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Commande publique - Directive Marchés publics : bientôt un nouveau cadre pour les acheteurs publics

L'adoption finale des directives européennes Marchés publics et Concessions est l'un des évènements les plus attendus en ce début d'année 2014 dans le champ de la commande publique. Ces projets de directives devaient d'ailleurs faire l'objet d'une discussion ce 14 janvier au Parlement européen à Strasbourg, sur la base notamment du rapport dans lequel le député européen Marc Tarabella (socialiste, Belgique) propose un certain nombre d'amendements, le vote du Parlement étant prévu le 15 janvier. Mais ce sera ensuite au Conseil européen d'approuver - ou pas - la version votée par le Parlement.
Quelles seront les conséquences de la transposition en droit interne de cette règlementation européenne pour les acheteurs publics ? Dans une réponse ministérielle publiée au JO de l'Assemblée nationale, le ministre de l'Economie et des finances s'est exprimé sur les effets attendus de cette nouvelle réglementation, en particulier sur les procédures d'appels d'offres. La dernière session d'études de l'Association pour l'achat dans les services publics (Apasp) sur "le contentieux de l'exécution des marchés publics de travaux" (voir notre article du 9 décembre 2013) a quant à elle été l'occasion pour son président, Jean-Marc Peyrical, d'apporter un éclairage sur les apports de la directive en matière d'avenants.

Simplification des démarches et des procédures

Plusieurs changements prévus par la directive devraient, à terme, faciliter la passation des procédures de marchés publics. Parmi eux, la réduction du nombre de documents que doivent fournir les soumissionnaires pour participer aux appels d'offres. Ainsi, "la déclaration sur l'honneur a été généralisée" pour la présentation des candidatures, assure le ministre de l'Economie. Cette proposition avait été validée par les parlementaires européens en septembre 2013, sous le nom de "document européen unique de marchés publics". Il s'agit d'un document par le biais duquel les candidats déclarent ne pas être interdits de soumissionner et qui recense leurs capacités techniques, professionnelles et financières.
Il sera en outre possible de "recourir à la procédure concurrentielle avec négociation dans toutes les hypothèses, à l'exception de l'achat de produits, services ou travaux sur étagère", simplifiant ainsi les règles de passation dans les secteurs classiques, a souligné le ministre.
La dématérialisation des procédures est un autre objectif soutenu activement par l'Union européenne. La directive Marchés publics l'impose désormais aux Etats membres.
Enfin, de nouvelles règles facilitant la prise en compte d'un plus large choix de critères permettra aux personnes publiques contractantes de disposer de davantage de flexibilité pour la réalisation de leurs politiques publiques (critères sociaux, environnementaux...).

L'accès facilité des PME à la commande publique

Lors du lancement de la première consultation sur la modernisation des marchés publics européens par la Commission européenne, en 2011, Michel Barnier, commissaire chargé du marché intérieur et des services, avait notamment déclaré : "Mon ambition est l'accès des petites entreprises à ces marchés (...)". La prochaine directive Marchés publics prévoit effectivement plusieurs mesures en faveur des TPE et PME.
L'acheteur public sera notamment dans l'obligation de procéder à l'analyse globale des capacités en cas de candidature d'un groupement d'entreprises. Autre mesure tendant à favoriser l'ouverture de ces entreprises aux marchés publics, la limitation du chiffre d'affaires exigible au soumissionnaire au double du montant estimé du marché sauf justification. Par ailleurs, l'administration ne pourra pas demander les "certificats ou documents officiels relatifs à la régularité de la situation pénale, fiscale ou sociale" lorsque celle-ci y a elle-même accès, a précisé le ministre.

Modifications substantielles au contrat : l'encadrement des avenants

Jean-Marc Peyrical, le président de l'Apasp, est revenu sur l'actualité européenne concernant l'exécution des marchés publics, et en particulier sur l'encadrement des avenants, au cours de la dernière session d'études organisée par l'association.
Le principe sera "l'interdiction des modifications substantielles du contrat pour tous les contrats précédés d'une mise en concurrence", avait déclaré Jean-Marc Peyrical. Les modifications dépassant 10% de la valeur du contrat pourraient être considérées comme substantielles, "sans certitude" toutefois, avait souligné le président de l'Apasp. Ce principe reprend la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne du 19 juin 2008, Pressetext Nachrichtenagentur GmbH, (aff. C454/06). Les modifications substantielles seraient définies comme celles qui auraient pu avoir une influence sur la sélection des candidats, celles qui modifient l'équilibre économique du contrat en faveur de son titulaire et, enfin, celles qui modifient considérablement son champ d'application en y englobant des fournitures, des services et des travaux non couverts au départ. En revanche, ne seraient pas considérées comme substantielles les modifications prévues par le contrat sous la forme de clauses de réexamen ou d'options claires, précises et univoques. Pour cela, l'acheteur public devra indiquer le champ d'application des modifications, leur nature et les conditions dans lesquelles elles peuvent être opérées. Enfin, les modifications rendues nécessaires par des circonstances imprévisibles, mais sans excéder 50% de la valeur initiale du contrat, n'auraient pas de caractère substantiel.
Jean-Marc Peyrical a donné quelques exemples de modifications susceptibles de bouleverser économiquement un marché : "le bouleversement économique peut résulter du prix ou d'autre chose comme un avenant qui modifierait une formule de révision ou bien le périmètre du contrat". Pour éviter des risques de contentieux, il est plus judicieux de passer un marché complémentaire, "véritable alternative à l'avenant".

"Trouver un juste milieu"

Dans son rapport sur la proposition de directive fait au nom de la commission du marché intérieur du Parlement, le député européen Marc Tarabella propose comme il se doit un certain nombre d'aménagements afin notamment, résume-t-il, de "trouver un juste milieu entre, d'une part, la simplification des règles et, d'autre part, des procédures saines et efficaces fondées sur des critères d'attribution liés à l'innovation et au caractère durable, tout en assurant également une participation plus élevée des PME et en généralisant la passation de marchés publics en ligne".
Il considère ainsi que sur les aspects sociaux et environnementaux, la proposition de Bruxelles "est trop faible" et propose par exemple à ce titre que les spécifications techniques présentes dans les documents de marché soient développées, que tout opérateur ayant enfreint les règles au regard du droit social ou du droit de l'environnement soit obligatoirement exclu et, surtout, que "la notion du prix le plus bas soit définitivement écartée au profit de la notion de l'offre économiquement la plus avantageuse". Il insiste par ailleurs sur la nécessité "d'introduire le principe de responsabilité dans toute la chaîne de sous-traitance" et de renforcer les dispositions sur les offres anormalement basses.
 

Références : Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la passation des marchés publics ; rapport de Marc Tarabella au Parlement européen ; question écrite de Pierre Morel-A-L'Huissier, réponse du ministère de l'Economie et des Finances, publiée au JO de l'Assemblée nationale le 22 octobre 2013.