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Fiscalité locale - CVAE : pourquoi le premier impôt économique local est si instable

Pour les collectivités territoriales, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises instaurée en 2010 a un gros inconvénient : ses mouvements erratiques d'une année à l'autre. Dans un rapport au Parlement, non publié à ce jour, le ministère de l'Action et des Comptes publics avance plusieurs explications.
 

La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) est "volatile", reconnaît Bercy dans un rapport au Parlement, qui fait le point sur "la variation du produit" de cet impôt (télécharger ci-dessous le rapport).
La CVAE est le principal impôt économique local, mis en place en 2010 pour remplacer la taxe professionnelle. En 2017, près de 17,6 milliards d'euros de recettes de CVAE ont été répartis entre les collectivités territoriales : 8,79 milliards d'euros (50%) ont été dévolus aux régions, 4,78 milliards d'euros (26,5%) aux communes et intercommunalités et 4 milliards d'euros (23,5%) aux départements.
Régulièrement, les élus locaux critiquent l'instabilité de cet impôt d'une année sur l'autre. Un défaut qui, pour les collectivités très dépendantes de cette ressource, rend très compliqué l'exercice d'élaboration des budgets locaux. Dans son rapport d'octobre 2016 sur les finances publiques locales, la Cour des comptes avait relayé cette préoccupation des exécutifs locaux. Elle constatait en outre que "les fortes variations annuelles du produit global de la CVAE restent largement inexpliquées."

CVAE du secteur financier : la dégringolade de 2012

L'évolution de la CVAE n'est pas complètement "corrélée" à celle de la valeur ajoutée (c'est-à-dire la création de richesse par les entreprises), explique le rapport que le ministère de l'Action et des Comptes publics a remis le mois dernier, en application de l'article 51 de la loi de finances rectificative pour 2016. Selon ce rapport que Localtis s'est procuré, l'évolution différenciée du produit de la CVAE et de la valeur ajoutée est liée au fait que les entreprises s'acquittent de cet impôt en plusieurs fois, sous la forme d'acomptes qu'elles peuvent moduler à la hausse ou à la baisse. Elle s'explique aussi par l'existence de "rehaussements" à la suite de contrôles fiscaux. Ces derniers génèrent un produit supplémentaire de CVAE de 200 millions d'euros par an.
La valeur ajoutée et les cotisations de CVAE des entreprises financières s'avèrent particulièrement fluctuantes, est-il par ailleurs indiqué. Entre 2011 et 2012, elles ont diminué respectivement de 20,9 % et de 23%. Du fait des modalités de perception de la CVAE, cette chute n'a été ressentie qu'en 2014 par les collectivités territoriales. Cette année-là, le produit de la taxe a reculé globalement de 2,5%.
En novembre 2013, le maire de Paris a été abasourdi en apprenant que la capitale connaîtrait l'année suivante une moindre recette de CVAE de près de 200 millions d'euros. Dans un communiqué de novembre 2013, il imputait ce "trou" à une "fraude de grande ampleur commise par les compagnies d'assurance". Une allégation sur laquelle il est revenu quelques heures plus tard après avoir obtenu des éclaircissements de Bercy. Aujourd'hui, on sait que le secteur financier n'a pas tenté de se soustraire à ses obligations fiscales. "Il est probable que l’évolution négative de la valeur ajoutée entre 2011 et 2012 s’explique par les opérations réalisées à la suite de la crise de la dette souveraine", explique le rapport. "En 2012, poursuit-il, les pertes constatées sur les actifs financiers ont dégradé la valeur ajoutée" (induisant une dégradation de l’ordre de 20 milliards d'euros du résultat financier taxé à la CVAE). Le rapport met aussi en évidence "la comptabilisation de provisions techniques importantes en 2012 par certains groupes du secteur des mutuelles et institutions de prévoyance".

Une volatilité encore plus grande à l'échelon infrarégional

Outre la répartition entre les régions du produit de la CVAE, le rapport fournit le détail de la répartition entre les départements. Et ce, sur la période 2011-2017. Les évolutions de recettes de CVAE pour ces différents échelons sont donc identifiables. Selon ces données, 13 régions et 47 départements ont connu une baisse de leurs ressources de CVAE en 2014. Parmi ces collectivités, le département de Paris a enregistré cette année-là un repli de 126 millions d'euros (-13,7%) de ses recettes issue de la taxe.
La volatilité du produit de la CVAE est probablement encore plus grande à l'échelle des intercommunalités. Selon la Cour des comptes, la métropole de Strasbourg a ainsi "perçu un produit en hausse de 27% en 2013, en baisse de 30% en 2014 et en hausse de 15% en 2015."
Bien que volatile, la CVAE "garantit sur une longue période une dynamique des recettes fiscales", souligne Bercy. En 2012 et 2013, le produit de la CVAE a augmenté respectivement de 3% et 7,5%. En 2014, annus horribilis, il a reculé de 2,5%. Mais l'année suivante, il a progressé de 4,5%. Enfin, en 2016 et 2017, la croissance de la taxe s'est établie respectivement à 1,4% et 4,3%. Au vu de ces résultats, le transfert aux régions en 2017 d'une fraction de 25% du produit de la CVAE, jusque-là perçue par les départements, apparaît plutôt comme une bonne affaire pour les collectivités régionales.