L'autorité de la concurrence pointe les incertitudes sur le chantier du cuivre
L'Arcep a finalisé son analyse de marché pour les réseaux haut et très haut débit. Une analyse validée par l'autorité de la concurrence malgré les nombreuses incertitudes qui pèsent encore sur la fin du cuivre.
L'Arcep a finalisé son analyse pour le marché du haut et très haut débit fixe sur la période 2024-2028 et vient de transmettre sa copie à la Commission européenne. Une feuille de route dont le principal défi sera de réussir la migration du cuivre vers la fibre sans nuire à la dynamique concurrentielle. Avant d'être envoyée à Bruxelles, cette analyse a été soumise pour avis à l'autorité de la concurrence. Daté du 5 octobre 2023, l'avis valide globalement l'approche de l'Arcep mais appelle à la plus grande vigilance sur l'accompagnement de la fin du cuivre. L'autorité de la concurrence voit même un paradoxe dans le fait que l'Arcep se projette sur cinq ans, au lieu de trois pour les précédentes analyses de marché, alors que les incertitudes sur le cuivre sont nombreuses et l'effet de certaines régulations inconnu.
Difficulté à arrêter le cuivre
Plusieurs acteurs auditionnés estiment du reste qu'Orange aura du mal à fermer techniquement le réseau cuivre dans les délais qu'il s'est fixé. Certaines "lignes techniques" – utilisées pour transmettre des données comme les bornes SOS ou certaines alarmes – pourraient en effet se révéler difficiles à fermer. L'autorité évoque aussi la résistance des clients à migrer vers la fibre telle qu'elle est ressortie des expérimentations. Elle appelle aussi à "nuancer" le postulat de substituabilité entre le haut et le très haut débit sur lequel se fonde l'Arcep. Car pour certains clients, et en particulier les entreprises, c'est en effet moins la performance de la fibre en termes de débits que la qualité des services associés qui prime.
Transparence et visibilité
L'autorité appelle ensuite à contrebalancer la grande latitude laissée à Orange sur les modalités du décommissionnement du cuivre par des obligations de transparence. Elle se fait notamment le relais des critiques sur le flou des critères retenus par Orange pour sélectionner les différents lots de communes. Elle rappelle aussi l'importance d'assurer de la prévisibilité aux concurrents d'Orange. Ceux-ci demandent par exemple à disposer d'un calendrier global intégrant, entre autres, la fermeture des nœuds de raccordements ADSL. Elle relativise également le bilan des expérimentations, l'accompagnement spécifique mis en place dans les six communes concernées ne pouvant être généralisé. D'une façon générale, l'autorité invite l'Arcep à "intervenir lorsque les choix ou l'application de critères suivis par l'opérateur ne garantissent pas les conditions de la dynamique concurrentielle".
Obligations de complétude en question
En matière d'achèvement de la couverture FTTH, l'autorité valide les obligations imposées à Orange sur son génie civil pour faciliter les déploiements de ses concurrents. Elle est en revanche plus réservée sur le souhait de l'Arcep d'assouplir les obligations de complétude FTTH, l'un des critères préalables à l'arrêt du cuivre dans une commune. La mobilisation de toutes les exceptions envisagées à la complétude pourrait en effet selon elle "conduire potentiellement à maintenir en service des lignes cuivre de manière durable". Elle relève aussi que la notion même de complétude dépend des bases de données utilisées, or celles-ci montreraient des lacunes, notamment sur les entreprises. Enfin, l'autorité de la concurrence relaie les craintes des acteurs sur les alternatives proposées à ceux n'ayant pu migrer vers la fibre dans les délais. Outre des caractéristiques loin d'être équivalentes à la fibre, les technologies hertziennes pourraient se révéler difficiles à mettre en œuvre dans des zones protégées ou pour des entreprises. L'autorité recommande en tout état de cause que "l'utilisation de solutions techniques alternatives ne pénalise pas les opérateurs susceptibles de rencontrer des difficultés à y recourir".