Le gouvernement abaisse à 80 km/h la vitesse sur les routes secondaires
Lors d'un Conseil interministériel de sécurité routière (CISR) organisé à Matignon ce 9 janvier, le gouvernement a adopté un train de mesures visant à faire reculer la mortalité sur les routes. Ce plan prévoit en particulier de ramener de 90 à 80 km/h la limitation de vitesse sur les routes secondaires à double sens au 1er juillet prochain et de mieux protéger les piétons.
"Notre obsession, c'est de sauver toujours plus de vies chaque année sur les routes", a déclaré le Premier ministre Edouard Philippe, à l’issue du Conseil interministériel de sécurité routière (CISR) du 9 janvier qui a conduit à l’adoption de 18 "mesures de rupture" dont les principaux objectifs sont de "faire baisser la vitesse sur les routes", "lutter contre l'alcool et la consommation de produits stupéfiants" et "l'utilisation de téléphones portables au volant", et "renforcer la sécurité des piétons". Depuis le nombre de tués sur la route le plus bas en 2013 (3.268), le nombre de morts sur les routes est en effet reparti à la hausse (3.477 tués en 2016) et la France n'a plus connu d'augmentation aussi durable depuis 1972.
Environ 40% du réseau routier concerné
Mesure la plus emblématique du nouveau plan, la baisse de 90 à 80 km/h de la limitation de vitesse sur les routes secondaires à double sens sans séparateur central (terre-plein, glissière) entrera en vigueur le 1er juillet prochain et concernera environ 40% du réseau. Les "deux fois deux voies", soit une centaine de kilomètres "peu accidentogènes", resteront limités à 90 km/h.
"Cette mesure peut permettre de sauver chaque jour une nouvelle vie, soit entre 350 et 400 chaque année", a souligné le Premier ministre. Les routes à double sens hors agglomération ont en 2016 concentré 55% des accidents mortels (1.911 tués). Edouard Philippe a précisé que le surplus de recettes engendré par les PV serait dédié "en intégralité" aux soins des accidentés.
Pour ce premier changement de la limitation de vitesse hors agglomération depuis 1974, le gouvernement prévoit de modifier le code de la route par décret alors que certains opposants à cette mesure réclament un débat parlementaire. D'ici le 1er juillet, de larges campagnes de communication seront déployées par la Sécurité routière.
Au moins 20.000 panneaux de signalisation à changer
Sur le terrain, il faudra changer les 20.000 panneaux de signalisation qui jalonnent les 400.000 kilomètres de routes concernées dont 378.000 kilomètres de routes départementales. "Il conviendra certainement, pour familiariser les usagers de la route à cette nouvelle mesure, d'ajouter un certain nombre de panneaux à des endroits où ils sont absents aujourd'hui", a précisé le Premier ministre Edouard Philippe dans un courrier adressé à l'Assemblée des départements de France (ADF). Le chiffre de 20.000 panneaux supplémentaires était évoqué en décembre dans une note de la Sécurité routière transmise aux préfets.
L'opération devrait coûter "entre 5 et 10 millions d'euros" selon le gouvernement. "Cette mesure sera entièrement financée par l'Etat par le truchement du compte d’affectation spéciale des recettes des amendes radar sur la base des dépenses exprimées par les Conseils départementaux", a assuré le chef du gouvernement dans son courrier à l'ADF.
Temps de trajets rallongés mais émissions polluantes en baisse
Les automobilistes devront s'habituer à voir leurs temps de trajets usuels réalisés à 90 km/h allongés. Selon la Sécurité routière, il faudra 45 secondes de plus pour réaliser un trajet de 10 kilomètres, deux minutes pour 25 kilomètres et trois minutes pour 40 kilomètres. Mais cela permettra aux conducteurs d'économiser 120 euros par an de carburant, estime la Sécurité routière, qui rappelle aussi que, selon des estimations de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), ce ralentissement pourra également réduire de 30% les émissions de polluants. Il n'y aura en revanche aucun changement pour les chauffeurs de poids lourds, comme les conducteurs novices, qui doivent déjà rouler à 80 km/h maximum sur ces routes.
