Boulangeries : les aides en place insuffisantes pour contrer la hausse des prix de l'énergie
Confrontés à une hausse vertigineuse du coût de l'énergie, beaucoup de boulangers songent aujourd'hui à mettre la clé sous la porte. Ils ont beau faire leurs calculs, les aides mises en place par l'Etat n'épongeront qu'une faible part de l'augmentation : 35% en moyenne sur des factures qui ont souvent triplé. Pourtant, la Confédération nationale de la boulangerie préfère rester confiante.
"Depuis une semaine je n'ai plus d'activité du tout, les aides ce n'est pas qu'elles ne suffisent pas, c'est qu'elles sont inexistantes, on ne rentre dans aucune des clauses." A l'image de Julien Bernard-Regnard, gérant de la boulangerie Julien Pain et Pâtisseries, située à Bourgaltroff en Moselle, nombre de boulangers craignent de ne pouvoir faire face à la hausse de leur facture d'énergie qui vient s'ajouter à la hausse du coût des matières premières (farine, oeufs, levure...). Pour ce commerce, la facture a augmenté de 300%. Et alors que la société n'a pas de difficulté commerciale, avec une progression du chiffre d'affaires tous les mois, elle a dû fermer ses portes et licencier l'employée salariée qui y travaillait. "J'ai fait des pieds et des mains, mais il y a trop de critères, on ne rentre dans rien, se décourage Julien Bernard-Regnard, je vais me reconvertir je ne sais pas dans quoi ; pour le moment, j'essaie d'encaisser les événements."
Depuis le début de la crise énergétique, le gouvernement a mis en place une batterie de mesures pour aider les entreprises, les collectivités, les associations et les particuliers, à faire face à l'explosion de leur facture. Les TPE sont éligibles au bouclier tarifaire mis en place à la fin de l'année 2021. Ses conditions ont été revues et il permettra de plafonner la hausse des factures d'électricité à 15% à compter de janvier 2023 et à 15% à compter de février 2023 pour l'électricité. Mais seules les TPE de moins de 10 salariés, avec deux millions d'euros de chiffres d'affaires et ayant un compteur électrique d'une puissance inférieure à 36 kVA peuvent émarger. Entre la chambre froide et le four, "cette puissance est évidemment largement dépassée", s'offusque l'Association des maires ruraux du Gard, dans un communiqué du 9 décembre. La présidente de la région Occitanie Carole Delga est également intervenue pour dénoncer cette situation (voir notre article).
En réponse aux inquiétudes de la filière, le ministre de l'Economie a annoncé le 8 décembre 2022 la prolongation à partir du 1er janvier 2023 du guichet d'aide au paiement des factures de gaz et d'électricité. Par ailleurs, les entreprises non éligibles au bouclier tarifaire auront droit à "l'amortisseur électricité" qui entrera en vigueur au 1er janvier 2023. Et les deux aides sont cumulables. En clair, les entreprises dont la puissance de compteur excède les 36 kVA qui, après avoir appliqué la baisse de 20% (en moyenne) de l'amortisseur, continueront d'avoir une facture de plus de 3% de leur chiffre d'affaire, pourront recourir en plus au guichet d'aide. "Leur facture pourra ainsi être, au maximum, diminuée de 35%", calcule la CPME, elle aussi montée au front. Dans un effort de pédagogie, le ministre de l'Economie a assuré sur RMC, le 8 décembre, qu'une facture de 4.000 euros pourrait être ramenée à 2.600 euros pour un boulanger. Et selon lui, "il n'y aura pas d'hécatombe" chez les boulangers.
"Ce n'est pas ce qui va nous faire sortir la tête de l'eau"
Pour éviter que toute entreprise reste sur le bord du chemin, un "guichet de secours", réclamé par la CPME, a été mis en place dans chaque département, avec un numéro vert (0806-000-245). Des "avancées majeures qui permettront d'apporter un réel espoir", a salué la CPME. De son côté, la Confédération nationale de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie française a déclaré dans un communiqué du 13 décembre que "Non la boulangerie n'est pas morte et ne mourra pas", estimant que l'inquiétude des artisans était "légitime" mais "également irrationnelle", car elle "n'intègre pas les dernières aides obtenues auprès des pouvoirs publics", concernant la prolongation du guichet notamment en plus de l'amortisseur.
Les boulangers doivent passer plus de temps avec leur calculette que devant leur four. Et ils ont beau retourner ces modalités d'aides, le compte n'y est pas. Car 35% de diminution sur une facture multipliée par trois, voire beaucoup plus, cela laisse un manque à gagner important. "Habituellement, j'ai une facture de 1.000 euros par mois en hiver, explique Cyril Gaudin, gérant de la boulangerie Gaudin installée à Blois, EDF m'annonce une multiplication par trois, avec les aides on devrait arriver à 2.500 euros au lieu de 3.000 euros, la différence n'est pas énorme, ce n'est pas ce qui va nous faire sortir la tête de l'eau ! C'est insuffisant et ridicule 500 ou 600 euros d'aide, avec toutes les hausses que nous subissons sur les matières premières, il faudrait plafonner les augmentations à 15% ou 20% maximum". Le gérant estime que son entreprise risque d'être en péril au mois de février ou mars. Il emploie deux vendeuses et deux apprentis. Pour l'Association des maires ruraux de France (AMRF) et l'AMR du Gard, il faut impérativement élargir le bouclier tarifaire aux boulangeries, car "elles sont souvent les derniers commerces de proximité, et jouent un rôle bien supérieur : elles sont l’âme d’un village et permettent ce lien social primordial".