Tourisme / Social - Départs en vacances : les inégalités sociales se creusent
Alors que les premiers grands départs ont débuté, l'Observatoire des inégalités publie une étude originale sur les inégalités face aux vacances. L'originalité tient moins au sujet qu'à l'approche retenue. Traditionnellement, un seul indicateur est en effet supposé illustrer les inégalités en ce domaine et leur évolution : le taux de départ en vacances, entendu comme le fait de passer au moins quatre nuits consécutives hors de son domicile pour les raisons non professionnelles.
Un taux de départ en vacances inférieur à celui des années 80
Sur ce point, les chiffres sont déjà bien connus. Après être passé de 59% au début des années 1980 à 66% à son apogée au milieu des années 1990, le taux de départ en vacances a stagné, puis reculé sous l'effet de la crise économique, pour atteindre 57% en 2013. Autrement dit, le pourcentage de Français qui partent en vacances sera, cette année encore, inférieur à ce qu'il était au début des années 1980... Et la dernière enquête du Credoc sur le sujet (2010) tord le cou à la thèse des non départs volontaires : moins d'une personne sur dix déclare ne pas partir en vacances par choix personnel, contre 52% pour des raisons financières, 13% pour des raisons de santé, 11% pour des motifs familiaux et 11% pour des raisons professionnelles.
Mais s'il est un indicateur commode, le taux de départ en vacances reste un outil très grossier. L'Observatoire des inégalités fait remarquer, à juste raison, qu'"on englobe dans le même mot des congés très différents : une semaine à la campagne vaut autant que quatre semaines aux Seychelles". L'étude propose donc des approches plus fines que le seul taux global.
Les écarts se creusent entre niveaux de vie
Ainsi, Dans un contexte de recul général de ce dernier, les écarts se creusent entre les niveaux de vie. Parmi les bas revenus (moins de 1.200 euros par mois pour une personne seule ou moins de 3.000 euros pour un couple avec deux enfants), le taux de départ en vacances a reculé de 9 points entre 1998 et 2013, passant de 44% à 35%. Mais, pour les hauts revenus (plus de 3.000 euros par mois pour une personne seule) et sur la même période, le recul n'a été que de 4 points et le taux de départ se situe autour de 80%. Seul - petit - bémol : le taux de départ des bas revenus a atteint son niveau le plus bas en 2010 et 2011 (33%) et a légèrement remonté depuis 2012 (35%).
Ce lien entre revenus et départ en vacances se retrouve bien sûr dans l'approche par catégories sociales : "Plus on monte dans l'échelle sociale, plus on a de chances de partir en vacances". Ainsi, 71% des cadres supérieurs partent en congés, contre 41% des ouvriers.
Vacances au singulier ou au pluriel
Le taux global de départ en vacances oublie également un autre élément : la différence entre ceux qui partent une fois et ceux qui partent plusieurs fois. Un peu moins du quart de la population (22%) part en vacances plusieurs fois par an. Cette proportion monte à 43% chez les cadres supérieurs, alors qu'elle est d'environ 10% chez les ouvriers. Ainsi, "pouvoir s'offrir des congés hors de l'été reste un luxe pour la grande majorité".
Enfin, le voyage lointain et les moyens de transports "prestigieux" restent un privilège. Contrairement à un discours convenu, l'utilisation de l'avion est loin de s'être démocratisée : la moitié des voyages aériens sont réalisés par les 2% de personnes les plus riches (un chiffre toutefois en partie biaisé, puisqu'il semble inclure les déplacements professionnels). Selon l'enquête nationale Transports et déplacements 2008, les 10% d'habitants les plus riches ont réalisé en moyenne, cette année là, 1,3 voyage aérien, alors que les 50% les plus pauvres n'en réalisaient que 0,2. Conclusion de l'Observatoire : "Pour la grande majorité des personnes, prendre l'avion est impossible financièrement, en dépit du développement des compagnies à bas prix".