Commande publique - Des précisions bienvenues en matière de délégation de service public
La délégation de service public (DSP), mode de gestion d'un service public, a récemment fait l'objet de précisions. Voici un pêle-mêle des points sur lesquels le Conseil d'Etat s'est attardé et a voulu attirer l'attention des collectivités territoriales. La dernière réponse du gouvernement aux députés quant à la procédure de passation d'une DSP démontre tout l'intérêt du recours à un tel contrat.
Le contenu d'une convention de délégation : les interprétations du Conseil d'Etat
Un champ d'application limité aux parties. Une délégation de service public "est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public" à un délégataire public ou privé, conformément à l'article L.1411-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT). Le principe de l'effet relatif des contrats suppose que la DSP ne s'impose qu'aux contractants.
Dans un premier arrêt du Conseil d'Etat en date du 4 juillet 2012 (n°352417), une convention de délégation portant sur une station d'épuration avait été signée entre la communauté d'agglomération Chartres Métropole (CACM) et la société Veolia Eau. Une clause autorisait l'extension géographique de la DSP à des communes ne faisant pas partie de la communauté d'agglomération. Pour la Haute Juridiction, elle n'offrait qu'une simple faculté aux collectivités déjà engagées dans une opération d'urbanisme ou de construction de se raccorder au réseau de la communauté d'agglomération. Par conséquent, seules les parties contractantes étaient engagées par la convention.
Un financement public exceptionnel. Une DSP se distingue d'un marché public en ce que la rémunération du délégataire découle de l'exploitation du service public. A ce titre, l'article L.2224-2 du CGCT pose une interdiction pour les communes de prendre en charge les dépenses des services publics délégués à caractère industriel ou commercial. L'alinéa 2 prévoit toutefois une dérogation lorsque l'exécution de ce service impose aux collectivités "des contraintes particulières de fonctionnement". Dans cette hypothèse, la commune prend en charge dans son budget certaines dépenses propres au service public après une délibération motivée du conseil municipal. Pour le Conseil d'Etat, entrait dans cette catégorie l'intéressement du délégataire qui avait atteint des objectifs de développement durable fixés par la communauté d'agglomération.
De même, le principe général de l'article L.2224-1 du CGCT impose un strict équilibre des budgets entre les recettes et les dépenses. Cela n'empêche pas les parties de prévoir contractuellement, "un retour à la collectivité de la prime d'épuration versée par l'agence de l'eau".
Une durée du contrat inférieure à celle de l'amortissement. Les conventions de DSP doivent être limitées dans leur durée. Pour déterminer cette durée, il convient de prendre en compte la nature et le montant de l'investissement à réaliser (article L.1411-2 du CGCT). La durée de contrat ne peut excéder la durée normale d'amortissement des installations.
En revanche, les textes n'envisagent pas de durée minimum. Pour le Conseil d'Etat, la durée de la délégation peut être inférieure à celle de l'amortissement des investissements réalisés. Le délégataire peut alors être indemnisé à hauteur des investissements non amortis au terme du contrat.
Questions-réponses sur la procédure de passation d'une DSP
Délibération se prononçant sur le principe d'une DSP. Dans un second arrêt du 4 juillet 2012 (n°350752), le Conseil d'Etat rappelle que seuls certains moyens peuvent être invoqués pour obtenir l'annulation de la délibération acceptant le principe même du recours à une DSP. En effet, il refuse tout ce qui n'a pas trait au contenu que doit traiter la délibération. Il confirme que "la légalité de la délibération par laquelle l'assemblée délibérante se prononce sur le principe d'une délégation de service public ne saurait dépendre de la légalité des décisions ultérieures de la collectivité, notamment celles arrêtant les caractéristiques ou les conditions de mise en œuvre de la délégation".
Offre et variantes : les critères d'appréciation. Le premier arrêt du 4 juillet 2012 envisage l'hypothèse dans laquelle "les candidats étaient tenus de présenter une offre de base établie sur une durée du contrat de vingt ans et deux variantes obligatoires sur une durée du contrat respectivement de vingt-cinq et trente ans". La Haute juridiction considère alors que les critères d'appréciation de leurs offres pouvaient être identiques pour chacune de ces durées, dès lors qu'ils étaient "précisément définis". Par conséquent, l'information donnée aux candidats concernant les critères de choix des offres était suffisante.
Le manque d'information des membres du conseil communautaire. Au regard des dispositions de l'article L.2121-13 du CGCT "tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération". En l'occurrence, dans l'affaire CACM, les négociations avec les candidats retenus avaient été menées sur la base d'une durée de la délégation de trente ans, alors que le rapport présenté aux membres du conseil communautaire proposait la signature de la convention sur une durée de vingt ans. De plus, le montant de l'indemnité due au délégataire à l'issue du contrat, au titre de la valeur non amortie des installations, n'était pas précisé.
Le Conseil d'Etat considère alors que le consentement donné par le conseil communautaire pour la signature de la convention entre la communauté d'agglomération et la société Veolia, ne l'a pas été en connaissance de cause. La délibération autorisant la signature du contrat était donc entachée d'illégalité. La haute juridiction conclut à l'annulation du contrat mais autorise l'organe délibérant à régulariser cette situation en adoptant rapidement une nouvelle délibération avec un effet rétroactif.
Offre infructueuse et négociation directe. Récemment, la députée Marie-Jo Zimmermann s'interrogeait sur la question de savoir ce que pouvait faire une commune confrontée à une procédure de DSP déclarée infructueuse. Dans une réponse du 9 octobre 2012, le gouvernement rappelle que lorsqu'aucune offre n'est acceptable ni recevable, les dispositions de l'article L.1411-8 du CGCT s'appliquent et permettent au pouvoir adjudicateur de négocier directement avec une entreprise déterminée. Si la négociation directe n'aboutit pas non plus, la personne publique garde la liberté de choix dans son mode de gestion du service public, excepté lorsque la loi en dispose autrement. Une alternative s'ouvre alors au pouvoir adjudicateur : revoir les clauses du cahier des charges dans l'optique de relancer une procédure différente ou gérer autrement le service, par exemple grâce à la régie.
L'Apasp
Références : Conseil d'Etat, 4 juillet 2012, Communauté d'agglomération Chartres Métropole (CACM), n°352417; Conseil d'Etat, 4 juillet 2012, Association FARE Sud, n°350752; Question écrite de Marie-Jo Zimmermann, Assemblée nationale, n°1394, réponse du 9 octobre 2012.