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Marcel Rogemont (FOPH) : "Face à l'accumulation des lois, nous aspirons à du calme"

Alors que s'ouvre le 80e congrès HLM organisé par l'Union sociale pour l'habitat (USH), du 24 au 26 septembre à la porte de Versailles à Paris, Marcel Rogemont, président de la Fédération des offices publics de l'habitat (FOPH), revient sur les dossiers du moment...

Localtis - Il y a deux ans, le congrès avait été très agité, en pleine crise des APL. Comment se présente selon vous cette 80e édition ?

Marcel Rogemont - Le thème de cette 80e édition, c'est "Les HLM, un modèle français". Et un modèle, ça se défend ! Car les HLM sont aussi un modèle attaqué par certains. Je considère toujours qu'il est immoral de faire financer les APL par les locataires ! Donc, pour ce qui concerne la FOPH, nous disons oui au dialogue avec le gouvernement, car tout modèle peut évoluer, mais en restant fermes sur les positions qui sont les nôtres. Il y a eu, c'est vrai, quelques améliorations ces dernières temps. On a eu notamment le relevé de conclusions de la réunion à Matignon, en avril dernier. Par exemple, nous avons obtenu qu'environ 30% des opérations des HLM repassent à une TVA à 5,5%. Mais nous demandons toujours le retour généralisé à une TVA à 5,5%. Nous attendons aussi des actes avec la clause de revoyure. Car ce qu'il faut bien comprendre, c'est que le logement, c'est du temps long. Les conséquences des décisions se font sentir dans le temps. D'où l'importance d'anticiper.

La question du revenu universel d'activité et d'une éventuelle intégration des APL s'est invitée dans le débat…

D'abord, tout bêtement, une question de terminologie : je ne vois pas comment un revenu peut être universel s'il vise en priorité des personnes en activité ! Les allocations familiales sont universelles, oui, mais pas le RUA. Je suis donc très réservé – pour ne pas dire hostile – à ce bazar. En tout cas, cela n'aurait absolument aucun sens d'intégrer les APL à ce dispositif. Les APL ne doivent pas devenir un des minima sociaux... Je note d'ailleurs, avec intérêt, que le sénateur Philippe Dallier, dans son tout récent rapport d'information sur les perspectives de financement du logement social, adopte une position identique.

Un récent décret précise les modalités de création et de fonctionnement des sociétés de coordination. Les OPH vont-ils s'emparer de cette possibilité ?

Il faut commencer par rappeler que les sociétés de coordination existent à la demande de la FOPH. Plutôt que d'aller sabre au clair sur des fusions, forcément lourdes et complexes, nous voulions que les bailleurs sociaux puissent faire l'expérience du travail en commun à travers ce mécanisme de la société de coordination. Le gouvernement nous a entendus et, par conséquent, le décret nous convient globalement. Nous venons d'ailleurs de diffuser aux offices un guide pratique remis à jour avec le mode d'emploi du décret et des statuts types. Et aujourd'hui, plus de 80% des OPH sont effectivement engagés dans une démarche de rapprochement.

Et pour ce qui concerne le décret sur les sociétés de vente de HLM, qui vient également d'être publié ?

Pour reprendre une formule bien connue, je dirai que je ne suis ni pour, ni contre, bien au contraire. La FOPH ne s'est pas prononcée sur ce texte. Il est cependant probable que quelques offices feront appel à ces sociétés de vente de HLM. Mais au-delà de la gestion patrimoniale des offices – il faut que le patrimoine vive et évolue ! –, nous ne sommes pas favorables à une politique généralisée de vente des logements sociaux. On a vu les ravages en Angleterre ! Nous avons d'ailleurs obtenu un certain nombre de garde-fous, notamment en limitant la vente aux occupants. Mais, en aucun cas, la vente de HLM ne peut constituer une source significative et pertinente de financement pour l'investissement, indispensable dans le secteur du logement social. Là aussi, c'est la position du rapport Dallier que j'évoquais tout à l'heure. J'ajoute que, comme ce rapport, nous sommes également très hostiles à la perspective, un temps évoquée, d'une participation en capital d'investisseurs institutionnels, comme les fonds de pension internationaux. Heureusement, ce projet semble aujourd'hui rangé dans un tiroir.

Le congrès consacre un atelier aux missions sociales des bailleurs face aux évolutions des ménages. Pourquoi ce thème ?

Il faut bien comprendre que les ménages qui entrent aujourd'hui dans le logement social ont des revenus très faibles. Dans mon organisme [Neotoa, OPH d'Ille-et-Vilaine, Ndlr], 55% des ménages entrent avec des revenus inférieurs à 40% des plafonds HLM... Cela interroge le gouvernement, qui est en charge de la solidarité, mais aussi les départements. Mais on ne peut pas demander aux organismes HLM de faire de l'accompagnement social autrement qu'en assurant l'accueil de ces ménages, autrement dit d'assurer tout l'accompagnement social. C'est valable aussi pour l'hébergement et pour un dispositif comme le Logement d'abord. Notre mission première doit rester l'accueil de ces ménages fragiles. Alors d'accord pour des expérimentations, mais à condition qu'on nous dise avec quels financements. Les loyers des locataires du parc social financent déjà la baisse des APL. Si, demain, ils doivent financer aussi leur propre accompagnement social, ça devient de la solidarité horizontale !

On a l'impression que la réforme de l'attribution des logements peine à déboucher…

Depuis dix ans, tous les gouvernements nous disent qu'il n'y aura pas de nouvelle loi sur le logement. Et, à chaque fois, il y en a une nouvelle : Alur, Égalité et citoyenneté, Elan... On empile les lois et les réformes et, après, on s'étonne que les dispositifs se complexifient et deviennent illisibles ! Sur la réforme des attributions, les organismes ont clairement la volonté de mettre en place les nouveaux mécanismes et cela se fait effectivement, avec plus ou moins de bonheur. Mais c'est très compliqué, sauf peut-être pour les grands offices. Aujourd'hui, les collectivités demandent des simplifications et la FOPH les soutient. Face à l'accumulation des lois, nous aspirons à du calme...

A l'occasion du congrès, la FOPH va signer une convention avec la Banque des Territoires sur les titres participatifs…

Cela répond à un souhait de notre part, que la Caisse des Dépôts a inscrite dans son Plan logement 2. Les sociétés anonymes de HLM peuvent bénéficier de hausses de capital significatives et justifiées, de la part de leurs actionnaires. C'est très bien, mais il était important que les autres organismes de logement social aient aussi accès à ces financements de haut de bilan. D'où notre demande de mise en place de ces prêts participatifs. J'ai fortement insisté pour que cette disposition soit inscrite dans le relevé de conclusions après la réunion avec le Premier ministre, le 15 avril dernier. Nous sommes donc très satisfaits de la signature de cet accord avec la Caisse des Dépôts, avec laquelle nous entretenons d'excellents rapports. Nous entendons veiller à ce que l'essentiel des 800 millions d'euros prévus par l'accord soient réservés aux offices publics.