Congrès USH : un climat apaisé, mais de nouvelles craintes

Le 80e congrès de l'Union sociale pour l'habitat s'est ouvert ce 24 septembre à Paris dans un climat pacifié. Jean-Louis Dumont, le président de l'USH, a toutefois évoqué plusieurs sujets en suspens : la TVA, la nouvelle réforme de l'APL (contemporanéité des ressources), la possible inclusion de l'APL dans le revenu universel d'activité (RUA), l'APL accession dans le neuf... Le ministre Julien Denormandie a pris plusieurs engagements consistant à mettre pleinement en application toutes les dispositions de l'accord signé en avril dernier. Une large concertation sur le RUA est prévue.

Deux ans après celui de Strasbourg, qui s'était tenu dans une ambiance très tendue (voir notre article ci-dessous du 25 septembre 2017), le 80e congrès de l'Union sociale pour l'habitat (USH) – qui marque aussi le 90e anniversaire de l'organisation – s'est ouvert à la porte de Versailles à Paris dans un climat nettement plus serein. Après les tensions autour des APL, de la RLS (réduction de loyer de solidarité) et de la TVA passée à 10%, l'heure est bien à l'apaisement (voir notre article ci-dessous du 2 août 2019).

Certes, lors de la séance plénière inaugurale, le 24 septembre en présence de Julien Denormandie et d'Anne Hidalgo, cela n'a pas empêché quelques piques, inquiétudes ou demandes pressantes. Mais il n'y a pas eu de déclarations tonitruantes envers le gouvernement, ni de manifestations d'hostilité dans la salle. La seule attaque dans l'intervention de Jean-Louis Dumont, le président de l'USH, a visé en effet... l'Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols).

"Le combat ne s'arrête pas là"

Tout n'est pas réglé pour autant. Jean-Louis Dumont estime en effet que les mesures intégrées au projet de loi de finances pour 2018 (APL, TVA...) ont "obéré la confiance en l'État", même si Julien Denormandie a "essayé d'amortir la choc". Depuis lors, l'accord signé le 25 avril dernier avec le Premier ministre – qui a confirmé sa présence à la séance de clôture le 26 septembre – a toutefois arrondi les angles, avec notamment le retour partiel d'une TVA à 5,5% et l'échelonnement relatif de la RLS (voir notre article ci-dessous du 25 avril 2019).

Dans ce climat plus détendu, Jean-Louis Dumont a néanmoins pointé de "nouvelles menaces". Ainsi, sur la clause de revoyure, "le combat ne s'arrête pas là" et le mouvement HLM continue à réclamer fermement un retour intégral à la TVA à 5,5%. Autre sujet d'inquiétude : la nouvelle réforme de l'APL via la mise en œuvre de la contemporanéité des ressources, qui concerne toutefois l'ensemble des allocations et prestations sociales.

Mais le président de l'USH s'est surtout attardé longuement sur un nouveau venu dans le débat : le revenu universel d'activité (RUA). Celui-ci, pièce maîtresse de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, devrait fusionner, sous une forme et dans un périmètre qui restent encore à déterminer, un certain nombre de prestations : RSA, prime d'activité, AAH, APL...

RUA à enveloppe constante : "On ne pourra jamais cautionner"

Pour Jean-Louis Dumont – qui rejoint la position de Marcel Rogemont, le président de la Fédération des offices publics de l'habitat (FOPH, voir ci-dessous notre interview du 23 septembre 2019) –, les objectifs de cette réforme "sont flous et parfois contradictoires". Un RUA à budget constant, comme annoncé jusqu'à présent par le gouvernement, "n'aurait pas de sens, on ne pourra jamais cautionner". Dans ces conditions, inclure les APL – mais aussi l'AAH -– dans le RUA "serait indécent : comment la France pourrait-elle accepter une solidarité qui se ferait entre les plus fragiles ?". Le président de l'USH a rappelé au passage que "l'APL n'existe pas pour assurer un revenu", mais pour permettre aux plus modestes de se loger.

Autre demande récurrente de l'USH : le rétablissement de l'APL accession dans le neuf, supprimée par la loi de finances pour 2019. Un dispositif "qui ne coûtait rien à l'État", mais qui permettait pourtant aux ménages modestes d'accéder à la propriété...

A noter : à quelques mois des élections municipales et intercommunales, Jean-Louis Dumont, a également lancé un appel du pied aux élus locaux et affirmant que, contrairement à la légende, "les maires bâtisseurs ne sont pas voués à perdre les élections".

