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Economie sociale et solidaire - Des collectivités en quête de coopération

Un séminaire à Saint-Etienne vient de le confirmer : l'appui des collectivités territoriales à l'économie sociale se renforce et se généralise. Avec une préoccupation émergente : décloisonner le secteur. Il reste, toutefois, à se trouver des partenaires...

"Les temps sont mûrs pour l’économie sociale et solidaire (ESS)." Marie-Guite Dufay, présidente de la commission ESS de l’Association des régions de France (ARF), avait l’optimisme communicatif ce mardi 18 janvier à Saint-Etienne. Elle accueillait sur ces mots élus locaux et agents territoriaux pour un séminaire d’une journée, organisé avec le Réseau des territoires pour l’économie solidaire (RTES). L’objectif ? Echanger sur les appuis que peuvent apporter les collectivités territoriales aux coopératives, aux associations, au commerce équitable ou encore aux entreprises d’insertion... "Souvent, lorsqu’on parle d’économie sociale, on invoque les grands auteurs du passé... Cette fois, on va être dans le concret !", avait prévenu Marie-Guite Dufay, par ailleurs présidente de la région Franche-Comté.
Concrète, cette journée consacrée à "l’économie sociale et solidaire (ESS) au cœur des politiques territoriales" l'a été. Les conseils régionaux, notamment, disposent désormais d’un recul suffisant : ils ont pour la plupart initié dès 2004 des politiques en faveur de l’ESS. Et avec la nouvelle mandature l’heure est "au renforcement et à la structuration de ces politiques, de façon plus transversale", comme l’a relevé Christiane Bouchart, la présidente du RTES.

Transversalité

Après que l’Ile-de-France a consacré 36 millions d’euros au secteur de 2004 à 2010, "l’enjeu de la nouvelle mandature est de mettre de l’économie sociale dans tout !", a ainsi énoncé la conseillère régionale Corinne Bord. Plusieurs élus veillent scrupuleusement à ce qu’un "volet ESS" soit systématiquement présent dans les actions de la région - en matière d’agriculture tout comme dans la coopération décentralisée. L’élue confesse toutefois un échec : impossible de présenter l’économie sociale francilienne à l’exposition universelle de Shanghai !
A Saint-Etienne Métropole, qui a adhéré, ce mardi, au RTES, la préoccupation est la même. L’intercommunalité travaille par exemple sur un projet d’insertion par l’activité économique dans le secteur du design, une grande spécialité de l’agglomération. La volonté de décloisonner l’ESS s’affirme jusque dans les intitulés des délégations attribuées aux élus : en Rhône-Alpes, Cyril Kretzschmar est conseiller régional en charge de "la nouvelle économie, des nouveaux emplois, de l’artisanat et de l’ESS"... Certes, l’élu reconnaît là un "risque politique de dilution" du secteur. Mais son décloisonnement pourrait permettre à l’ESS d’essaimer ses valeurs de démocratie et d’intérêt collectif au reste de l’économie.

Partenaires

Dans cette politique d’ouverture, il reste toutefois à se trouver des partenaires. Ainsi la commande publique est-elle considérée comme un levier de choix pour favoriser l’ESS. En effet, des clauses d’insertion sociale peuvent conduire les candidats à garantir des emplois pour les plus exclus. "Mais si personne n’est là pour mettre en relation l’entreprise avec une structure d’insertion, il ne se passe rien !", observe Michèle Tregan, conseillère régionale de Provence-Alpes-Côte d’Azur. A Nantes Métropole, cinq employés travaillent à temps plein à assurer cette interface.
De même, en Bretagne, se constituent depuis peu des "Pôles de développement de l’ESS", regroupant les différentes familles du secteur. L’idée est qu’ils recouvrent, à terme, chacun des 21 pays de la région. Ces pôles reçoivent le soutien du conseil régional, de certains conseils généraux, d’intercommunalités ; ils bénéficient aussi de l’appui de la chambre régionale de l’économie sociale. Pour l’heure, ces regroupements ont été lancés dans 15 pays. Mais aucune union n’est encore engagée dans les territoires, plus ruraux, du centre de la Bretagne.
Une fois les partenaires trouvés au sein de l’ESS, il faut encore apprendre à coopérer - avec des impératifs parfois distincts. La conseillère régionale Corinne Bord reconnaît ainsi son "impatience" de rendre compte de sa politique – alors que les associations ou les entrepreneurs sociaux peuvent privilégier le long terme. Et au sein d’Equisol, une société de capital risque dédiée à l’ESS, que la région Ile-de-France a monté en 2009 avec de grandes institutions du secteur, les appréciations divergent parfois face aux projets présentés.
Enfin, les collectivités territoriales peuvent voir leurs soutiens buter à la porte de certaines homologues. A Saint-Etienne, certes, les exemples de projets communs ont abondé, mais les rivalités politiques et institutionnelles entre régions, départements, intercommunalités et municipalités, empêchent, parfois, de coopérer. Marie-Guite Dufay peut toutefois rester optimiste. Le principal enseignement de ce séminaire est assez printanier : aujourd’hui les politiques de soutien à l’ESS fleurissent à travers tout le pays.