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Réforme territoriale - Développement économique : les départements rappelés à l'ordre

Le gouvernement vient de contrecarrer les départements qui, malgré la réforme territoriale, entendent continuer à intervenir dans le domaine de l'économie. Dans une récente circulaire, le ministre Jean-Michel Baylet reprécise la répartition des compétences entre collectivités sur ce terrain. Les départements y sont clairement marginalisés. L'Assemblée des départements de France dénonce une interprétation non conforme à la loi et va déposer un recours.

Article initialement publié le 29 novembre 2016

Le gouvernement n'entend pas transiger avec les départements sur la réduction de leurs interventions en matière de développement économique prévue par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notr). On le sait, à partir du 1er janvier 2017, ces derniers "n'auront plus la compétence économique" et les régions, confortées par de nouvelles ressources, "l'exerceront pleinement". Pour le ministre en charge des collectivités territoriales, qui s'exprimait le 14 novembre dernier à l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2017, "il n'est pas question, en la matière, de cultiver le flou artistique".
Pour être entendu par les préfets, Jean-Michel Baylet leur a envoyé, début novembre, une circulaire qui appelle leur attention sur les "conséquences de la nouvelle répartition des compétences en matière de développement économique sur les interventions des conseils départementaux".
Non encore publié sur Legifrance, ce document de 4 pages que Localtis s'est procuré (téléchargement ci-contre), complète l'instruction du 22 décembre 2015 qui détaillait, au moyen de 14 fiches, la nouvelle répartition des compétences économiques locales entre le bloc communal, les départements et les régions (sur cette instruction, voir notre article du 7 janvier 2016 : Un mode d'emploi sur la nouvelle répartition des compétences économiques). Comme la précédente instruction, la nouvelle affirme que la compétence des aides aux entreprises - détenue désormais par la région - ne peut être déléguée aux départements, alors qu'elle peut l'être aux communes et communautés. Dans le cas précis de cette compétence, il est ainsi dérogé à la possibilité fixée dans le code général des collectivités territoriales de la délégation à une autre collectivité territoriale, quelle que soit la catégorie à laquelle celle-ci appartient.

Immobilier d'entreprise : des précisions sur la délégation au département

Par ailleurs, "des questions ayant été posées" sur les aides des départements à l'immobilier d'entreprise, la circulaire apporte des précisions sur le sujet. Deux cas sont envisageables. Lorsque le département ne reçoit pas de délégation des communes et intercommunalités, lesquelles détiennent la compétence de manière exclusive, il ne peut alors plus intervenir, sauf dans les cas particuliers prévus par la loi. Le département se voit obligé notamment de transférer les zones d'activité économique dont il est propriétaire aux communes et groupements concernés. Sur cette opération, la loi est muette. Il appartient donc aux parties prenantes de "s'accorder sur cette cession". De même, les départements doivent se retirer des syndicats mixtes chargés uniquement d'intervenir en matière d'immobilier d'entreprise. En sachant que la procédure à suivre est prévue par le code général des collectivités territoriales.
Dans le cas, cette fois, où un département bénéficie d'une délégation, celle-ci ne peut porter que sur "l'octroi" des aides, mais pas sur "la définition des aides ou des régimes d'aides". En effet, il revient à la commune ou à l'EPCI à fiscalité propre de "déterminer le cadre de l'action du département". En outre, malgré la délégation dont il bénéficie, le département ne peut rester actionnaire majoritaire d'une société d'économie mixte dont l'objet serait l'immobilier d'entreprise. Il doit dans ce cas céder, d'ici la fin de l'année, au minimum les deux tiers de ses actions à la commune ou à l'EPCI à fiscalité propre compétent.

ADF : "L'intelligence territoriale doit primer"

L'instruction de décembre 2015 affirmait que la région est seule compétente pour les aides à la création et à l'extension d'activités, ainsi que pour les aides aux entreprises en difficulté. Selon la dernière circulaire, l'application du principe doit être stricte. Ainsi, les départements ne peuvent pas s'appuyer sur leurs compétences en matière de culture, de tourisme et de sport - lesquelles sont partagées entre tous les niveaux de collectivités - pour verser des aides aux entreprises situées dans ces secteurs. De même, ils ne peuvent pas mettre en avant leur mission de solidarité territoriale.
Ces interdictions font bondir l'Assemblée des départements (ADF) qui les juge contraires à "l'esprit de la loi Notr" et aux débats parlementaires qui ont précédé le vote du texte. "Pourquoi, même lorsque la région est d'accord, empêcher un département d'aider une entreprise du secteur du tourisme dont le poids est très localisé ?", s'interroge l'entourage du président, Dominique Bussereau. L'ADF réclame "plus de souplesse" et plaide en faveur de "l'intelligence territoriale". Décidée à faire entendre sa position, elle va déposer un recours devant le Conseil d'Etat contre la circulaire. Et cela sans attendre la décision de la haute juridiction sur un premier recours que l'association a formulé contre l'instruction de décembre 2015. Celle-ci ne devrait, en effet, être rendue qu'en janvier 2017.

"Tourisme et économie sont indissociables"

Si l'ADF est déterminée, c'est que la lecture restrictive retenue par le gouvernement concernant l'application de la loi Notr n'arrange pas les affaires de certains départements. En utilisant les exceptions fixées par la loi et en faisant valoir l'exercice de compétences partagées, nombre d'entre eux entendent bien continuer à agir en matière économique. Comme la Vienne, dont l'agence touristique départementale - rebaptisée en décembre 2015 "agence de créativité et d'attractivité du Poitou" - a étendu ses missions à la prospection et au développement économique. "Le tourisme et l'économie sont indissociables et complémentaires. (...) Il s'agit d'un seul et même objectif", affirme la délibération prise il y a un an.
Les départements alsaciens disposent déjà, quant à eux, d'une agence de développement économique, l'Adira. Et ils y tiennent. Dans une tribune publiée le 14 novembre dans les Dernières Nouvelles d'Alsace, Frédéric Bierry, président du conseil départemental du Bas-Rhin, a estimé que les deux départements ont une légitimité suffisante pour piloter l'outil. Mais d'autres départements ont jeté l'éponge. A l'instar des Alpes-Maritimes qui cesseront à la fin de l'année de financer l'agence de promotion économique Team Côte d'Azur. La région prendra le relais, aux côté de la métropole Nice Côte d'Azur et de la CCI.
L'objectif de "clarification des compétences" et l'obligation de "continuité de l'action publique à l'égard des milieux économiques" ont conduit le ministre en charge des collectivités territoriales à "préciser les règles du jeu" par cette nouvelle circulaire, explique son cabinet, ajoutant que la démarche est cohérente avec le choix de l'exécutif d'accompagner les régions sur ce dossier par un fonds de 450 millions d'euros en 2017. Les discussions en cours entre les acteurs locaux sur l'organisation de la compétence devraient ainsi être facilitées, assure l'entourage de Jean-Michel Baylet.