Crise des boulangeries : un sénateur propose d'assouplir le tarif réglementé

Le plafond de puissance électrique (36 kVA) retenu pour le tarif réglementé de vente d’électricité (TRVE) résulte d'une surtransposition de la directive de 2019 fixant les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité, estime le sénateur Fabien Genet. Il est l'auteur d'une proposition de loi visant à faire sauter ce critère. Ce qui permettrait notamment aux boulangers aujourd'hui asphyxiés par leurs factures d'être éligibles au tarif réglementé et au bouclier tarifaire, de même que de nombreuses petites communes.

Boulangers pris à la gorge… et si c’était aussi dû à une surtransposition du droit européen ? C’est en tout cas l’avis du sénateur Fabien Genet (LR, Saône-et-Loire), auteur d’une proposition de loi visant à supprimer le critère de puissance du tarif règlementé de vente d’électricité (TRVE).

Tout part d’une directive européenne de 2019 qui est venue restreindre les conditions du TRVE. Ce texte fixant les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité impose la fin du tarif réglementé pour tous les clients professionnels (y compris les collectivités locales) ; avec une dérogation pour les structures employant moins de dix personnes et dont le chiffre d'affaires annuel et/ou le total du bilan annuel n'excède pas 2 millions d'euros. En transposant cette disposition avec la loi Énergie et climat du 8 novembre 2019, la France a ajouté une troisième condition : que les sites concernés utilisent une puissance électrique inférieure inférieure ou égale à 36 kVA, ce que prévoyait déjà le droit français en vigueur. "En application de cette loi, le nombre de clients professionnels est ainsi passé de 3 à 1,3 millions entre l’année 2019 et 2021", précise le sénateur, dans l'exposé des motifs de son texte. Mais "ce critère de puissance n’est que le fruit d’une surtransposition du droit européen en droit français venant restreindre le périmètre des consommateurs éligibles plus que nécessaire", estime-t-il. Rappelons que le "bouclier tarifaire" qui plafonne pour 2023 à 15% les augmentations de factures d’électricité au tarif réglementé. Or, comme cela a été beaucoup dit, les fours utilisés par les boulangers, notamment, consomment beaucoup d’électricité ce qui fait qu’une une écrasante majorité d'entre eux se situent au-dessus des 36KVA et ne sont pas éligibles au TRVE. Avec leurs chambres froides, les bouchers sont dans la même situation.

Seulement 13.500 communes au tarif réglementé

La mesure exclut aussi de nombreuses collectivités. D’après EDF, seulement 13.500 communes seraient au tarif réglementé. "Dans le contexte de tension des prix de l’énergie et face aux difficultés rencontrées par les acteurs économiques et les collectivités territoriales, il n’y a pas de raison de garder ce critère limitatif", argue le sénateur dont la proposition de loi consiste à modifier le code de l’énergie pour revenir au strict cadre de la directive européenne (UE) 2019/244. Cette mesure permettrait de répondre aux attentes de nombreux artisans et élus, en attendant l’hypothétique réforme du marché européen de l’électricité espérée par Bruno Le Maire, passant par un découplage du prix de l’électricité par rapport au prix du gaz. Le ministre a encore expliqué, jeudi, lors de ses voeux aux acteurs économiques, qu'il était en revanche hors de question de sortir du marché européen de l'électricité, comme l'Espagne et le Portugal qui ont obtenu une dérogation de la Commission. Mais à l'issue d'une nouvelle réunion avec les fournisseurs d'énergie, vendredi, Bruno Le Maire a annocné que ces derniers s'engageaient à "proposer sur l’année des contrats d’énergie inférieurs à 280 euros le Mwh pour toutes les TPE". Ce tarif garanti pour 2023 concernerait uniquement les TPE qui ont renouvelé leur contrat entre le 1er juillet et le 31 décembre, sans effet rétroactif sur les factures de 2022.

La proposition de loi de Fabien Genet a reçu le soutien de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). Elle aurait l’avantage d’être rapidement mise en œuvre en l’état actuel du droit européen. Alors que l’élargissement du tarif réglementé pour toutes les collectivités (y compris celles de plus de 10 agents), comme le réclament certains, se heurterait à la nécessaire révision de la directive européenne. C’est ce qui a conduit la majorité sénatoriale à rejeter courant décembre une proposition de loi communiste allant dans ce sens, même si elle était soutenue dans son principe.

Les départements réclament le retour immédiat au tarif réglementé

La présidente de la région Occitanie, Carole Delga, avait été l’une des premières à souligner début décembre l’incongruité de ce critère de puissance. Elle réitère aujourd'hui sa demande d’élargir le bouclier tarifaire, jugeant les mesures gouvernementales insuffisantes. "La profession ne peut pour l’instant prétendre qu’à l’amortisseur d’électricité et est exclue du bouclier tarifaire ; or une prise en charge d’au mieux 40% alors que leurs factures d’électricité sont multipliées par dix est clairement insuffisante (…) Les mesures annoncées [mardi] par le gouvernement, proposant un report du paiement des impôts et cotisations sociales pour soulager leur trésorerie, ne suffiront pas pour sauver cette profession incontournable de la vie des Français", a-t-elle fait valoir, jeudi, dans un communiqué. La région, qui tiendra une réunion d’urgence lundi, a l’intention de réactiver le dispositif L’Occal mis en place pour soutenir le commerce de proximité pendant la crise sanitaire. Il s’agit à présent de "sauver les artisans boulangers et pâtissiers les plus touchés par la flambée des prix énergétiques". Paca et Auvergne-Rhône-Alpes ont d’ores et déjà annoncé leurs propres aides. Les départements aussi sont sur les rangs. Dans un communiqué du 5 janvier, ils réclament "le retour immédiat au tarif réglementé pour les collectivités, les associations, les petits commerces de proximité et les PME-PMI". Mais ils en profitent pour glisser un pied dans la porte des aides aux entreprises qui leurs sont interdites depuis la loi Notre de 2015. "Nous, Départements de France, devons avoir la possibilité de soutenir l’économie de proximité, maillon essentiel de la vie des Français et de l’attractivité des territoires. Il ne s’agit pas de nous substituer à l’État, qui doit assumer ses responsabilités dans cette crise de l’énergie, mais de nous permettre d’apporter des solutions pour agir massivement en faveur du commerce rural", clame le président de Départements de France, François Sauvadet, dans ce communiqué.