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Environnement - Démocratie participative : du concret derrière l'effet de mode ?

Plus un projet d'aménagement sans que ne soit brandie la nécessité d'une concertation citoyenne. Mais prend-elle vraiment ? Enrichit-elle le projet mis en débat ? Et quels sont les retours des collectivités qui font des efforts en la matière ? Le 5 mai, à l'occasion d'un colloque organisé par le ministère de l'Ecologie à Paris, présenté comme un point d'étape du vaste chantier de modernisation du dialogue environnemental, des élus ont témoigné de la pertinence ou non de certains dispositifs testés localement.

Où commence et se termine l'effort de concertation ? La question a été posée le 5 mai, lors d'un colloque au Muséum national d'histoire naturelle, où des ébauches de la réforme annoncée sur la démocratie participative ont été timidement révélées. Pour Alain Richard, sénateur socialiste du Val d'Oise et président de la commission du Conseil national de la transition écologique (CNTE) spécialisée sur la démocratie participative, c'est dès la planification, en amont d'un projet ou programme, qu'elle doit débuter si elle veut enrichir la prise de décision publique. Un vœu partagé par les associations environnementales. Appliqué aux schémas régionaux - SRCAE (air-énergie) et SRE (éolien) - cet effort est déjà valable et le Conseil d'Etat a déjà rappelé, dans une décision prise l'an dernier, qu'avant qu'un tel schéma soit arrêté par le préfet sa mise à la disposition au public doit durer au minimum un mois. Les régions dans lesquelles ces schémas n'ont pas encore été adoptés veilleront donc à ne pas négliger cette place à accorder à la participation du public.
Mais le consulter, l'interroger, sans que puissent dialoguer les parties prenantes, n'est pas concerter. Toute concertation réussie implique en effet une forme d'ingénierie de projet. Et un travail approfondi du maître d'ouvrage, ou avec lui quand il choisit de s'appuyer sur un prestataire. "Concerter, animer des démarches participatives, cela ne s'improvise pas, c'est un métier !", insiste Chantal Gaudichau, directrice de l'association Graine (Poitou-Charentes). Des diplômes universitaires en ce sens émergent, dont un en formation continue à La Rochelle. "Ce n'est pas réservé aux étudiants ou professionnels, les élus aussi ont besoin d'être formés", ajoute-t-elle. Au niveau local, les outils rodés pour que cette concertation ne soit pas un pis-aller existent : le rôle des chartes pour les maîtres d'ouvrage et des Agendas 21 pour les collectivités a été rappelé. Pas un mot ou presque, en revanche, au sujet des "conférences de citoyens" un temps évoquées. En vogue dans les pays nordiques, elles se comptent en France sur les doigts d'une main. Le rapport de cette commission du CNTE sur la démocratie participative, qui sera transmis d'ici la fin du mois à la ministre de l'Ecologie, en touchera-t-il un mot ?

A Nantes, un cap franchi

Place aux retours d'expériences. Par exemple à Nantes, ce sont des projets de franchissement de la Loire qui viennent d'être mis au débat. Et ce dans le cadre d'un plus large débat lancé l'été dernier sur la Loire et ses usages, qui se clôturera le 30 mai par un événement. Cahiers d'acteurs, site dédié, les outils s'inspirent de ceux utilisés par la Commission nationale du débat public (CNDP, dont l'idée d'augmenter le budget a par ailleurs été soulevée). Cette concertation nantaise s'appuie sur deux piliers : un comité citoyen d'une vingtaine de participants et une journée de consultation qui en a réuni dix fois plus. Les participants sont bénévoles mais nourris et indemnisés pour leurs déplacements. "Pour en réunir autant, nous avons envoyé 2.000 courriers. Et veillé à une juste représentativité, tant en termes de répartition entre habitants du centre-ville et de la périphérie, que de parité, de tranche d'âge. D'autres critères ont aussi joué. Le but est de ne rien perdre des propositions formulées. Un rapport issu de cet exercice est attendu dans les prochains mois. Il s'adressera aux élus mais aussi aux techniciens des collectivités, qui sont toujours importants dans le système décisionnel", explique Philippe Audic, à la tête du conseil de développement de Nantes. Quels sont les points de crispation et les difficultés propres à ce type d'initiative ? "Les habitants se demandent si ce qu'ils ont dit sera bel et bien pris en compte. Il y a en outre des demandes d'open-data, de mise à disposition d'études, auxquelles on a du mal à répondre", ajoute l'élu.

