Fiscalité locale - Droits de mutation : hausse de 35% en 2010
Les droits de mutation, principale recette de fiscalité directe des départements, ont augmenté de 35% en 2010 et totalisé 7 milliards d'euros, a fait savoir le 3 mars à l'AFP le ministre en charge des collectivités, Philippe Richert. "C'est donc plus de 1,8 milliard de recettes fiscales supplémentaires pour les départements en 2010. C'est un signe indéniable de la reprise du marché immobilier, qui a des répercussions sur la santé financière des départements", précise Philippe Richert.
La progression de ces droits de mutation à titre onéreux (DMTO) dépasse 40% dans 14 départements "et même 44% dans sept d'entre eux", détaille le ministre. Il s'agit des Yvelines (54,6%), suivies de l'Isère (53,17%), des Hauts-de-Seine (51,9%) et de la Haute-Vienne (49,5%). Vient ensuite Paris avec une hausse de 48,9%, soit 220 millions d'euros supplémentaires, puis le Val-de-Marne et le Val-d'Oise.
Un seul département accuse une augmentation de moins de 10% : la Haute-Marne, dont les DMTO passent en un an de 6,83 millions d'euros à 7,47 millions en 2010. Mais, relève Philippe Richert, ce département, comme d'autres, bénéficie du fonds de péréquation des DMTO. La Haute-Marne obtiendra ainsi 5,73 millions au titre de la péréquation, ce qui lui assurer 13,2 millions d'euros de recettes supplémentaires.
Au total, 26 départements sont contributeurs nets du fonds de péréquation qui totalise 440 millions d'euros, alors que 71 sont bénéficiaires. On est donc bien, comme cela avait par exemple été indiqué début février lors de la dernière réunion du Comité des finances locales (voir ci-contre notre article du 10 février), dans une proportion d'environ un tiers de contributeurs, deux tiers de bénéficiaires.
Une "opération salvatrice"
Parmi ces bénéficiaires, sept départements vont percevoir plus de 7 millions d'euros, dont le Pas-de-Calais (9,08 millions), la Guyane (8,61 millions), la Guadeloupe (7,13 millions) et la Moselle (7,05 millions). A l'inverse, les plus gros contributeurs sont Paris, les Hauts-de-Seine, les Yvelines, et le Rhône.
Toutefois, souligne le ministre, même après contribution au fonds de péréquation, la progression de la recette, à Paris par exemple, reste importante : 34%, soit 602 millions au total en 2010, contre 449 millions en 2009. Pour les Hauts-de-Seine, elle est de 37%.
Cette forte hausse des droits de mutation n'est évidemment pas une totale surprise. Ainsi par exemple, en novembre dernier, Dexia, lors de la présentation de sa Note de conjoncture, tablait sur un bond de 1,7 milliard des DMTO pour les départements. Le compte était donc presque bon ! "C'est l'événement de cette année", surtout si l'on songe aux pertes de recettes enregistrées en 2009, avait estimé Thomas Rougier, directeur des études France de Dexia Crédit local, parlant d'une "opération salvatrice" pour les départements malgré d'évidentes "disparités" (voir ci-contre notre article du 22 novembre).
Il est en revanche intéressant de noter que la hausse n'avait pas forcément été d'emblée anticipée... puisque dans les budgets primitifs 2010 des départements, les DMTO étaient pour la deuxième année consécutive estimés à la baisse (- 15,9%). "Même si cette évolution négative peut s'expliquer par un certain pessimisme des conseils généraux vis-à-vis du marché de l'immobilier, généralement les réalisations de DMTO sont supérieures aux prévisions. A contrario, le Conseil général de l'environnement et du développement durable estime une croissance de ces recettes cumulées sur les six premiers mois de l'année de plus de 35% par rapport à la même période l'an passé", commentait sur ce point la DGCL dans sa synthèse de ces budgets primitifs.
"Un Robin des Bois entre les départements"
Suite aux données communiquées à l'AFP par Philippe Richert (joint par Localtis vendredi, le ministère n'avait pour l'heure diffusé aucun tableau chiffré ou autre document écrit), le rapporteur à l'Assemblée du budget des collectivités territoriales, Marc Laffineur (UMP), a d'emblée tenu à se "féliciter de l'efficacité" du fonds de péréquation des DMTO, le "premier fonds de péréquation horizontale". Rappelant qu'il a été le promoteur du dispositif lors de la préparation de la loi de finances, Marc Laffineur estime que la création de ce fonds est "historique pour les finances locales françaises" : ce fonds "va agir comme un 'Robin des Bois' entre les départements en instaurant une solidarité entre les riches et les pauvres", assure le député. Cela "apporte une réponse très concrète aux difficultés financières rencontrées par certains départements ruraux, et vient compléter le fonds de soutien aux départements en difficulté", poursuit-il.
Le ministre Philippe Richert a lui aussi souhaité établir un lien entre les différents nouveaux fonds mis en place : "En prenant en compte les deux fonds mis en place pour les départements les plus fragiles, ces derniers vont bénéficier de 590 millions d'euros supplémentaires", déclare-t-il, additionnant par conséquent les 440 millions du fonds DMTO et les 150 millions des deux enveloppes du fonds de soutien aux départements en difficulté créé par la dernière loi de finances rectificative.
Enfin, Marc Laffineur profite quant à lui de l'occasion pour souhaiter "que cette philosophie s'applique à l'ensemble des collectivités locales". Et rappeler qu'il "travaille actuellement, au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale, à la création d'un fonds de péréquation horizontal pour les communes et les intercommunalités, avec des propositions prévues pour le mois de juin".
A l'Assemblée des départements de France (ADF), on estime que la hausse des DMTO en 2010 serait plutôt de 29 ou 30% et que les chiffres du ministre ont donc été quelque peu "boostés" en choisissant par exemple d'y inclure la journée complémentaire. Mais surtout, on souligne que ce mouvement de "yoyo" (30% de baisse en 2009, 30% de hausse en 2010) est évidemment préjudiciable pour qui veut "bâtir des politiques publiques" dans la durée. "C'est du cash, mais on ne peut pas compter dessus, c'est de l'argent toxique dans son comportement", commente-t-on. En soulignant enfin que le mécanisme du nouveau fonds de péréquation, dont "l'ajustement se fait en début d'année budgétaire n+1", vient encore "oter de la prévisibilité à une recette déjà très volatile".