Environnement - De nouvelles pistes pour valoriser la gestion de la ressource "bois"
Le ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt (Maaf) a mis en ligne, mercredi 24 février, un rapport récent du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), commandé par Stéphane le Foll en mai 2014, "dans la perspective d'une valorisation optimale de l'espace rural et du renforcement de la filière française de la forêt et du bois". Ce copieux rapport de plus de 160 pages comprend un bilan de l'évolution des forêts françaises sur un siècle, basé sur l'exploitation des données de la dernière statistique administrative générale, datant de 1912, une analyse des enjeux environnementaux, économiques et juridiques, et des préconisations dans une perspective de "gestion à long terme d'une ressource renouvelable, le bois".
6,5 millions d'hectares de forêt en plus en cent ans
On apprend ainsi que la forêt française a augmenté en cent ans de plus de 66% soit 6,5 millions d'hectares. Ce phénomène important a surtout touché la forêt des particuliers, dite communément forêt privée (+94%), et, à un degré moindre, les forêts domaniale (+25%) et communale (+23%).
L'augmentation de surface des forêts communales, en incluant dans la base de départ les "communales non soumises" de 1912, est de l'ordre de 250.000 ha. Elle résulte d'une augmentation dans moins du tiers des départements. Une moitié de cette augmentation est le fait de onze départements de montagne également concernés par les programmes de restauration des terrains de montagne (RTM). L'autre moitié résulte de reboisements de terrains non forestiers et d'acquisitions, dans 18 départements. Plusieurs de ces départements sont en fait proches de la catégorie précédente, et sont en moyenne montagne, dans le Massif central, le massif du Jura, et les Vosges.
Au total les auteurs notent que "les actions de l'administration ont contribué en un siècle au tiers de l'augmentation de surface constatée. Parallèlement une déprise agricole non contrôlée a contribué aux deux tiers de l'augmentation, sur des surfaces appartenant à des particuliers et sur lesquelles la récolte est très faible sinon nulle".
Une ressource morcelée et sous-exploitée
L'étude insiste sur les conséquences, environnementales et économiques, de la sous-exploitation de la forêt française, estimée à 50%. Peu renouvelé, le parc forestier perd de sa capacité de stockage du CO2 – actuellement de l'ordre de 69 millions de tonnes par an, tandis que la filière bois-forêt connaît un déficit commercial (5,6 milliards d'euros en 2014), partiellement imputable à cette sous-exploitation (voir ci-contre notre article du 15 octobre 2015).
Du fait de l'intensité de gestion des forêts publiques et de cette "création forestière récente" sur plusieurs millions d'hectares, le gisement d'exploitation supplémentaire de bois se trouverait "à 83% en forêt privée et selon toute vraisemblance à plus de 50% dans les forêts de moins de 25 ha". Pour le CGAAER, ceci implique que les nouveaux efforts de la politique forestière soient ciblés sur ce type de propriétés, dans les départements qui ont connu les extensions les plus importantes.
Le rapport pointe aussi l'insuffisant recours au regroupement de gestion de la part des communes forestières. L'évolution des surfaces, comme celle du nombre d'entités gérées, montre que "la structure des communes forestières est restée très stable depuis 1912". Peu après la création de l'Office national des forêts (ONF), la loi 71-384 du 22 mai 1971 "relative à l'amélioration des structures forestières" avait pour objectif de faciliter les regroupements de gestion de ces forêts. Au bout de quarante-quatre ans, ces regroupements n'ont porté que sur environ 2% de la superficie de cette catégorie de forêts.
"Invariance de la gestion des forêts communales"
Dans le cadre des débats, sur le coût pour l'ONF de la mise en œuvre du régime forestier dans les forêts communales, le constat de "l'invariance de la gestion des forêts communales au cours du siècle écoulé", en particulier le fait que la loi du 22 mai 1971 n'a pratiquement pas eu d'effet, a conduit les auteurs à des réflexions sur des "pistes d'économies et de recettes supplémentaires". Soulignant que le coût global de gestion des forêts qui appartiennent à des collectivités ou à des établissements publics est estimé à 175 millions d'euros, ils invitent ainsi à la mise en œuvre des recommandations formulées dans le rapport conjoint IGF, CGAAER, CGEDD de mai 2015 sur ce sujet, ainsi qu'à une "remise à plat" de tous les aspects non forestiers de la gestion du patrimoine géré par l'ONF, relevant que "dans la plupart des cas les tarifs de concession apparaissent manifestement sous-évalués".
On se rappelle que, dans le cadre de la négociation du contrat d'objectifs et de performance (COP) 2016-2020 entre l'Etat, l'ONF et la Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR), le gouvernement avait renoncé à augmenter les contributions demandées aux communes (voir notre article du 6 octobre 2015 ci-contre).