départementaux, demandant une "application différenciée de la limitation de vitesse à 80 km/h".
Une solution pourrait être de "mettre à 70 km/h les petites routes de campagne et laisser à 90 km/h les axes structurants", a indiqué à l'AFP Pierre Chasseray, délégué général de l'association 40 millions d'automobilistes opposée à la limitation de vitesse à 80 km/h.
Cette limitation, "c'est un peu agaçant (...) mais la question c'est : est-ce que grâce à ça on évite 300 à 400 morts par an, peut-être 5.000 blessés graves ?", a souligné le Premier ministre. "Je sais bien que ça râle. Mais je trouve que ça vaut le coup d'affronter un peu de râlerie quand on fait un truc qu'on pense utile", a-t-il insisté, répétant que les coûts du changement de signalétique seraient pris en charge par l'Etat, et que les éventuelles recettes supplémentaires liées aux contrôles iraient dans un fonds pour financer les établissements prenant en charge les accidentés de la route.
Réduction des vitesses sur les routes : le CGDD livre son évaluation socio-économique
Le Commissariat général au développement durable (CGDD) vient de publier une
étude sur l'évaluation socio-économique de la réduction de la vitesse maximale autorisée (VMA) sur les routes. L'analyse du CGDD prend en compte sur une période d'un an "l'ensemble des coûts marchands et non marchands : perte de temps, accidentalité, consommation de carburants, installation de nouveaux panneaux, pollution, bruit". Sur le réseau autoroutier, l'abaissement des VMA de 20km/h aurait un bilan socio-économique "très négatif" (-550 millions d'euros, estime le CGDD), la perte de temps occasionnée (-1.150 millions d'euros) n'étant pas compensée par les gains en termes d'accidentalité (150 millions d'euros) et les économies de carburant (360 millions d'euros). Si l'on prend l'ensemble du réseau secondaire (toutes les routes nationales et départementales), l’abaissement des VMA de 10 km/h aurait encore un bilan socio-économique négatif de l’ordre de 160 millions d'euros, dû à la perte de temps occasionnée (-1.200 millions d'euros ) qui n’est pas compensée par les gains en accidentalité (870 millions d'euros). En revanche, sur les routes à chaussée unique bidirectionnelle, qui concentrent "88 % de la mortalité hors agglomération", l’abaissement de la VMA de 10 km/h présenterait un bilan positif "de l’ordre de 230 millions d’euros". C’est donc bien sur ce réseau, "qu’une mesure de réduction de la vitesse a le plus de sens", estime le CGDD. L’étude chiffre les coûts du "temps perdu" à 626 millions d’euros. Mais le nombre de morts diminuerait de 122, et celui des blessés graves de 665. L'économie totale pour la société est chiffré à 770 millions d’euros. En croisant donc uniquement le coût du temps perdu et le bénéfice d’une moindre accidentalité, le bilan est positif de 144 millions d’euros. Le CGDD ajoute d’autres paramètres : 32 millions d’euros d'économies de carburant ; 11 millions d’euros de pollution en moins ; 30 millions d’euros de dégâts matériels évités… Hormis le "temps perdu", la principale dépense supplémentaire résulte du changement de panneaux de signalisation, estimé à 9 millions d’euros. Au total, le bilan est positif à hauteur de 233 millions d’euros.
A.L.