Eau potable, bruit : la France doublement traduite devant la Cour de justice de l'Union européenne

La Commission européenne a décidé de saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) de deux recours contre la France : le premier pour non-respect de la concentration maximale de nitrates dans l’eau potable dans 107 zones d’approvisionnement ; le second pour défaut d’adoption de l’ensemble des plans d’action contre le bruit exigés par la législation. La Commission a en outre adressé à Paris deux lettres de mise en demeure : l’une de respecter la législation sur les déchets ; l’autre de transposer les règles sur le nouveau système d'échange de quotas d'émission.

L’accalmie n’aura été que de courte durée. Plutôt épargnée ces dernières semaines, la France est de nouveau dans le viseur de la Commission européenne, faute de se conformer pleinement à la législation européenne, en dépit des nombreux avertissements reçus. La Commission a ainsi décidé, ce 25 juillet, de traduire la France devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans deux dossiers emblématiques.

La France traduite devant la CJUE pour les nitrates… 

D’abord pour non-respect de la concentration maximale de nitrates dans l’eau potable, fixée par la directive sur l’eau potable, refondue en 2020 (voir notre article du 16 décembre 2020) et transposée depuis par ordonnance (voir notre article du 3 janvier 2023). 

107 zones d’approvisionnement en eau sont concernées, sises en Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de Loire, Grand Est, Hauts-de-France, Île-de-France, Occitanie et Pays de la Loire. La Commission juge insuffisants les efforts déployés par la France pour remédier à la situation, qui lui avait valu une lettre de mise en demeure en 2020 (voir notre article du 3 novembre 2020), puis un avis motivé en février 2023. Rappelons qu’en 2022, le Parlement européen avait demandé "instamment à la Commission de traiter avec l’attention voulue tous les cas de non-respect de la directive Nitrates" (ce n’est pas le texte visé ici) et "à faire un bien meilleur usage de ses pouvoirs d’exécution, y compris en engageant efficacement en temps opportun des procédures en manquement" (voir notre article du 7 avril 2022).

… et le bruit…

Ensuite pour défaut d’adoption de plans d’action contre le bruit pour toutes les grandes agglomérations et le long des grands axes routiers, comme l’exige la directive sur le bruit du 18 juillet 2002. "Malgré quelques progrès", la Commission juge que les autorités françaises n’ont là encore pas entièrement traité le problème. La France avait reçu en ce domaine une lettre de mise en demeure en mai… 2013, suivie d’une lettre de mise en demeure complémentaire en 2017, puis d’un avis motivé en septembre dernier, alors que 84 plans d’action faisaient toujours défaut – 19 pour les agglomérations, 65 pour les grands axes routiers (voir notre article du 3 octobre dernier). Rappelons que constatant l’absence de progrès en matière de lutte contre la pollution sonore, la Commission européenne entendait récemment renforcer la réglementation en la matière, en visant prioritairement le transport routier, et incitait en particulier les collectivités à se saisir du sujet (voir notre article du 24 mars 2023).

… et mise en demeure de se conformer à la législation sur les déchets…

La Commission a enfin décidé d’adresser à la France – ainsi qu’à 16 autres États membres – une lettre de mise en demeure de se conformer à la législation relative aux déchets, faute d’avoir atteint les objectifs fixés en matière de collecte et de recyclage des déchets, et singulièrement celui fixant à 50%, en 2020, le taux de préparation en vue du réemploi et du recyclage des déchets municipaux. Tout sauf une surprise là encore, au vu des alertes de la Cour des comptes (voir notre article du 10 mars 2023) ou du "rapport d’alerte précoce" que la Commission avait adressé à l’Hexagone l’an passé (voir notre article du 8 juin 2023). Dans ce dernier, la Commission formulait plusieurs recommandations à la France, parmi lesquelles l’introduction d’un système de consigne pour remédier au taux de captage "insuffisant" des emballages en plastique dans les systèmes de collecte séparée. 

… et de transposer les règles relatives au Seqe-2

Enfin, la Commission a décidé d’ouvrir une procédure d’infraction contre la France – et 25 autres États membres ! – pour défaut de transposition complète des dispositions de la directive révisée sur le système d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne (SEQE-UE) relatives au nouveau système d'échange de quotas d'émission (Seqe-2) – voir nos articles des 4 janvier et 16 mai 2023. Seule l’Autriche a fait part de la transposition complète dans son droit national des dispositions relatives au Seqe-2 avant la date limite du 30 juin 2024. Les 26 autres États membres ont désormais deux mois pour remédier aux manquements relevés par la Commission et répondre à la lettre de mise en demeure.

Quatre dossiers clôturés

À noter que cette "session" de juillet a été particulièrement riche, puisque la Commission a au total adressé 86 lettres de mise en demeure et 34 motivés aux États membres, et a soumis pas moins de 14 affaires à la CJUE. Elle a par ailleurs clôturé 72 dossiers, dont 4 français (relatifs au mandat d’arrêt européen, au contrôle et à l’exécution de l’obligation de débarquement dans le domaine de la pêche, au droit d’accès à un avocat et aux services de transport routier).

Sans rapport aucun, signalons enfin que la Commission a par ailleurs autorisé ce même jour un régime d’aides d’État français de 1,5 milliard d’euros visant à soutenir la production de biométhane durable destiné à être injecté dans le réseau de gaz naturel.