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Congrès USH : plus qu'un acte III de la décentralisation, les élus veulent de la souplesse et un État régulateur

Une séance plénière du congrès de l'USH était consacrée, ce 25 septembre, au thème "Mai 2017-septembre 2019 : la politique du logement à l’épreuve des territoires". Autour de la table : des élus, experts reconnus des questions de logement, essentiellement dans les territoires denses et en tension.

Si le congrès de l'USH est avant tout le rassemblement des organismes de logement social, celui-ci ne saurait toutefois se concevoir sans les élus locaux, à la fois pilotes des opérations d'aménagement et présidents d'une bonne partie des organismes de logement social, à commencer bien sûr par les offices publics de l'habitat. L'édition 2019 du congrès consacrait donc une séance plénière au thème "Mai 2017-septembre 2019 : la politique du logement à l’épreuve des territoires". Autour de la table : des élus – représentant plutôt des territoires denses et en tension –, experts reconnus des questions de logement (*).

La réforme des APL ne passe toujours pas

Comme le montre le choix des dates, le débat a porté en premier lieu – mais pas seulement – sur un bilan à mi-parcours de l'action du gouvernement actuel en matière de logement. Pour Richard Lioger, député? (LREM) de la Moselle, le but de cette politique est "de construire mieux et plus de logements, dont du logement social, de l'hébergement d'urgence et du logement d'intermédiation". Il rappelle aussi que la philosophie générale de cette politique est d'évoluer d'un dispositif fondé aujourd'hui sur l'aide à la personne vers un système reposant sur l'aide à la pierre, même si – reconnaît-il – le passage a été un peu brusque avec la réforme des APL.

Un diagnostic pas vraiment partagé par les autres participants, chez qui la réforme des APL au début du quinquennat ne passe toujours pas. Nathalie Appéré, maire de Rennes (PS) et présidente de l'Anah, y voit même "une bombe à retardement", en ce que cette réforme instaure une pression durable sur les loyers, dégrade (via la RLS) les fonds propres des bailleurs sociaux et les conduit à revoir leurs programmes d'investissement à la baisse. L'élue espère donc, sans trop y croire, un abandon de la RLS à l'échéance de la clause de revoyure en 2022. Pour autant, explique Ian Brossat - adjoint (PCF) à la maire de Paris en charge du logement, de l’habitat durable et de l’hébergement d’urgence -, les territoires continuent d'avancer "malgré ces contraintes" et "se battent pour le logement au-delà des clivages politiques traditionnels". Il estime, lui, qu'un basculement vers les aides à la pierre serait "une très bonne chose", mais pointe le faible montant de la dotation au Fnap (Fonds national des aides à la pierre) et constate qu'à Paris, la ville met 2,5 euros dans le logement social quand l'État en met un.

Pour un État – vraiment – régulateur

Le débat s'est porté ensuite sur l'éventualité d'un acte III de la décentralisation dont la préparation a été confiée à Jacqueline Gourault et qui pourrait se traduire par "de nouveaux transferts, dans les domaines du logement, des transports, de la transition écologique". Une perspective qui ne suscite guère d'enthousiasme, mais pour des raisons qui peuvent surprendre.

Pour Nathalie Appéré, "on est parfois nous-même porteur d'ambiguïté sur la question de la décentralisation. [...] Ce serait un peu facile de dire que les collectivités locales sont vertueuses par nature. Certains territoires ne jouent pas le jeu en matière de logement. Or décentralisation ne veut pas dire laisser-faire. L'État est légitime à fixer des injonctions, comme dans la loi SRU". Olivier Klein, maire (PS) de Clichy-sous-Bois et président de l’Anru, estime aussi que "l'État doit réguler, même s'il faut toujours partir de la réalité des territoires".

Pour sa part, Ian Brossat estime que l'État ne régule pas assez. Il prend l'exemple de Paris ou environ 17% des logements n'ont pas d'utilité sociale pour les habitants (100.000 résidences secondaires occupées quelques jours par an et 30.000 logements "préemptés" par les plateformes de location touristique), sans que l'État se donne pour autant les moyens d'intervenir.