Feu sur les "idéologues" de l'Ancols

Le président de l'USH s'est en revanche livré à un réquisitoire en règle à l'encontre de l'Ancols. Certes, les bailleurs sociaux sont "parfaitement persuadés du besoin d'une agence de contrôle, dont ils financent d'ailleurs le fonctionnement". Mais, pour Jean-Louis Dumont, "l'Ancols est devenu une idéologue expliquant comment le logement social devrait fonctionner. Or c'est au gouvernement de le faire. Celui-ci ne peut pas déléguer cette mission à une agence qui manque d'impartialité".

Le président de l'USH cite en exemple le calcul de l'absence de surcompensation : "On avait réussi à travailler avec le gouvernement. Et, tout à coup, l'Ancols impose une nouvelle méthode sans aucune consultation. Nous n'acceptons pas que l'Ancols fabrique des coupables...".

Pour Anne Hidalgo, pas question de vendre des logements sociaux parisiens

Présente à l'ouverture en tant que maire de la ville hôte, Anne Hidalgo a séduit l'auditoire avec un discours bilan, rappelant à la fois les réalisations depuis le premier mandat de Bertrand Delanoë en 2001 – 100.000 logements sociaux construits, un taux passé de 13% à 22% avec en ligne de mire les 25% à l'horizon 2025 – et les engagements de la ville en la matière. Anne Hidalgo a notamment redit son "refus de vivre dans une ville dont on aurait chassé les classes moyennes et populaires" et affirmé que "le marché ne peut pas tout régler", qu'"il faut de la régulation". Elle s'est en particulier félicitée de la décision du gouvernement de rouvrir la possibilité d'un encadrement des loyers, par le biais de la loi Elan du 23 novembre 2018.

La maire de Paris s'est aussi taillée un franc succès auprès des congressistes en réaffirmant son refus de vendre des logements sociaux parisiens et en réitérant sa demande d'un cadre législatif pour interdire l'activité des plateformes de location touristique dans les arrondissements centraux. Selon Anne Hidalgo, celles-ci ont en effet fait perdre l'équivalent de 26.000 logements à la ville.

Julien Denormandie : "Il faut savoir corriger le tir"

Après le traditionnel hommage à l'action des bailleurs sociaux et du mouvement HLM, Julien Denormandie a exposé la façon dont il entend conforter le logement social. Cela passe par plusieurs engagements : préserver la loi SRU sur laquelle il n'est pas question de revenir, refuser le déplafonnement de la rémunération du capital dans le secteur des HLM, savoir partir des réalité des territoires (ce qui a justifié le rétablissement de l'encadrement des loyers), mais aussi "savoir corriger le tir quand on propose des marches trop importantes". Une allusion directe à la décision d'alléger la charge de la RLS sur l'année 2020 et de renforcer les mesures d'accompagnement des bailleurs sociaux mises en œuvre par l'État, Action logement et la Banque des Territoires.

Le ministre du Logement s'est donc fermement engagé à mettre pleinement en application toutes les dispositions de l'accord signé en avril dernier. Un comité de suivi a d'ailleurs tenu une première réunion sur ce point il y a quelques jours.

Julien Denormandie a, par ailleurs, confirmé que la réorganisation du secteur HLM "avance bien". Tous les textes ont été publiés ou sont en voie de l'être et 85% des bailleurs sociaux sont aujourd'hui engagés dans le mouvement de regroupement.

En attendant les résultats de la concertation, le RUA reste flou

Julien Denormandie s'est également efforcé de répondre aux questions soulevées par Jean-Louis Dumont. Sur la contemporanéité des APL, il a confirmé que la mesure figurera dans le projet de loi de finances pour 2020, mais qu'il s'agit d'une "réforme de justice". Sa mise en œuvre fera l'objet d'un groupe de travail avec les représentants du monde HLM.

Il a également tenu à répondre sur le sujet du RUA. Il n'a toutefois ni confirmé, ni infirmé l'intégration des APL à la réforme. Mais pour lui, "le RUA, ce sont les aides attachées à la personne", ce qui pourrait, bien sûr, inclure les aides personnalisées au logement.

En revanche, Julien Denormandie s'est voulu rassurant sur la méthode : les décisions en la matière seront précédées d'une très large phase de concertation. De même, il affirme avoir obtenu "dès le début que le sujet des APL soit traité sous l'angle d'un supplément logement", et ne devienne donc pas une ressource prise en compte dans la détermination du RUA. Et il a réitéré l'engagement "que les travaux en cours préserveront le modèle français du logement social".

Enfin, sur la question des relations entre le mouvement HLM et l'Ancols, le ministre du Logement s'en est tiré par un aphorisme : "La confiance n'exclut pas le contrôle, mais le contrôle n'exclut pas la confiance." Il s'engage donc à "œuvrer pour retrouver la confiance". Un engagement qui vaut aussi, plus largement, pour les relations du gouvernement avec le mouvement HLM.

 

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