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Environnement - Pour lutter contre le changement climatique, la filière forêt-bois demande des capitaux

150 millions d'euros de capitaux par an doivent être mobilisés pour que la filière forêt-bois réponde aux défis du changement climatique, estiment les trois interprofessions, en prévision d'un colloque sur le sujet le 5 novembre prochain et de la COP 21. Cet argent doit servir au renouvellement régulier de la forêt, à adapter les essences aux évolutions climatiques ou à répondre à la demande des marchés.

C'est une belle photo de famille : les acteurs de la filière bois – des producteurs amont aux industries aval - réunis au ministère de l'Agriculture et de la Forêt pour sceller leur coopération dans la lutte contre le changement climatique, à l'occasion de la future COP 21. "Le vrai changement c'est la capacité à travailler maintenant tous ensemble", s'est félicité Stéphane Le Foll, lors de cette conférence de presse organisée en prévision d'un colloque national, le 5 novembre, au côté de Cyril Le Picard, président de France Bois Forêt (FBF), Luc Charmasson, président de France Industries Entreprises (FBIE), et Pierre Achard, président de l'Association des sociétés et groupements fonciers et forestiers (Asffor). La filière représente "440.000 emplois et 60 milliards d'euros de chiffre d'affaires", c'est aussi "un acteur écologique incontournable dans l'atténuation des effets du changement climatique : elle compense aujourd'hui 20% des émissions de CO2 en France", soulignent les interprofessions, dans un communiqué commun. "En 2030, selon le Giec, nous pourrons compenser 40% des émissions", ajoutent les trois présidents. Mais pour cela, "nous devons mobiliser au minimum 150 millions d'euros de capitaux par an". Une somme qui doit servir aux renouvellement régulier de la foret, à l'adaptation des espèces aux évolutions climatiques et à "la demande des marchés".

5,6 milliards de déficit en 2014

Cette union sacrée tranche pourtant avec les rapports successifs qui, depuis des années, soulignent l'absence de ponts entre ces deux mondes - l'amont et l'aval-, responsable du plus lourd déficit de la balance commerciale française : 5,6 milliards d'euros en 2014, soit 10% du total. Car les producteurs français préfèrent envoyer leurs grumes à l'étranger. Si la filière industrie française passe pour mal structurée, le dernier rapport en date sur le sujet, celui des députés Pascale Got (PS, Gironde), de Damien Abad (LR, Ain) publié le 14 octobre, pointe aussi la double concurrence qu'elle subit avec, d'une part, le dumping social de l'industrie allemande qui a fortement recours à des travailleurs détachés, et, d'autre part, la concurrence de pays émergents, notamment la Chine, où sont envoyées les grumes françaises avant de revenir transformées en France. Les rapporteurs rappellent notamment que la Chine appliquent des droits de douanes de 100% sur l'ameublement, quand l'Union européenne ouvre entièrement son marché…

Attirer les compagnies d'assurance

Mais des travailleurs détachés et des droits de douane, il n'a pas été question. "J'espère que pour la première fois, une prise de conscience à l'échelle planétaire intégrera la lutte contre le changement climatique pour l'humanité", a martelé le ministre, les yeux rivés sur la COP 21. "On ne peut avoir une forêt qui ne bouge plus, il faut que le bois redevienne un matériau utile et utilisable", a-t-il souligné, insistant sur le fait que les choix d'aujourd'hui auront des effets "dans soixante ans". "C'est un travail qu'on fait pour les autres, ça c'est du long terme", a-t-il souligné, arguant que la forêt est "un puits à carbone", à condition d'être exploitée, "gérée durablement". "Une forêt non gérée séquestre 4 fois moins de CO2 qu'une forêt gérée de façon dynamique et durable", a abondé Cyril Le Picard, compte tenu des émanations de méthane liés à la décomposition des arbres et végétaux... Pour les trois présidents, "à l'heure de la COP 21, toutes les pistes de financement doivent être examinées".
Stéphane Le Foll a annoncé un prochain plan pour l'innovation de la filière. "Le document doit être terminé pour le Salon de l'agriculture de début 2016", a-t-il précisé. Ce plan reposerait sur quatre piliers : innovations techniques, innovations des process et marchés, bioéconomie et... innovations sur les modèles de financement. Un groupe spécifique planchera donc "sur la nécessité de techniques financières nouvelles (…) pour alimenter demain le fonds stratégique (bois-forêt)", a précisé le ministre, sans donner plus de pistes. Il a toutefois dit veiller à ce que ces projets innovants soient éligibles au troisième programme d'investissement d'avenir, comme les autres secteurs industriels. La question d'un nouveau marché carbone est aussi sur la table. "Il faut ramener une partie de ce qui fera ce marché de carbone vers la forêt et l'agriculture", a déclaré Stéphane Le Foll.
Pierre Achard a pour sa part appelé les compagnies d'assurances à intégrer la forêt dans leur patrimoine.