Le gouvernement prévoit d'évaluer les effets de la mesure d'ici au "1er juillet 2020". "Si les résultats ne sont pas à la hauteur de nos espérances, le gouvernement prendra (alors) ses responsabilités", a ajouté Edouard Philippe.
Mesure toujours très débattue
Source d'interminables débats, cette disposition a toujours été redoutée par les gouvernants en termes d'opinion publique. "Si pour sauver des vies, il faut être impopulaire, j'accepte de l'être" avait prévenu Edouard Philippe dimanche 7 janvier dans le JDD. Selon un sondage Harris Interactive publié le 9 janvier pour RMC et Atlantico, 59% des Français sont opposés à cette mesure, et 83% pensent qu'elle vise surtout à accroître le montant total des contraventions.
La baisse de la vitesse sur le réseau routier secondaire est prônée depuis plusieurs années par des associations de sécurité routière comme la Ligue contre la violence routière. "La priorité des priorités, c'est de diminuer la vitesse sur le réseau le plus dangereux de notre pays", s'est réjouie le 9 janvier auprès de l'AFP sa présidente, Chantal Perrichon. La Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut), qui réclame aussi depuis longtemps en faveur de la limitation de la vitesse à 80 km/h sur le réseau secondaire a jugé dans un communiqué la décision du CISR "pertinente et courageuse".
L'impact précis de la mesure reste toutefois à ce stade impossible à prédire, faute d'expérimentation sur une durée assez longue notamment. Des observations réalisées sur ces tronçons-tests ont toutefois montré que la vitesse moyenne a baissé, les bouchons n'ont pas augmenté et l'accidentologie est en baisse. Favorable à la mesure des 80 km/h, le directeur de communication de la Prévention routière Thomas Thieulin a estimé que "plus on diminue la vitesse moins les chocs sont violents et moins les dégâts le sont également".
Les associations d'automobilistes et de motards, elles, contestent son efficacité. L'abaissement de la vitesse est "une mesure politique regrettable", a déclaré à l'AFP le président de 40 millions d'automobilistes, Daniel Quéro, en revendiquant 600.000 signataires pour une pétition contre les 80 km/h. "Il n'y a pas de raison de toucher à la vitesse, les véhicules s'améliorent, la qualité des routes aussi", peste-t-il, dénonçant "une mesure répressive de plus".
Renforcement des sanctions contre l'usage du téléphone au volant
Le plan présenté le 9 janvier prévoit aussi, à l'horizon 2021, de donner la possibilité à un conducteur contrôlé en excès de vitesse de plus de 40 km/h et faisant l'objet d'une suspension de permis de continuer à conduire, à condition de ne conduire qu'un véhicule équipé d'un contrôleur électronique de vitesse. Il sanctionne plus durement l'usage du téléphone au volant tenu en main, impliqué dans un accident mortel sur dix. Combiné avec une autre infraction, il conduira immédiatement à la "retenue" du permis et ouvrira la voie à une suspension par les autorités préfectorales.
Pour lutter contre l'alcool au volant, en cause dans 29% des accidents mortels, la vente ou mise à disposition d'éthylotests sera généralisée dans les débits de boissons ainsi qu'à proximité des rayons de boissons alcoolisées. L'utilisation d'éthylotests antidémarrage (EAD) sera aussi rendue obligatoire pour les récidivistes de conduite en état alcoolique.
Mieux protéger les piétons
Alors que 559 piétons ont été tués en 2016 (+19,4% par rapport à 2015), le gouvernement prévoit de punir "plus lourdement" les conducteurs qui ne respectent pas les règles de priorité à leur égard, et de permettre de les sanctionner sans interception, notamment par vidéo-verbalisation. Un programme est également prévu pour mieux sécuriser les abords immédiats des passages piétons en redéfinissant les emplacements de stationnement et en marquant au sol "une ligne d'effet des passages piétons jusqu'à cinq mètres en amont de ceux-ci pour indiquer l’endroit où les véhicules doivent s'arrêter". Le développement d’itinéraires dédiés et encadrés (pedibus et velobus) sera aussi encouragé pour sécuriser les déplacements des enfants à pied ou à vélo.