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Finances publiques - Déficits : les remèdes chocs de la Cour des comptes

Dans un rapport qu'elle vient de remettre, la Cour des comptes prône des mesures énergiques et urgentes pour juguler le déficit et la dette publics. Les collectivités doivent participer à l'effort, notamment par la maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement. La Cour n'exclut pas le gel des salaires des fonctionnaires.

Pour enrayer la spirale des déficits et de la dette publics, la France devrait réduire dès 2011 son déficit "structurel" de 20 milliards d’euros par an, estime la Cour des comptes dans un rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques présenté le 23 juin. A quelques jours du débat d’orientation budgétaire qui doit avoir lieu au Parlement, l’institution de la rue Cambon fournit une série de pistes touts azimuts permettant d’atteindre cet objectif : réduction des dépenses fiscales de 10 milliards d’euros (soit plus que les 6 milliards que le gouvernement souhaite obtenir en trois ans), hausse ciblée des prélèvements obligatoires, révision à la baisse des dépenses et des niches sociales, réexamen de l’ensemble des dépenses publiques…
Par ailleurs, à deux jours de l’ouverture de la négociation triennale sur les salaires dans la fonction publique, la Cour des comptes invite tout simplement les autorités publiques à "réfléchir" au gel du point de la fonction publique, ou encore de celui de la " masse des primes, qui n’interdirait pas les redéploiements". Ces mesures seraient prises "pour une durée limitée", et en tenant compte des décisions prises dans le cadre de la réforme des retraites. La Cour rappelle que de telles décisions n’ont rien d’exceptionnel, puisqu’elles viennent d’être annoncées ailleurs en Europe et avaient également été appliquées en France en 1982.
Pour la Cour, les collectivités devront naturellement être associées à l’effort de réduction des dépenses publiques qui doit au plus vite être mis en œuvre. Dans le droit fil de ses précédents rapports, elle propose pour cela trois pistes. La première consiste à "rationaliser l’exercice de leurs compétences". A ce sujet, les juges notent avec satisfaction "l’amorce d’une tendance au recentrage des régions et surtout, des départements, sur leurs compétences obligatoires". Le mouvement doit selon eux être poursuivi, car il contribue notamment à "limiter les financements croisés aux effets souvent pervers sur le niveau de la dépense locale". Les élus locaux devrait très peu apprécier cette analyse.

 

Carton rouge à l’intercommunalité

En revanche, ceux des départements trouveront dans le rapport un soutien concernant la recherche d’une solution nationale aux difficultés financières que leurs collectivités traversent. "Il revient à l’Etat de revoir les conditions de financement [des prestations sociales] qu’il a transférées aux départements sans leur donner les moyens d’en maîtriser l’évolution, ou de modifier les dispositifs sociaux eux-mêmes", affirme ainsi l’institution de la rue Cambon. C’est le deuxième levier qui permettrait aux collectivités de réaliser des économies. Le troisième consiste dans la maîtrise des dépenses de fonctionnement, dont la progression "reste forte". En la matière, la Cour accorde un carton rouge à l’intercommunalité. En 2009, les dépenses de fonctionnement de celles-ci ont progressé au même rythme que l’année précédente (+6,4%). L’augmentation de 9,5% des frais de personnels des établissements publics de coopération intercommunale est jugée "atypique" par rapport à l’évolution de ces dépenses pour l’ensemble des collectivités locales (division presque par deux de leur progression). La Cour en conclut qu’il faut accélérer les mutualisations entre les communes et leurs groupements.

 

Baisse du déficit du secteur local

En 2009, le déficit public s’est élevé à 7,5% du PIB (contre 3,3 points en 2008). "La crise n’explique qu’une partie de la dégradation de nos finances publiques", estime la Cour. Avec les mesures de relance, celle-ci ne serait à l’origine que d’un tiers du déficit total, le déficit "structurel" en représentant, donc, les deux tiers. La forte augmentation du déficit en 2009 est "principalement attribuable" à l’Etat et ses divers organismes d’administration centrale, constate encore la Cour. Une situation qui tranche avec celle des collectivités, dont le déficit (5,6 milliards d’euros) a diminué de plus de 3 milliards l’année dernière. Ce bon résultat est à mettre sur le compte des hausses d’impôts locaux, mais aussi du remboursement anticipé de la TVA (3,85 milliards d’euros). Une mesure qui, note au passage la Cour, a sans doute permis d’"améliorer la situation financière" de "beaucoup de collectivités", sans avoir "un effet déterminant sur les investissements prévus". Cet "apport de trésorerie circonstanciel" ne doit cependant pas masquer la baisse observée depuis plusieurs années de la capacité d’autofinancement des collectivités, qui affecte tout particulièrement les départements, assurent les juges. Celle-ci devrait d’ailleurs continuer à diminuer dans les prochaines années, dans un contexte marqué par les incertitudes sur l’impact de la réforme de la taxe professionnelle.
Fin 2009, la dette des administrations publiques locales représentait près de 1.500 milliards d’euros, soit 78% du PIB et 10 points de plus qu’en 2008. La dette de l’Etat et de ses opérateurs s’est accrue de 135 milliards d’euros : elle représente 80% du total de l’endettement public. La dette sociale a quant à elle augmenté de 31 milliards d’euros pour atteindre 150 milliards d’euros, c’est-à-dire quasiment le niveau de la dette locale (157 milliards) qui n’a augmenté que de 9 milliards.
"La soutenabilité des finances publiques de la France n’apparaît pas assurée à moyen terme", conclut la Cour.

Thomas Beurey / Projets publics