Fibre : la persistance des problèmes de qualité et de complétude pèse sur le chantier du cuivre
La qualité des réseaux fibre et la complétude des réseaux FTTH ont occupé l'essentiel des débats des rencontres "territoires connectés" organisées par l'Arcep le 28 septembre 2023. L'autorité a annoncé travailler sur de nouveaux indicateurs de qualité. Côté complétude, les collectivités des zones AMII ne doivent en revanche pas trop compter sur des sanctions, le gouvernement travaillant sur un accord pour accélérer la couverture des EPCI les plus en retard.
"Sur la qualité de la fibre, j'aurais pu reprendre mon intervention de l'an dernier", a concédé la présidente de l'Arcep Laure de La Raudière qui a consacré une grande partie de son intervention à ce sujet toujours aussi brûlant. Car les courriers de maires se plaignant de déconnexions intempestives et autres problèmes de raccordements ne tarissent pas en dépit du plan qualité concocté il y a un an par le régulateur et le gouvernement en concertation avec la filière.
Des résultats peu visibles
Des résultats "ni visibles ni perceptibles", a déploré la présidente de l'autorité en dépit des initiatives en matière de reprise des armoires défectueuses, de formation et de traçage des interventions des techniciens. Une déception partagée par le ministre des Télécommunications Jean-Noël Barrot qui a reconnu que "le compte n'y était pas". Ses visites dans une dizaine de territoires (Essonne, Seine-et-Marne, Seine-Maritime, Bouches-du-Rhône…) lui ont cependant permis de mesurer la complexité du sujet. "On a dénombré 250 intervenants sur une même armoire à Longjumeau, ça fait beaucoup", a-t-il concédé quand Patrick Chaize, président de l'Avicca "buvait du petit lait" tant cette remarque souligne le rôle de la sous-traitance dans les désordres de la fibre, le fameux mode Stoc … L'association se bat en effet depuis des mois pour faire reconnaitre le caractère central du mode Stoc et l'existence de problèmes "observés dans tous les territoires", quand le gouvernement les estimaient limités à quelques réseaux accidentogènes. Elle a conduit le sénateur à déposer une proposition de loi (notre article du 8 mars 2018) dont Patrick Chaize s'est félicité de voir les thématiques reprises "une par une" par le ministre.
Quatre nouveaux indicateurs de qualité
Le message sur les chiffres semble avoir été entendu par le régulateur et la Fédération française des télécoms (FFtelecom). La publication des premiers chiffres en juin 2023 (notre article du 7 juin) avait en effet quelque peu fait grincer des dents cotés collectivités et industriels des réseaux en se contentant de pointer les mauvais élèves parmi les opérateurs d'infrastructure (OI) et en se cantonnant à des statistiques sur les échecs de raccordement et les taux de pannes.
Quatre nouveaux indicateurs ont été annoncés par la FFtelecom - sur la satisfaction des clients, les annulations de rendez-vous, les taux de malfaçons et les délais de rétablissement du service - en plus d'un renforcement des échanges d'informations entre OI et OC. Ils doivent encore être validés par l'Arcep mais le message est clair : les opérateurs commerciaux (OC) ont leur part de responsabilité pour les problèmes de qualité des réseaux FTTH. Si ces indicateurs vont permettre "d'avoir un thermomètre", les problèmes vont perdurer car beaucoup de chemin reste à parcourir pour généraliser les bonnes pratiques. "On tablait sur 75% de taux de recours au compte rendu d'intervention en fin d'année, on n'y est pas", a reconnu Philippe Le Grand président d'InfraNum, sans pour autant donner de chiffre exact.
Pas de sanctions pour Orange
Autre sujet de préoccupation partagé : le ralentissement des déploiements de la fibre dans les zones privées que montrent trimestre après trimestre les chiffres de l'Arcep (notre article du 13 septembre 2023). Jean-Noël Barrot a concédé que dans les zones très denses, soit les quelque 3.500 communes les plus urbaines, il s'agissait même d'un "arrêt des déploiements". Face à cette situation, il a estimé qu'il avait "deux options" :
- mettre en demeure Orange et appliquer des sanctions,
- ou discuter avec l'opérateur sur les moyens d'accélérer la couverture des zones AMII et très denses ; ces dernières étant aujourd'hui non régulées. Et sa préférence penche nettement pour la seconde option, des "discussions" étant toujours en cours avec pour objectif de traiter rapidement certains EPCI où les retards sont les plus importants. Concrètement, le "deal" sous forme de ristourne sur l'Ifer fixe sera discuté dans le cadre des débats sur le projet de loi de finances 2024 (notre article du 19 septembre 2023).
De son côté, l'Arcep n'a pas souhaité commenter les procédures en cours, lancées par des collectivités situées dans des zones AMII où l'opérateur n'a pas respecté ses "engagements" de couverture au titre de l'article L33-13 du CPCE.
Report du cuivre ?
En attendant, ces deux dossiers obscurcissent sérieusement le chantier du décommissionnement du cuivre, le mot "report" n'étant désormais plus tabou chez les élus (notre article du 6 septembre 2023). D'ici deux ans, plus d'1,1 millions de locaux (lot 1+lot 2) devraient être déconnectés du réseau ADSL. Mais les premiers retours d'expériences – le bilan pour les 6 communes du lot 1 est annoncé pour le 5 octobre 2023 – montrent de nombreuses questions à résoudre de la connexion des châteaux d'eau, aux abonnés multiples à une même adresse en passant par la (forte) réticence des entreprises à passer à la fibre (notre article du 4 juillet 2023). Si Nicolas Guérin, secrétaire général d'Orange, également président de la FFtelecom, a une fois de plus insisté sur la communication et la nécessité de subventionner le raccordement des usagers, les représentants des collectivités et des industriels ont insisté pour leur part sur la gouvernance. "Ce chantier n'est pas celui d'Orange, c'est un projet politique", ont clamé d'une seule voix les représentants de l'Avicca et d'InfraNum. Ils ont appelé à un plan "France numérique 2030" abordant la totalité des sujets numériques : fibre, cuivre, mobile, résilience des réseaux…