Environnement - Déchets d'équipements électriques et électroniques : comment améliorer la collecte en ville ?
14 kg par habitant et par an : c'est le volume de collecte de déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) que la France devra atteindre fin 2019 dans le cadre de la transposition de la nouvelle directive européenne sur ces déchets (lire l'encadré ci-dessous). Un objectif loin d'être évident : en 2012, la collecte de la filière a atteint tout juste 7 kg avec de surcroît de fortes disparités selon les territoires. De 7,7 kg en milieu rural, ce volume moyen tombe à 5,9 kg en milieu semi-urbain et à 2,4 kg en milieu urbain. Comment peut-on dans ces conditions améliorer les performances actuelles ? Une table-ronde sur l'enjeu de la collecte en ville organisée ce 14 novembre à Paris dans le cadre des Rencontres nationales Eco-systèmes a livré quelques pistes.
L'éco-organisme, qui travaille en partenariat avec les collectivités territoriales, les bailleurs sociaux, les magasins distributeurs d'appareils électriques et des acteurs de l'économie sociale et solidaire comme Emmaüs ou Envie a pour mission de collecter, dépolluer et recycler les différents types de DEEE, à l'exception des lampes. Depuis 5 ans, il a mené des opérations pilotes avec 26 collectivités en France pour montrer la reproductibilité des collectes de proximité. Dans 70% des cas, les bailleurs étaient associés. Déchetteries mobiles, collectes ponctuelles en centre-ville, sur des parkings publics, ou juste à l'extérieur des résidences, collectes à l'intérieur, dans des locaux où on réorganise le stockage des encombrants en séparant les DEEE : les exemples sont multiples. L'un des enjeux majeurs est que les appareils "ne touchent pas le trottoir pour qu'ils puissent être recyclés", a souligné Rita Vespier, chef de projet "collecte de proximité" à Eco-systèmes.
Lille Métropole Habitat a été le premier bailleur social à avoir mis en place une collecte en pied d'immeuble. "Le dispositif a tellement bien marché que nous l'avons déployé sur 66 résidences totalisant 12.000 logements, soit le tiers de notre patrimoine", a témoigné Amélie Debrabandère, directrice générale de Lille Métropole Habitat. "Notre démarche était aussi motivée par le fait que 80% des accidents du travail de notre personnel de proximité étaient liés aux encombrants et aux déchets ménagers", a-t-elle souligné. Elle a aussi incité la communauté urbaine de Lille Métropole à revoir sa politique de collecte. "L'objectif a été de supprimer les collectes mensuelles d'encombrants au profit de collectes sur rendez-vous et d'amener tous les bailleurs à le faire". Si les volumes collectés par le bailleur (71 tonnes en 2012) ont progressé, les disparités subsistent toutefois d'un site à l'autre. "Nous avons 18 lieux de collecte où c'est plus compliqué, a reconnu Amélie Debrabandère. Tout dépend de la localisation et de l'engagement citoyen des habitants." "La fracture sociale existe aussi sur les DEEE", a observé Yves Faure, président du Cercle national du recyclage et président du Siom de la vallée de Chevreuse, qui couvre 17 communes des Yvelines et de l'Essonne. "La mobilisation des habitants est plus difficile dans les quartiers populaires que dans les zones résidentielles de la vallée de Chevreuse", a-t-il souligné. Pour Michel Bourgain, vice-président de l'Association des maires de France (AMF) et maire de l'Ile-Saint-Denis (93), les moyens déployés par les collectivités et les bailleurs sociaux ne suffiront pas pour atteindre les prochains objectifs de doublement de la collecte de DEEE. "On s'interroge aujourd'hui sur la manière de transformer le déchet en ressource. Mais ne pourrait-on pas renverser le sujet en faisant en sorte que la ressource ne devienne pas un déchet ?" Selon lui, il faut "passer de la notion de propriété de la matière à celle de bien commun", ce que propose l'économie participative. Et de citer un exemple concret dans sa commune avec un écoquartier qui prévoit une lingerie collective en pied d'immeuble.
"Nous collectons aujourd'hui un tiers de nos DEEE et si Eco-systèmes fait partie des bons élèves parmi les éco-organismes, les résultats ne sont pas satisfaisants, a estimé Nicolas Garnier, délégué général d'Amorce, en pointant les "gisements sous collectés". "Seuls 2% des jouets électroniques reviennent, a-t-il illustré. Le taux est de 15% pour les petits appareils comme les sèche-cheveux et de 27% pour les lampes." Pour le représentant d'Amorce, l'enjeu de la prévention est essentiel. "L'obsolescence programmée doit être sanctionnée. Il faut une taxe sur les produits non recyclés." Il y a aussi selon lui de gros efforts à faire en termes d'information. "Les ambassadeurs du tri devraient pouvoir parler de tous les gisements mais comme ils sont financés par Eco-emballages, ils n'interviennent aujourd'hui que sur les emballages ménagers, a-t-il souligné. Le marquage est aussi important car on ne fait le geste pour le recyclage que quand c'est inscrit sur le produit". Enfin, estime Nicolas Garnier, il faut se pencher sur le système initial du 1 pour 1 (le retour en magasin), aujourd'hui en panne, et sur le problème du e-commerce qui n'est pas sanctionné s'il ne reprend pas les anciens appareils.
Anne Lenormand
La révision de la directive européenne sur les DEEE
Entrée en vigueur le 13 août 2012, la directive DEEE révisée qui réactualise la première directive de 2003 devra être transposée en droit français avant le 14 février 2014. Parmi les principales évolutions apportées figurent la réduction de 10 à 6 catégories de produits électriques et électroniques en 2018, l'obligation pour les producteurs établis dans d'autres Etats membres de nommer un mandataire pour assurer le respect de leurs obligations sur le marché français ou encore l'harmonisation des registres nationaux. Les Etats membres garderont la possibilité de maintenir la visibilité de l'éco-participation tandis que les distributeurs auront l'obligation d'assurer la reprise dite "1 pour 0" sans obligation d'achat dans les surfaces de vente de plus de 400 m2. Les objectifs de recyclage et de valorisation seront par ailleurs augmentés de 5 points en 2015 et les contrôles renforcés pour éviter l'exportation illégale de DEEE sous couvert de réemploi. Enfin, les Etats membres pourront choisir entre deux modes de calcul de l'objectif de collecte après 2019 : soit 85% de la quantité des DEEE générés sur leur territoire ; soit 65% du poids moyen d'appareils mis sur le marché au cours des trois années précédentes. Cela représenterait pour la France 14 kg par habitant.
A.L.