À Poitiers, le dispositif 2S2C se met en place avec méthode et ambition
Destiné à accueillir les enfants ne pouvant être accueillis en salle de classe, le dispositif 2S2C se déploie lentement dans les écoles avec la participation très active des collectivités. À Poitiers, il va débuter, faute de pouvoir le lancer immédiatement à grande échelle, sous la forme d'une expérimentation. Dans un contexte de fronde des enseignants en EPS, les étudiants en Staps y seront associés.
Quand il a annoncé, le 21 avril 2020 devant la commission de la culture et de l'éducation de l'Assemblée nationale, son plan de déconfinement pour l'école, Jean-Michel Blanquer a laissé perplexes certains responsables de collectivités. Parmi les activités de reprise, le ministre de l'Éducation nationale lançait l'idée d'un dispositif nouveau, baptisé 2S2C pour "sport, santé, civisme et culture". Et Jean-Michel Blanquer de préciser que ce dispositif serait "à travailler commune par commune". Il a fallu attendre le 8 mai – trois jours avant le retour des élèves en classe – pour voir la publication, par les ministères de l'Éducation nationale et des Sports, d'un protocole relatif à ce nouveau dispositif. Les collectivités ont alors pu se mettre au travail. Sans toutefois que toutes les interrogations, notamment financières, ne soient levées.
Commun accord
Pour la ville de Poitiers et la communauté urbaine du Grand Poitiers, la mise en place du dispositif est apparue comme une évidence. Alors que tous ne peuvent être accueillis en cours en raison de la limitation du nombre des élèves à 15 par classe, "on voit bien qu'après deux mois de confinement, les enfants ont besoin de reprendre une activité", explique Agnès Desvaux, directrice de la jeunesse et de l'animation sportive à la ville de Poitiers et à la communauté urbaine. De son propre aveu, depuis le début de la crise sanitaire, il y a eu une grande collaboration entre la direction des services départementaux de l'Éducation nationale (DSDEN) de la Vienne et les collectivités, sur la base d'échanges quotidiens. "D'un commun accord au regard des difficultés exprimées par un certain nombre de familles et les directeurs d'école, il y a eu une volonté de travailler sur le dispositif 2S2C", confie Agnès Desvaux.
Concrètement, deux conventions ont été élaborées avec l'inspection académique, l'une pour la commune, l'autre pour la communauté urbaine. Elles seront ratifiées par les deux collectivités le 8 juin pour un démarrage immédiat du dispositif. Comme le prévoit le protocole 2S2C, un groupe d'appui départemental (GAD) a été mis en place. Outre les deux collectivités et la DSDEN, il comprend des représentants de l'AMF, du Cdos (comité départemental olympique et sportif) et de la DDCS (direction départementale de la cohésion sociale). L'un des rôles du GAD est de fournir un catalogue des associations sportives labellisées 2S2C.
Les équipements sportifs exclus
Une fois la convention signée, Poitiers et son agglomération vivront d'abord une phase d'expérimentation. "Nous ferons un point quotidien de façon à intégrer des écoles progressivement et en ajustant les formats d'intervention. Nous avons la possibilité de compléter les annexes de la convention au fur et à mesure de l'expérimentation", explique Agnès Desvaux. Si la montée en puissance se fait de manière progressive, c'est qu'il est impossible de répondre immédiatement à toutes les demandes. Seules douze des quarante-six écoles sont concernées dans un premier temps. La raison ? Elle tient en deux axes : le nombre d'équipements et d'intervenants disponibles.
Pour ce qui est des équipements, il a été acté que les interventions ne se feraient d'abord qu'au sein des écoles ou à proximité s'il existe des parcs urbains. Les équipements sportifs publics hors établissements scolaires sont donc exclus actuellement du dispositif pour des raisons sanitaires et d'organisation, sachant par ailleurs qu'il est fortement déconseillé de recourir aux transports scolaires.