A Cergy, un nouvel outil

A Cergy (Val d'Oise), qui soumet à concertation jusqu'en novembre prochain son plan local de déplacement, le choix a été fait du recours régulier à un spécialiste. La ville lui délègue alors cette mission d'animation, d'accompagnement jusqu'à la restitution de la concertation. En l'occurrence à Res publica, bureau de conseil en stratégie et ingénierie de la concertation, pour un tarif d'à peu près 60.000 euros par prestation. Au même titre que Saint-Nazaire pour la révision de son plan local d'urbanisme (PLU), Cergy soumet des sujets à mettre en débat par Res publica, via une plateforme, un dispositif de débat en ligne innovant, sorte de réseau social de concertation, baptisé J'enparle. En parallèle à la création de plus classiques "conseils d'initiatives locales" (participants sélectionnés sur tirage au sort), le but est de desserrer la bride, d'attirer des participants contribuant de façon plus spontanée. Ce que Jean-Paul Jeandon, maire de la ville, résume ainsi : "Sur quatre mois et plusieurs thèmes de débats - sur les périscolaires, la gestion des déchets, la vision qu'ont les habitants de leur quartier -, cet outil a permis de toucher des personnes qui ne fréquentent pas les réunions publiques. Des jeunes, des parents de jeunes enfants : dans une ville où la moitié de la population a moins de trente ans c'est important. Ces réunions d'ailleurs ne fonctionnent plus, il y a toujours les mêmes opposants et arguments. On tourne en rond. Via cet outil c'est plus riche, plus constructif. Même s'il faut tenir compte du phénomène de fatigue participative, plusieurs mois sur un sujet, c'est peut-être trop long."
Les projets de franchissement amont de la Garonne, en vue de relier entre elles les villes de Bègles et Floirac, via un pont de 550 mètres, ont aussi fait l'objet d'un exercice inédit de concertation, comme l'a expliqué Bertrand Arnauld de Sartre, chef de projet Métropole de Bordeaux. "Inédit par son ampleur, il a duré deux ans, concerné les populations des deux rives et coûté 350.000 euros, essentiellement pour rétribuer le modérateur-animateur et financer les études particulières et contre-expertises".

Morgan Boëdec / Victoires Editions

Alain Richard favorable à l'inscription de la démocratie participative dans la loi
La concertation en amont des grands projets d'aménagement doit être inscrite dans la loi, a suggéré le 5 mai le sénateur PS Alain Richard, président de la commission chargée de faire des propositions sur la démocratie participative. L'idée est d'"instaurer par la loi un mécanisme qui organise une concertation en amont sur les projets, lors de leur déclaration d'intention," a-t-il expliqué à l'AFP.  Ce mécanisme "s'appliquerait d'office pour l'élaboration des plans et programmes" (les grands schémas nationaux et régionaux). Pour les grands projets d'infrastructures (investissements supérieurs à 300 millions d'euros), "là encore nous considérons que ce sont des projets à évolution lente" et qu'ils doivent faire l'objet d'une concertation. Pour les autres, "sur lesquels on doit faire attention à ne pas prolonger les délais abusivement, nous disons que le maître d'ouvrage peut le faire de son initiative; ou s'il ne le fait pas, on donne la possibilité à une 'initiative représentative' de demander à l'autorité 'une participation amont'", a expliqué Alain Richard.
Les modalités d'application de cette initiative n'ont cependant pas encore trouvé de compromis au sein de la commission, qui réunit experts, élus, représentants d'ONG, syndicats et patronat. Ces principes devront s'accompagner en même temps de mesures pour faciliter les démarches des entreprises et porteurs de projets, a ajouté Alain Richard :  système d'autorisations uniques, possibilité de recours si le temps d'instruction d'un projet soumis à l'administration se prolonge, etc.
Pour ce qui est de la possibilité de votes citoyens, évoquée par le président François Hollande en novembre dernier après l'émotion suscitée par la mort d'un opposant au barrage de Sivens, dans le Tarn, la commission ne devrait pas se positionner sur le fond, mais éventuellement proposer des recommandations pour encadrer ce processus, a dit le sénateur. Les mesures retenues de nature législative seront intégrées dans le projet de loi sur la biodiversité, qui sera en discussion au Sénat en juillet, a indiqué Ségolène Royal lors du colloque sur la "modernisation du dialogue environnemental". Source AFP

 

 

 

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