Emploi - Contrat de génération : un dispositif sur-mesure dont les modalités restent à préciser
"Les contrats de génération ne s'appliqueront pas mécaniquement dans toutes les entreprises." C'est ce que le président de la République a déclaré ce 1er juin 2012 à l'occasion d'une visite d'entreprise à Bondoufle, dans l'Essonne. Le dispositif, qui était une promesse de François Hollande durant sa campagne, doit permettre à une entreprise de profiter pendant cinq ans d'exonérations de charges sociales si elle embauche en CDI un jeune de moins de 30 ans placé sous le tutorat d'un senior de plus de 55 ans qui conserve ainsi son poste. L'exonération est totale pour le jeune, partielle pour le senior. Le gouvernement cible 500.000 contrats de ce type durant les cinq ans à venir, pour un coût annuel estimé entre 2 et 3 milliards d'euros. Le dispositif devra "être adapté à chacune des situations", a précisé le chef de l'Etat lors de son déplacement.
"C'est une bonne mesure car on a trop souvent opposé les seniors aux salariés les plus jeunes en matière d'emploi", assure Rodolphe Delacroix, consultant au sein du cabinet de conseil en ressources humaines Towers Watson et auteur du livre "Si Senior" (éditions Lignes de Repères). Même écho positif pour Marc Raynaud, président fondateur de l’Observatoire du management intergénérationnel. "Cela permettra au moins de maintenir plus longtemps des seniors en activité sur un rôle qui les valorise à une période où certains d’entre eux se sentent négligés ou sous-utilisés", explique-t-il. En revanche, côté mise en place, les avis sont plus partagés. "Les modalités de mise en œuvre ne sont pas simples", reconnaît Rodolphe Delacroix. Première difficulté : le jeune doit être accompagné par le senior, sous la forme d'un tutorat, or "rien n'indique que tout le monde ait cette capacité de faire du tutorat, il va falloir sélectionner les seniors susceptibles de le faire, les former, les professionnaliser…", souligne Rodolphe Delacroix.
"Le contrat de génération ne suffit pas pour installer un dispositif permettant de transmettre", renchérit Marc Raynaud, qui estime que "c'est l'occasion de se servir des programmes de 'knowledge management' des entreprises, qui n’ont pas été souvent très performants, faute d’avoir un receveur."
Autre problème : l'application de la mesure dans les PME. "Elles sont souvent moins bien outillées que les grandes en matière de ressources humaines", précise Rodolphe Delacroix. Et pourtant, ce sont elles qui recrutent le plus : avec 600.000 emplois, elles sont à l'origine de la quasi-totalité des nouveaux emplois salariés de ces dix dernières années.
Effets d'aubaine
Enfin, dernier point : les effets d'aubaine auxquels la mesure risque de donner lieu. "Il faut que le dispositif soit très clair sur ce qu'on attend des seniors en termes de temps passé au tutorat des jeunes et sur ce qu'on attend de l'entreprise en termes de taux d'emploi", souligne encore Rodolphe Delacroix. Le consultant précise aussi qu'il faudrait mettre en place des indicateurs dans ces domaines et les intégrer aux plans d'action relatifs à l'emploi des seniors qui sont une obligation pour les entreprises de plus de 50 salariés. De son côté, Marc Raynaud estime qu’il ne faut pas légiférer sur tout et plutôt "porter le dispositif dans les entreprises pour voir où est leur intérêt". "Il faut que les entreprises s’en emparent. Il y a des entreprises où plus de 50% des gens ont plus de 50 ans et la relève n’est pas là, ça peut être un moyen de garder leur savoir-faire. C’est un véritable enjeu pour elles", insiste-t-il.
Le gouvernement devrait prochainement donner des précisions. Les négociations avec les partenaires sociaux vont démarrer dans le cadre de la conférence sociale organisée avant mi-juillet. Le gouvernement espère soumettre le dispositif aux parlementaires d'ici la fin de l'année 2012.
Le nombre de seniors au chômage a augmenté de 15,6% en un an.