Futurs enseignants d'EPS
En ce qui concerne les intervenants, le problème est plus complexe. "Nous avons opté pour le principe d'un intervenant unique dans chaque école. Nous affectons un éducateur par école, quitte à ce qu'il ait plusieurs groupes-classes successifs, de manière à garantir une traçabilité et à limiter les brassages", souligne Agnès Desvaux. Pour l'heure, ce sont des Etaps (éducateurs territoriaux des activités physiques et sportives) qui vont être affectés dans des écoles avec lesquelles ils ont l'habitude de travailler dans le cadre des projets éducatifs et sportifs existant déjà sur le temps scolaires. L'avantage ? "Il existe une connaissance du corps enseignant, de l'équipe éducative et des élèves, pointe Agnès desvaux. On les laisse s'organiser directement pour la mise en œuvre opérationnelle, qui ne peut être faite que sur le terrain, entre le directeur d'école et l'intervenant, sous couvert hiérarchique, d'un côté de l'inspection académique, de l'autre de nos propres services."
Pour la montée en puissance du dispositif, ces mêmes principes d'intervention seront partagés avec les associations sportives qui seront liées par convention. Mais l'approche la plus originale du dispositif poitevin pour augmenter le nombre d'intervenants est le recours à des étudiants choisis au sein de la filière Staps (sciences et techniques des activités physiques et sportives). "Nous avons commencé à travailler avec les étudiants licence 3 et master 1 de la Faculté des sciences du sport, décrypte Agnès Desvaux. L'idée est de rééquilibrer à terme nos ressources au niveau du Grand Poitiers, mais aussi de montrer que sur un territoire on peut collaborer de manière intelligente avec à la fois des éducateurs territoriaux, des tiers associatifs que l'on pilote, mais aussi de futurs enseignants d'EPS."
Sous le coût réel
Ce dernier argument n'est pas anodin. Depuis son annonce, le dispositif 2S2C fait l'objet de nombreuses critiques au sein des personnels de l'Éducation nationale. Le 26 mai, dans une tribune publiée par Le Monde, des enseignants et formateurs d'éducation physique et sportive estimaient qu'il remettait "en cause la place de l’EPS à l’école". Une crainte fondée si l'on songe que dès février 2019, Jean-Michel Blanquer et Roxana Maracineanu, ministre des Sports, ont annoncé leur volonté de promouvoir des après-midi de sport à l'école. À Poitiers, le choix a donc été fait d'associer les futurs enseignants en EPS mais encore de "garantir la qualité des interventions". "Tous les acteurs sont unanimes pour dire qu'on ne fait pas de la garderie, plaide Agnès Desvaux. L'idée est bien de construire dans une logique de partenariats et de projets pédagogiques. Une personne du service de l'éducation de la ville coordonne les différents projets."
Reste une question centrale : celle du financement. Avec une prise en charge par l'État à hauteur de 110 euros par vacation de six heures, on est en dessous du coût réel. Pour limiter la note, Poitiers compte demander que le versement s'applique aux ressources associatives externes mais également aux ressources internes à la collectivité. Au-delà du cas poitevin, des associations d'élus s'émeuvent des répercussions financières du dispositif. Dans un courrier adressé le 2 juin à Jean-Michel Blanquer, Christophe Bouillon, président de l’Association des petites villes de France (APVF), "rappelle que les communes n’ont pas vocation à prendre en charge des élèves sur le temps scolaire" et estime que "la situation risque de devenir très vite intenable pour une majorité de petites villes qui ne disposent pas des moyens humains et financiers pour une telle organisation".
Seul soulagement en vue pour les collectivités qui décideraient de mettre en place le 2S2C – elles sont déjà deux cents à avoir signé une convention, selon Jean-Michel Blanquer : le dispositif doit s'achever dès le 3 juillet avec l'année scolaire… à moins que la situation sanitaire ne pousse le gouvernement à le prolonger en septembre prochain.