Économie sociale et solidaire : les régions et France active invitent les entreprises à se développer
Quel bilan pour la loi sur l’économie sociale et solidaire de 2014 et quelles perspectives pour le développement de cette économie dans les territoires ? Lors d’un webinaire récemment organisé par Régions de France et France active, des élus, opérateurs financiers et entrepreneurs ont mis l’accent sur les opportunités offertes par l’ESS en termes de maintien et de développement de l’emploi dans les territoires, notamment à travers la reprise d’entreprises par leurs salariés.
"Nous étions au bord du mur, nous n’avions plus d’autre option parce que le seul candidat repreneur avait retiré son offre à quatre jours de la liquidation." Entreprise créée en 1901 et fabriquant aujourd’hui des tubes soudés en acier inoxydable, la Meusienne est devenue une Scop (société coopérative et participative) en septembre 2024, grâce à la mobilisation de 40 de ses salariés. Lors d’un webinaire organisé le 26 novembre 2024 par Régions de France et France active, Roxanne Creutz, directrice de la Meusienne, a expliqué avec enthousiasme comment elle et ses collègues avaient eu trois jours pour se décider à investir dans leur propre entreprise, puis 42 jours pour convaincre des financeurs de les suivre dans ce projet, grâce à l’appui de l’Union régionale des Scop. "Les pouvoirs publics ont été extrêmement mobilisés parce que c’est la Meuse et, en Meuse, chaque emploi industriel est majeur", témoigne la dirigeante.
Accès au foncier : "un rôle primordial des collectivités"
Si, à l’instar de Duralex (voir notre article), des reprises d’entreprises en Scop ont récemment fait parler d’elles, cette possibilité est encore trop peu connue, à en croire les participants au webinaire. "Aujourd’hui, cela se fait presque un peu par hasard et c’est dommage parce que ce sont de vraies solutions", juge Sylvie Mariaud, vice-présidente de la région Île-de-France en charge de l’économie sociale et solidaire (ESS) et des achats responsables, qui loue la capacité des entreprises de l’ESS "à répondre à des problèmes hyper concrets" liés à la fois à la transition écologique, au développement territorial et aux défis sociaux. Marie-Laure Cuvelier insiste sur la notion de "responsabilité territoriale des entreprises" qui, de son point de vue, caractérise ces entreprises de l’ESS et "va plus loin que la RSE" parce que la RSE n’implique pas "d’attache territoriale" (voir notre article).
Autre entreprise de l’ESS mise en avant lors de cette séquence : Sequndo, un réseau de 13 structures de l’insertion spécialisées dans la "déconstruction sélective", permettant le réemploi de matériaux du bâtiment. "Les collectivités nous facilitent l’accès au foncier et ont un rôle primordial", témoigne Eléonore Clerc, directrice de Sequndo, évoquant des partenariats autour "de marchés de rénovation de long terme, pour avoir de la visibilité sur l’activité, mais aussi la création de plateformes de reconditionnement pour massifier l’activité".
Lors de ce webinaire, il a été question du bilan de la loi de 2014 sur l’ESS et des perspectives pour l’ESS dans les 10 ans à venir. L’ensemble des participants ont reconnu le rôle clé de la loi Hamon dans les statuts qui ont été donnés au champ de l’ESS – l’accent a été notamment mis sur le statut d’entreprise solidaire d’utilité sociale (Esus), en lien avec les mécanismes d’épargne solidaire -, dans la structuration de l’écosystème d’acteurs et dans la dynamique positive qui en a découlé.
"Il n’y a pas l’économie des requins d’un côté et l’économie des gentils de l’autre"
Chefs de file, les régions opèrent au bon niveau, de l’avis général, et cela en lien avec des opérateurs financiers tels que France active, mais aussi avec d’autres collectivités – les intercommunalités notamment et parfois les départements et les communes. "Ces stratégies territoriales sont encore inégales selon les régions, mais il y a une volonté collective d’avancer", souligne Marie-Laure Cuvelier, conseillère régionale déléguée à l’ESS de Nouvelle-Aquitaine. "1,2 milliard d’euros sont consacrés par les régions à l’ESS, c’est très significatif", appuie Carole Delga, présidente de Régions de France et de la région Occitanie. "Les politiques portées par les présidents de régions sur l’économie sociale et solidaire ne dépendent pas du tout de la sensibilité politique. Il y a un vrai investissement", poursuit l’élue. Ce soutien passe par exemple en Ile-de-France par des outils de financement dédiés, mais aussi par les achats de la collectivité et le déploiement des politiques régionales dédiées à l’économie circulaire, la culture ou encore l’environnement, met en avant Sylvie Mariaud.
"Le rôle des régions est majeur", selon Pierre-René Lemas, président de France active, qui appelle à renforcer encore ce rôle dans le champ économique. L’ancien directeur général de la Caisse des Dépôts plaide aussi pour une intégration de l’ESS dans "la stratégie régionale économique générale", en particulier pour le développement de filières. "Il n’y a pas l’économie des requins d’un côté et l’économie des gentils de l’autre : ce sont deux éléments qui participent de la même dynamique créatrice d’emplois", affirme-t-il. Carole Delga insiste elle aussi sur le potentiel de création d’emplois, considérant que "l’ESS a un rôle puissant à jouer sur la transformation écologique et sociale".
Avoir "une vraie stratégie nationale de l’ESS"
Pierre-René Lemas invite aussi les entreprises de l’ESS à "sortir de l’économie du bricolage et des bouts de ficelle", à avoir "confiance" en elles et à investir pour passer des caps. "Solidarité, industrie financière et développement économique, ce n’est pas antinomique", martèle le président de France active. Alors encore ministre en charge de l’ESS, Marie-Agnès Poussier-Winsback a également exhorté l’ESS à "arrêter d’avoir peur", à "rester non-lucrative, démocratique, ancrée sur les territoires" tout en ayant de "l’ambition".
"Il est crucial que nous ayons une vraie stratégie nationale de l’ESS", estime Benoît Hamon, président d’ESS France, dans un message vidéo diffusé lors du webinaire. Celui qui avait porté la loi ESS votée en 2014 insiste lui aussi sur l’importance des alliances pour structurer des filières et "permettre le passage à l’échelle de l’ESS dans nos territoires". Il plaide par ailleurs pour que la prise en charge des publics dits vulnérables (personnes âgées et handicapées, jeunes enfants) soit réservée aux acteurs publics et privés non-lucratifs.