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Social - Convention contre la violence faite aux femmes : quelles obligations en matière sociale ?

Par une loi du 14 mai 2014, la France a ratifié la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l'égard des femmes et la violence domestique. Signée à Istanbul le 11 mai 2011, celle-ci entrera en vigueur le 1er août 2014. Elle a notamment pour but "de protéger les femmes contre toutes les formes de violence et de prévenir, poursuivre et éliminer la violence à l'égard des femmes et la violence domestique", ainsi que de "concevoir un cadre global, des politiques et des mesures de protection et d'assistance pour toutes les victimes de violence à l'égard des femmes et de violence domestique".

Un important volet social

Une bonne part des 81 articles de la convention est consacrée aux aspects judiciaires de la lutte contre les violences faites aux femmes : définition des différents types de violences, voies de droit, enquêtes, poursuites, droit procédural, mesures de protection, coopération internationale...
Mais la convention comporte également un important volet social, que les Etats parties s'engagent à mettre en œuvre. En matière d'information et de prévention, les signataires "prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour établir ou soutenir des programmes visant à apprendre aux auteurs de violence domestique à adopter un comportement non violent dans les relations interpersonnelles en vue de prévenir de nouvelles violences et de changer les schémas comportementaux violents". L'engagement vaut aussi pour la mise en œuvre de programmes de traitement des auteurs de violences.
Mais le gros du volet social concerne la prise en charge des victimes. De façon générale, les Etats parties prennent toutes les mesures nécessaires "pour protéger toutes les victimes contre tout nouvel acte de violence". Ceci implique que les victimes ont accès à des services facilitant leur rétablissement, ainsi qu'à des services de santé et des services sociaux. Il faut aussi que ces services "disposent des ressources adéquates et que les professionnels soient formés afin de fournir une assistance aux victimes et de les orienter vers les services adéquats". Si les services sociaux "généralistes" ont un rôle à jouer, la convention prévoit aussi que les Etats parties mettent à disposition des victimes "des services de soutien spécialisés immédiats, à court et à long terme, à toute victime ayant fait l'objet de tout acte de violence".

Refuges, permanences téléphoniques et protection des enfants témoins

Ceci suppose en particulier "la mise en place de refuges appropriés, facilement accessibles et en nombre suffisant". Ceci suppose aussi la mise en œuvre de permanences téléphoniques gratuites, accessibles vingt‐quatre heures sur vingt‐quatre et sept jours sur sept.
Des centres d'aide d'urgence pour les victimes de viols et de violences sexuelles doivent également être en mesure de "dispenser un examen médical et médicolégal, un soutien lié au traumatisme et des conseils". Les enfants témoins de violences doivent, eux aussi, bénéficier d'une protection et d'un soutien, incluant des conseils psychosociaux adaptés à l'âge des intéressés.
Enfin, la convention prévoit la mise en place de dispositifs de signalement par le grand public, mais aussi par les professionnels. Sur ce point, le texte précise que les Etats parties prennent les dispositions nécessaires "pour que les règles de confidentialité imposées par leur droit interne à certains professionnels ne constituent pas un obstacle à la possibilité, dans les conditions appropriées, d'adresser un signalement aux organisations ou autorités compétentes s'ils ont de sérieuses raisons de croire qu'un acte grave de violence couvert par le champ d'application de la présente convention a été commis et que de nouveaux actes graves de violence sont à craindre".

La loi sur l'égalité femmes-hommes apporte des réponses

Sur tous ces éléments, la France dispose déjà outils juridiques et des dispositifs nécessaires, même s'ils devront sans doute être renforcés pour s'inscrire dans le cadre de la convention (notamment pour les services spécialisés). Le projet de loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes - qui n'attend plus qu'une dernière lecture au Sénat - devrait toutefois apporter une bonne partie de la réponse.
Le projet de loi renforce en effet le dispositif de l'ordonnance de protection, mis en place par la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières. Il met fin à la procédure de médiation en cas de violences conjugales, sauf si la médiation est expressément demandée par la victime, et prévoit une procédure d'éviction du logement pour le conjoint violent. Même si la disposition ne figure pas dans la loi, le gouvernement s'est engagé par ailleurs à créer 1.500 places supplémentaires d'hébergement d'urgence (ce qui est réaliste, mais un peu contradictoire avec l'éviction du conjoint violent).
D'autres mesures sont également prévues, comme la remise d'un "téléphone d'alerte", la dispense du droit de timbre pour les étrangères victimes de violences conjugales ou de traite des êtres humains ou un renforcement du suivi des auteurs de violences.

Références : loi 2014-476 du 14 mai 2014 autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l'égard des femmes et la violence domestique (Journal officiel du 15 mai 2014).

Jean-Noël Escudié / PCA
 

 

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