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Finances locales - "Des symptômes inquiétants", prévient le président de la CRC d'Ile-de-France

Avec la crise et la réforme de la fiscalité locale, la santé financière des collectivités se dégrade de façon nette, comme l'affirme, sans ambiguïté, le président de la chambre régionale des comptes d'Ile-de-France.

"Même si elles demeurent généralement en assez bonne santé, (...) nos collectivités sont, plus qu'elles ne l'étaient jusqu'ici, exposées au risque épidémique." Ce n'est pas un élu ou un responsable financier qui l'affirme, comme on s'y attendrait, mais le président de la chambre régionale des comptes (CRC) d'Ile-de-France, Jean-Yves Bertucci. Lors de l'audience solennelle de rentrée de la chambre, le 27 avril, le magistrat a dressé un diagnostic très nuancé de la situation des finances locales. En relevant d'abord qu'"avant même les premiers effets de la crise, des signes de fragilité étaient perceptibles". La "rigidité" des dépenses de fonctionnement et la hausse des prix de l'énergie et des coûts de la construction menaçaient déjà la capacité d'investissement des collectivités locales. Ces phénomènes se sont poursuivis. Mais d'autres sont venus s'ajouter : la baisse des droits de mutation et la hausse des dépenses sociales, ces deux facteurs participant tout particulièrement à la dégradation de la santé financière des départements franciliens. "Un écart de plus en plus grand se crée entre le montant de ces dépenses [sociales] et celui des recettes transférées (...). Pour un grand département de l'est de l'Ile-de-France, le différentiel annuel excède 40 millions d'euros", a souligné le président de la CRC. En plus, les départements ont dû absorber les transferts des personnels des collèges et des routes après la loi de décentralisation de 2004.
"Les caractéristiques structurelles des collectivités locales" - notamment la bonne résistance de leurs recettes fiscales en temps de crise, que l'on constatait jusqu'à présent - "ont limité ou retardé pour elles les principaux effets de la crise", a relevé Jean-Yves Bertucci. "Mais cette santé n'est-elle pas précaire et les difficultés ne sont-elles pas devant nous ?", s'est-il interrogé, en ayant à l'esprit les effets de la réforme de la fiscalité locale. "Le pouvoir de fixer les taux de fiscalité va échapper à la région et très largement aux départements, ce qui va les rendre très dépendants de recettes fiscales dont l'évolution leur échappera et du montant des dotations de l'Etat, dont le gel a été décidé. Ces nouvelles recettes fiscales seront, en outre, davantage tributaires (...) de la conjoncture économique", a-t-il précisé. Dans le même temps, l'augmentation des dépenses obligatoires risque de se poursuivre, tout particulièrement pour les départements. Par conséquent, "il est permis de s'interroger (...) sur le niveau à venir de l'investissement public local". Les dépenses d'investissement de plusieurs départements franciliens sont déjà d'ailleurs en "net recul". Tout comme les subventions d'investissement qu'ils attribuent aux communes et aux associations. "Des effets en chaîne sont donc possibles, les difficultés financières d'un niveau de collectivités publiques se répercutant sur un autre", a affirmé le magistrat.
Dans ce nouveau contexte, "il n'est pas certain que les collectivités locales pourront, comme elles l'ont encore fait en 2009, jouer, sur le plan économique et social, un rôle de 'stabilisateur automatique'", a-t-il conclu.