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Un maire peut-il vraiment maintenir ses écoles fermées ?

Le tribunal administratif de Montreuil a enjoint la mairie de Bobigny de rouvrir les grandes sections de ses écoles maternelles. Pour le juge des référés, l’arrêté du maire visant à maintenir la fermeture des écoles maternelles jusqu'à la fin de l’année scolaire porte atteinte au droit à l’éducation.

Depuis le 11 mai et la réouverture des écoles après deux mois de confinement en raison de la pandémie de covid-19, les communes peuvent décider de faire revenir ou non les enfants à l'école selon leur capacité effective à assurer le strict respect des règles sanitaires. Cette compétence des maires vient de voir son contour précisé par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil (Seine-Saint-Denis) du 20 mai 2020.
Par un arrêté du 15 mai, le maire de Bobigny avait décidé de maintenir la fermeture de l’accueil des enfants des écoles maternelles et des crèches de son territoire jusqu’à la fin de l’année scolaire, à l'exception de celui des enfants des personnes engagées dans la gestion de la crise sanitaire. C'est cet arrêté qu'une parent d'élève, par ailleurs conseillère municipale, a contesté en saisissant le TA de Montreuil d’une demande d’injonction à la commune d’ouvrir les grandes sections des écoles maternelles.

"Compétence résiduelle"

La requérante soutenait notamment que l’absence d’ouverture des grandes sections des écoles maternelles aggravait "les inégalités sociales dans un département connaissant pourtant de fortes difficultés socio-économiques et scolaires et une fracture numérique importante", et qu’à travers l'arrêté municipal il était porté "une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que constituent le droit à l’éducation et l’égal accès à l’instruction et l’intérêt supérieur de l’enfant". Elle estimait également que "le maire, qui ne peut prendre que des mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté et à la salubrité en vue de contribuer à la bonne application des mesures décidées par l’État, n’a qu’une compétence résiduelle, qui doit en outre être cohérente avec l’action étatique et justifiée par des raisons impérieuses liées à des circonstances locales".
De con côté, la mairie de Bobigny faisait valoir, entre autres arguments, que "l’accueil de tous les enfants ne pouvait être envisagé dans un département classé en zone rouge", que la nature de la maladie et l’existence de raisons impérieuses liées à des circonstances locales particulières du département, permettaient au maire d’exercer ses pouvoirs [de police]", ou encore que " les modalités de réouverture des écoles définies par l’État doivent être conciliées avec l’objectif de santé publique".

Pas de raisons impérieuses propres à la commune

Dans son ordonnance, le juge des référés rappelle que le maire ne peut prendre des dispositions destinées à lutter contre la catastrophe sanitaire différentes de celles décidées par l’État, sauf si des raisons impérieuses liées à des circonstances locales en rendent l’édiction indispensable et à la condition de ne pas compromettre la cohérence et l’efficacité des mesures prises par l’État.
En l'espèce, il considère que "l’état général des connaissances sanitaires ou la situation du département de la Seine-Saint-Denis en zone de vigilance rouge […] ne traduisent pas à eux seuls l’existence de raisons impérieuses propres à la commune justifiant la fermeture complète des écoles maternelles de la commune". Par ailleurs, la commune "n’apporte aucune précision sur les raisons pour lesquelles elle ne pourrait respecter le protocole sanitaire, à raison, par exemple, de la configuration des locaux scolaires ou de l’impossibilité de réaliser les opérations préalables de nettoyage ou d’assurer l’entretien régulier des locaux".
Le juge des référés estime donc que "l’arrêté du maire porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit à l’éducation" et enjoint à la commune de Bobigny de définir pour le 3 juin les modalités d’accueil dans les grandes sections de ses écoles maternelles en prenant les mesures strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus.