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Gouvernance environnementale - "Une meilleure culture de la concertation doit s'affirmer"

Président du comité opérationnel du Grenelle de l'environnement sur les institutions et la représentativité des acteurs, Bertrand Pancher, député UMP de la Meuse, vient de remettre à Jean-Louis Borloo, ministre de l'Ecologie, son rapport sur l'élargissement de la gouvernance environnementale à de nouveaux acteurs.

Localtis.info : Quels ont été les apports du Grenelle de l'environnement en matière d'évolution de la gouvernance ?

Bertrand Pancher : Le Grenelle de l'environnement a démontré que le fait de travailler ensemble et de faire se rencontrer des acteurs qui auparavant ne dialoguaient jamais a pour vertu d'aboutir à des convergences sur des problématiques partagées. Cela a fait prendre conscience au gouvernement de la nécessité d'aller plus loin pour structurer la gouvernance sur ces sujets d'ordre environnemental. Avant toute décision prise sur des sujets délicats, il doit y avoir une phase obligatoire de vraie concertation. La culture de nos concitoyens ayant évolué, on ne peut plus prendre de décisions de la même manière qu'il y a vingt ans. Or sur ce point, on part de loin dans notre pays où les prises de décision se font au sommet de l'Etat. Détenteur de l'intérêt général et de l'utilité publique partout en France, l'Etat a toujours raison par le biais des services préfectoraux qui clôturent la phase de prise de décision. Chez nos voisins anglo-saxons ou d'Europe du Nord, la culture de concertation a mieux pris. En France, les quelques exemples de concertations locales ayant pu précéder cette phase sont insuffisants. D'autant qu'on a pris l'habitude, lorsqu'on parle de concertation, de se référer à quelques rencontres faites avec des acteurs ciblés, sans réelle prise en compte du critère de représentativité des acteurs présents aux réunions.

 

Comment inscrire et décliner au niveau territorial cette nécessité de voir s'ouvrir la gouvernance à plus de débat, plus de concertation ?

Pour mieux articuler logique territoriale et gouvernance environnementale, il s'agit autant d'identifier les acteurs environnementaux aptes à participer au débat que le cadre et l'instance consultative au sein de laquelle ils auront pour mission de motiver la concertation. Au niveau national, cela se jouera au sein du Conseil économique et social (CES) appelé à voir sa composition et son rôle élargis à un troisième pilier environnemental. Et, au niveau régional, au sein des CES régionaux. Sur le plan départemental, le cadre de compétence environnemental devrait aussi intégrer de nouveaux acteurs, venus en grande partie du monde associatif. Au niveau local, les Agendas 21 ont eu un impact décisif sur l'animation de la concertation. Mais il faut que les actions menées dans leur cadre soient suivies, évaluées et mieux capitalisées.

 

Au niveau national, la Commission nationale du débat public (CNDP) ne remplit-elle pas déjà ce rôle de consultation et d'animation du débat avec la société civile ?

Elle le fait sur de grands projets d'infrastructures dont le budget est supérieur à 300 millions d'euros, mais rarement sur des sujets génériques qui pourraient interpeller la société civile, par exemple les OGM ou les nanotechnologies. Je préconise donc que le champ des possibilités de saisine de cette instance soit élargi pour qu'elle puisse se pencher sur de grands sujets de controverse. Une telle nouveauté devrait faire durablement changer le panorama de la concertation en France. Ce point fait ainsi l'objet d'un complément en cours de finalisation, qui viendra enrichir le rapport que j'ai remis à Jean-Louis Borloo.

 

Le gouvernement ne peut-il pas déjà saisir la CNDP sur des problématiques d'intérêt général en matière d'environnement et d'aménagement ?

Si, il l'a fait à deux reprises pour débattre des choix de stockage et de gestion des déchets nucléaires et de la politique des transports dans la vallée du Rhône et l'arc languedocien. C'est trop peu : une fois par an, un grand débat public national pourrait être clairement institué. Pour cela, il faudrait que le CES et les parlementaires puissent saisir la CNDP. Laquelle y est d'ailleurs favorable. Le cadre existe, donc. Reste à l'investir pleinement pour ne plus se risquer à évoluer à contre-courant de l'opinion sur des sujets suscitant sa méfiance. Dans ce sens, au niveau territorial, la procédure d'enquête publique doit être aussi révisée pour y renforcer la participation des citoyens. Quelle que soit l'évolution des cadres et structures, il faut surtout apaiser les esprits et provoquer un déclic chez chaque acteur pour montrer qu'on peut s'y prendre autrement. Comme je le dis souvent, la concertation est autant affaire de savoir-être que de savoir-faire.

 

L'association que vous présidez, "Décider ensemble", poursuit-elle cet objectif auprès des acteurs des collectivités ?

Oui, et cela porte ses fruits depuis sa création en 2005. Elle a pour objectif de développer une culture commune du dialogue et de la concertation en matière de préparation et de prise des décisions. Or les élus s'intéressent de près à ces questions, mais il faut encore leur donner le goût de s'engager dans des actions plus emblématiques. Pour ce faire, nous misons sur l'information et convions les acteurs des collectivités à des séminaires organisés avec le soutien de la Caisse des Dépôts. Le dernier séminaire, axé sur le débat public pour la refonte de l'usine d'épuration Seine-Aval d'Achères, a réuni 170 personnes le 3 juillet dernier. Le rythme de ces réunions va s'accélérer. Et une vingtaine de fiches de retours d'expériences locales vont être mises en ligne sur notre site. Susciter un déclic est aussi possible par le biais des petits modules de formation que l'on met progressivement en place.

 

Propos recueillis par Morgan Boëdec / Victoires Editions

 

 

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