De son côté, Olivier Klein regrette que la question du foncier, qui conditionne la construction et génère une bonne part de son coût, ne soit pas davantage prise en compte. Il constate que les cessions de terrain, avec ou sans décote, de l'État et de ses établissements publics se font rares, notamment face aux réticences du ministère de la Défense. Des difficultés confirmées par Richard Lioger dans son département de la Moselle. Il faut donc que les établissements publics fonciers soient davantage à la manœuvre, mais "à un moment, il faut être coercitif".

La boîte à outils fait consensus

Pour Dominique Estrosi-Sassone, sénatrice (LR) des Alpes-Maritimes, un nouvel acte de décentralisation n'est pas nécessaire dans le logement. Elle croit en effet à la régulation de l'État, mais il faut en revanche "laisser plus de souplesse aux territoires" dans la mise en œuvre. Elle croit ainsi à l'intelligence territoriale, à la différenciation et à l'expérimentation. Cette idée de la différenciation selon les territoires fait l'unanimité chez les élus qui représentent pourtant tous des territoires très urbanisés. On avait d'ailleurs pu déjà le constater il y a peu au fil des échanges de la Conférence des villes.

Pour la concrétiser, c'est le concept de "boîte à outils" qui fait consensus. Sans surprise, avec sa casquette de présidente, Nathalie Appéré estime ainsi que les nouveaux outils de l'Anah "sont une très bonne chose" et qu'"on pourrait utilement s'en inspirer pour le logement social".

Les réponses sont en revanche moins tranchées sur la question des territoires détendus. Pour Richard Lioger, "même si les élus le réclament, il est difficile de demander à un bailleur social d'aller sur un territoire détendu. C'est plutôt au logement privé de prendre le relais". Une impression confirmée par Dominique Estrosi-Sassone. S'il est difficile aux bailleurs sociaux de monter des opérations sur ces territoires, la sénatrice des Alpes-Maritimes estime toutefois que "le fait d'avoir supprimé le PTZ dans le neuf dans les zones détendues envoie un très mauvais signal".

Et toujours le RUA...

Enfin, comme lors de la séance d'ouverture du congrès (voir notre article ci-dessous du 24 septembre 2019), le futur revenu universel d'activité (RUA) s'est invité dans le débat. Si tous les participants adhèrent à l'idée d'une simplification et d'un regroupement de prestations sociales qui amélioreraient le recours aux droits, les modalités de mise en œuvre envisagées – ou du moins susceptibles d'être envisagées, la concertation étant toujours en cours – sont très loin de faire l'unanimité. Cela vaut tout particulièrement pour l'hypothèse d'une intégration des APL dans le futur RUA.

Pour Olivier Klein, "trouver les moyens de lutter contre le non recours aux droits c'est bien, mais il faut le faire bien. Cela ne doit pas venir en soustraction". Ian Brossat est plus direct, en estimant que "chercher à améliorer le recours aux droits tout en expliquant que le RUA se fera à enveloppe budgétaire constante, ça n'a pas de sens. Car il faudrait, pour cela, baisser le montrant des prestations".

Dominique Estrosi-Sassone s'attarde plutôt sur l'intégration éventuelle des APL. Elle estime qu'en l'état, "le RUA est flou et contradictoire". Mais si les APL sont considérées comme une ressource et ne sont plus fléchées vers le logement, "on risque une explosion des impayés". Un risque confirmé par Nathalie Appéré, pour qui "la crainte, c'est une nouvelle fragilisation des bailleurs sociaux et un risque de décrochage de certains ménages, avec une hausse des expulsions".

 

(*) • Nathalie Appéré, maire (PS) de Rennes et présidente de l'Anah.
• Ian Brossat, adjoint (PCF) à la maire de Paris en charge du logement, de l’habitat durable et de l’hébergement d’urgence.
• Dominique Estrosi-Sassone, sénatrice (LR) des Alpes-Maritimes.
• Olivier Klein, maire (PS) de Clichy-sous-Bois et président de l’Anru.
• Richard Lioger, député (LREM) de la Moselle.