École : après le déconfinement, la déconfiture ?

Le retour à l'école s'est fait dans des conditions strictes que d'aucuns voudraient voir assouplies. Pour l’AMF, les modalités de retour à l’école nécessitent des clarifications urgentes. Point d'étape.

Sur le papier, la situation semble claire. Les écoles primaires ont rouvert progressivement à partir du 12 mai 2020. Les collèges ont suivi le 18 juin. Puis les lycées professionnels et enfin les lycées généraux et technologiques des départements "verts" le 2 juin. Mais tous les enfants ne peuvent être accueillis à temps plein. Protocole sanitaire oblige. Pour pallier ce manque, ceux qui ne sont pas en classe profitent du dispositif 2S2C et de ses activités sportives et artistiques. Ou du prolongement de l'enseignement à distance. Selon les derniers chiffres du ministère de l'Éducation nationale, 1,8 million d'écoliers sur un total de 6,7 millions sont retournés à l'école. Le plus souvent à temps partiel.
Un malaise persiste. En première ligne, les maires. Par le biais du comité directeur de l'AMF du 9 juin, ils expriment leurs "fortes préoccupations sur les modalités de réouverture des écoles, en cours et à venir, et souhaite[nt] des clarifications urgentes sur des points essentiels". 
On sent un brin d'agacement chez les élus locaux. Ils ne s'en cachent pas. Ils écrivent : "Contrairement aux déclarations de la porte-parole du gouvernement, l’AMF considère que les maires se sont mobilisés pour permettre la réouverture progressive des écoles primaires à compter du 12 mai, malgré des délais très contraints et la complexité de mise en œuvre du protocole sanitaire."
Les déclarations de la porte-parole du gouvernement ? Sibeth Ndiaye déclarait sur Sud Radio le 5 juin : "Je constate que certaines mairies ont surinterprété le protocole sanitaire. Vous avez des endroits où vous avez des classes avec cinq élèves, avec dix élèves, alors que nous savons que nous pouvons aller jusqu'à la quinzaine."

Cafouillage

Ces déclarations sont intervenues dans un contexte réglementaire incertain. Là, il n'est plus question de surinterprétation. Plutôt de cafouillage. On est passé à côté d'un gros faux pas. Dans une note du 4 juin, le secrétariat général de l'enseignement catholique (SGEC) estimait que la limite du nombre d'élèves pouvant être accueillis en classe avait été abrogée. Il s'appuyait sur le décret du 31 mai 2020. Lequel ne mentionnait aucune limite du nombre d'élèves pouvant être accueillis en classe. Il se contentait de prescrire les gestes barrières et une distanciation physique d'au moins un mètre entre deux personnes.
Pressé de questions, le ministère de l'Éducation nationale a rappelé que le nombre d'élèves était toujours limité en classe. "Compte tenu de la configuration la plus fréquente des salles de classe, la distanciation d’un mètre minimum entre élèves conduit en général à ne pouvoir accueillir simultanément dans une même classe qu’un nombre d’élèves de l’ordre de dix à quinze."
Des études ont fait état de la très faible contagiosité des enfants. Elles ont entraîné des interrogations. Et des espoirs. À commencer par celui d'un assouplissement du protocole sanitaire dans les écoles. "Bientôt", a lancé Jean-Michel Blanquer. Pas avant le 22 juin. Date prévue pour la troisième phase du déconfinement.

"Disparité" 

En attendant, les maires se plient aux règles sanitaires. Elles sont strictes. Les maires ne transigent pas. Des administrés sont mécontents. Le 9 juin, un collectif de parents d'élèves d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) déposait un recours devant le tribunal administratif de Montreuil. Il demandait la réouverture de "l'ensemble" des écoles primaires et un accueil plus régulier des enfants. Par un référé du 20 mai, le même tribunal avait enjoint la mairie de Bobigny de rouvrir les grandes sections de ses écoles maternelles.
Alors l'AMF demande une "clarification urgente". Y compris sur le dispositif 2S2C. "Il doit demeurer exceptionnel." "Et ne pas perdurer après la rentrée scolaire 2020." En cause, "la disparité des moyens humains, techniques et financiers dont disposent les collectivités". Et puis, "il n’appartient pas aux communes et aux intercommunalités de se substituer durablement à l’Éducation nationale pour la prise en charge d’une partie du temps scolaire". 

Vacances apprenantes

On prête à Jean-Michel Blanquer la volonté de développer des après-midi sportives à l'école. En sacrifiant l'éducation physique et sportive au passage. Les syndicats d'enseignants sont vent debout. On évoque un "démantèlement".
L'AMF demande aussi des précisions rapides sur l’organisation des accueils extrascolaires cet été. Et une concertation sur l‘accueil des élèves à la rentrée prochaine. "Il ne doit plus reposer sur le volontariat des familles sous peine d’accroître les inégalités sociales et territoriales." Une délégation demande à être entendue rapidement par le ministre. 
Le temps presse. L'année scolaire s'achève le 3 juillet. Sans réponse avant cette date, ce sont les maires qui vivront des vacances apprenantes…