Réduction à 80 km/h de la vitesse autorisée - L'incompréhension règne entre le Sénat et le gouvernement
L’audition au Sénat ce 24 janvier du délégué interministériel à la sécurité routière, Emmanuel Barbe, a permis de lever des doutes sur l’efficacité de la limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes du réseau secondaire dénuées de séparateur central, qui doit entrer en vigueur en juillet prochain. Les sénateurs craignent que cette mesure pénalise les habitants des territoires ruraux. Le gouvernement maintient qu'elle est la seule disposition efficace pour y endiguer la hausse de la mortalité.
Foire d’empoigne au Sénat sur la question sensible de la vitesse routière ! Auditionnant le 24 janvier le délégué interministériel à la sécurité routière, Emmanuel Barbe, les sénateurs de la commission des lois et de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ont critiqué de toutes parts l’intérêt de la mesure de limitation à 80 km/h de la vitesse autorisée sur le réseau routier secondaire.
Ne pas se priver d’agir
Annoncée le 9 janvier à l’issue du Conseil interministériel de sécurité routière (CISR) organisé à Matignon, en vue d’une entrée en application dès juillet prochain, cette mesure concerne pour rappel les routes à deux sens sans séparateur central. Soit une bonne partie des anciennes routes départementales (voir notre article dans l’édition du 10 janvier). Ces routes bidirectionnelles souvent étroites concentrent la moitié de la mortalité routière. "La vitesse est l’essence même de la sécurité routière. Ne pas y toucher, c’est se priver d’agir. Et même si elle n’est pas toujours en cause dans un accident, elle en accentue la gravité", a expliqué le délégué aux sénateurs visiblement remontés contre la portée de cette mesure à venir. Celle-ci s'intègre dans un paquet de dix-sept autres mesures mais pour les sénateurs, "sur le terrain, tous les yeux sont braqués sur cet abaissement généralisé qui donne l’impression qu’on réglera tout avec 10 km/h en moins, alors que l’état de la route et le comportement du conducteur jouent aussi". Pour Rémy Pointereau, sénateur du Cher (Centre-Val de Loire), cette mesure serait même perçue comme "une double peine dans les territoires ruraux s’ajoutant à l’envolée du prix des carburants". D’autres parlementaires vont plus loin et estiment que les forces de l’ordre sur le terrain n’approuvent pas son efficacité. Et qu’il aurait été plus pertinent de travailler de façon plus ciblée - sans généralisation - sur des tronçons connus pour être particulièrement accidentogènes. "Généraliser à toutes ces routes, c’est s’assurer des résultats probants, dans la lignée de précédents efforts démontrant que la mortalité peut encore baisser et que des vies peuvent être sauvées", a défendu Emmanuel Barbe.
Le plus lourd tribut
La grogne sénatoriale s’est poursuivie au sujet de l’expérimentation, de 2015 à 2017 en Haute-Saône, d’un abaissement de 10 km/h de la vitesse sur un tronçon de la RN57, entre Besançon et Vesoul. Des sénateurs ont interpellé le Premier ministre afin de connaître les résultats et la valeur scientifique des études menées. "Ils vous seront bien évidemment transmis", a répliqué le délégué interministériel. Cette étude du Cerema - à ce jour non rendue publique et qui ne porte pas que sur la seule vitesse - afficherait des résultats nets et encourageants, avec notamment une baisse des violences routières liées aux trafics de poids lourds. Emmanuel Barbe a cependant reconnu l’intense effort de pédagogie à déployer pour faire passer la pilule. "Il faudra de la pédagogie. La ruralité paie le plus lourd tribut à la violence routière. Il est logique d’agir là où les routes sont les plus meurtrières. La mesure sera évaluée d’ici deux ans", a conclu Emmanuel Barbe.
A l’issue de son audition, les deux commissions ont constitué un groupe de travail commun sur la sécurité routière composé de trois membres (Michel Raison, sénateur de la Haute-Saône, Michèle Vullien, sénatrice du Rhône, et Jean-Luc Fichet, sénateur du Finistère).