Congrès des maires – Le chantier cuivre à l'épreuve des interrogations des maires

Si les maires ne maîtrisent pas encore tous les enjeux du chantier du décommissionnement du cuivre, ils ont d'ores et déjà la certitude qu'ils seront en première ligne. Et plus que jamais, la résorption des problèmes de la fibre apparaît comme la condition de la réussite du chantier du cuivre.

L'Arcep, Orange et le ministre des Télécommunications, Jean-Noël Barrot, étaient venus au Congrès des maires mardi 21 novembre 2023 avec un discours bien rodé. Il est vrai que le dossier avait déjà été présenté en 2022, un webinaire de l'AMF ayant récemment détaillé les expérimentations en cours (voir notre article du 20 octobre 2023).

Toutes les communes dans le processus en 2027

Orange a présenté les enjeux de la bascule, le calendrier et l'importance de l'implication des élus sur ce dossier. Sans exception puisque "au plus tard en 2027 toutes les communes de France seront engagées dans un processus qui s'étale sur trois ans entre la sélection et l'arrêt technique du cuivre", a rappelé Olivier Fritz, directeur de l’aménagement numérique des territoires d'Orange. De son côté, Ghislain Heude, adjoint au directeur de la fibre à l'Arcep, a rappelé les grandes obligations qui s'appliquent aux communes sélectionnées : complétude des déploiements de la fibre, diversité des opérateurs commerciaux, respect de délais de prévenance et transparence d'Orange, attendu notamment sur la fourniture de données sur les lignes cuivre existantes. Le haut fonctionnaire a concédé que l'on rentrait avec les lots 1 et 2 (1,2 million de locaux concernés) "dans le dur du sujet" et que la régulation pourrait faire l'objet "d'ajustements" d'ici à 2025. Le ministre des Télécommunications est pour sa part longuement revenu sur l'accord conclu avec Orange (voir notre article du 7 novembre 2023) pour "tenir l'objectif présidentiel du très haut débit pour tous en 2025". Sur le décommissionnement, il a assuré que "l'État jouerait pleinement son rôle pour assurer une transition la plus sereine possible".

La fibre à l'épreuve des tempêtes

Si ces propos pouvaient paraître un peu abstraits aux élus peu au fait des sujets télécoms, plusieurs édiles ont rendu le sujet plus concret, notamment sur la fibre, véritable jumeau du dossier cuivre. Un maire du Finistère a ainsi évoqué les dernières tempêtes Ciaran et Domingo "qui ont mis des dizaines de poteaux par terre", privant non seulement les foyers d'électricité mais aussi d'accès à internet puisque la desserte FTTH en aérien a été largement employée dans sa commune. Et l'élu de s'interroger sur "la responsabilité de la maintenance de la fibre", sujet qui n'a pas été traité par le plan THD gouvernemental. Un autre a regretté que l'enfouissement des réseaux reste considéré comme de "l'embellissement" alors qu'il présente un enjeu de sécurité évident. Jean-Noël Barrot a convenu qu'il fallait se doter d'une "stratégie de résilience" et se "réinterroger sur les règles de déploiement et de maintenance des réseaux", une mission de son ministère étant en cours sur ce sujet..

Indicateurs de qualité

Plusieurs maires ont ensuite déploré les errements du chantier de la fibre, évoquant, pour le plus grand plaisir de l'Avicca présente dans la salle, les problèmes de sous-traitance (mode Stoc) et de qualité des réseaux FTTH qui fragilisent la migration des abonnés cuivre vers la fibre. Des maires pris à parti "directement par les habitants victimes de coupures internet" quand ils ne sont pas amenés à devoir fermer par eux-mêmes une armoire télécom ouvertes aux quatre vents comme en a témoigné Jacques Cormec, maire de Bourgheim et vice-président de la commission numérique de l'AMF. Un maire de l'Aveyron a regretté que les opérateurs d'infrastructures (OI) ne puissent pas réaliser les branchements des abonnés. La réalisation des raccordements par les opérateurs commerciaux est "un choix de l'Arcep" lui a précisé le ministre des Télécommunications tout en rappelant les mesures prises par le gouvernement pour tenter d'améliorer durablement la qualité des réseaux (partage des planning, obligation de produire un compte rendu d'intervention…). "On a progressé mais il faut aller plus vite" a-t-il concédé, évoquant de potentielles "sanctions" et "l'expérimentation du mode OI" si les indicateurs mis en place par l'Arcep ne s'améliorent pas rapidement.

Offres sociales et communication nationale

Plusieurs maires ont enfin évoqué la réticence des personnes âgées à passer à la fibre. Jean-Noël Barrot a souligné à cet égard l'engagement d'Orange à proposer une offre téléphone seul, sans augmentation tarifaire par rapport aux offres cuivre existantes, et la mise en œuvre d'offres sociales par les opérateurs. Un maire a aussi suggéré de permettre aux personnes qui le souhaitent de conserver leur vieux téléphone, l'installation d'un boîtier devant permettre de convertir le signal pour rendre compatible les deux systèmes. Une option que le ministre a promis "d'étudier". Enfin interrogé par Jacques Oberti, maire d'Ayguesvives et vice-président de la commission numérique de l'AMF, sur la mise en place d'une communication calquée sur le passage à la TNT, le ministre a fait valoir l'ouverture de www.treshautdebit.gouv.fr. Ce site fournit des informations neutres et ciblées pour les élus, les particuliers et les entreprises sur le processus de migration. La grande campagne d'information dans les médias nationaux n'est en revanche pas (encore) à l'ordre du jour.