Fin du cuivre : la collaboration de l’ensemble des maires loin d'être acquise

Les élus locaux sont régulièrement cités comme "incontournables" dans la réussite du plan de décommissionnement du cuivre. Leur implication n’est cependant pas acquise, d’autant que les premiers tests révèlent de nombreux problèmes aujourd’hui non résolus.

Si le cadre général du décommissionnement du cuivre est désormais fixé dans ses grandes lignes, les travaux pratiques initiés par l’opérateur historique montrent que le plus dur est à venir. C'est ce qu’il ressort du bilan des premières expérimentations présenté par Orange lors de l’université THD de Toulouse qui s'est tenue du 5 au 6 octobre 2022 à Toulouse (notre article du 6 octobre 2022). Après un test mené à Lévis-Saint-Nom (78), l’opérateur a entrepris d’arrêter totalement le réseau cuivre dans 6 communes test en 2022 : Issancourt-et-Rumel, Vivier-au-Court, Vrigne-aux-Bois, Gernelle dans les Ardennes, Provin dans le Nord et Voisins-le-Bretonneux dans les Yvelines. "Des communes choisies pour la diversité de leurs configurations : rural diffus, urbain dense, avec des entreprises, différents opérateurs d’infrastructures…", a expliqué Muriel Germa, directrice du pilotage infrastructure cuivre chez Orange. Leur seul point commun : disposer d’une couverture complète en fibre et d’un niveau élevé de foyers raccordés.

Adresse des abonnés cuivre

Un taux élevé d’abonnés FTTH… mais encore loin des 100% ! Or dépasser le seuil des 90% s’avère difficile et plus long qu’espéré alors que le schéma général validé par l’Arcep prévoit un calendrier précis à respecter. "Quelques mois pour décider d’un nouvel abonnement c’est long pour un particulier et il va se décider au dernier moment, c’est peu pour un opérateur d’infrastructures", commente-t-elle. Autre difficulté, identifiée par le syndicat mixte du Nord Pas-de-Calais, l’impossibilité de connaitre les coordonnées des personnes abonnées à des solutions cuivre qu’il faudrait contacter – dans l’idéal – une par une. "Nous avons pu avoir accès à ce type d’information lors du passage à la TNT, il faudrait le mettre en place pour ce nouveau chantier", suggère son directeur Fabrice Douez. Quant aux copropriétés qui refusent de signer les conventions pour amener la fibre ou la faire passer en façade, les moyens de pression manquent pour leur faire changer d’avis.

Communication de l'Etat indispensable

A qui reviendra-t-il ensuite de faire du porte à porte ? Pour Orange, le premier interlocuteur des habitants est l’opérateur qui fournit le service. Mais quid du dernier carré de récalcitrants ? C’est là que les élus sont sollicités. "A Provin il y a eu des réunions de quartier, les élus étaient très impliqués mais il ne faut pas s’attendre à ce que cela se reproduise partout, cela se passe 'trop' bien à Provin si je puis dire", tempère Fabrice Douez. Certains élus pourraient même ne pas souhaiter s’impliquer du tout sur un projet qui n’est dans le fond pas le leur. Premier signal, deux maires (sur 181) ont refusé de faire partie du premier lot de communes à tester l’industrialisation de l'arrêt du cuivre en 2023… Pour faciliter cette communication de proximité, Orange est en train de préparer un kit comprenant un article à personnaliser et des affiches à coller. La "Marianne" de l’Etat devrait y figurer pour détromper les usagers sur l’idée qu’il s’agirait d’une démarche commerciale. Mais est-ce que cela suffira-t-il ? Pas certain. Les associations d’élus s’apprêtent à remettre des propositions pour que soit mise en place une campagne nationale d’information portée par l’Etat "avec des spots à la télévision", comme cela s’est produit pour le passage à la TNT.

Traiter les cas particuliers

Pour s’impliquer, les élus vont aussi avoir besoin d’être rassurés sur les nombreux problèmes techniques que révèlent les expérimentations, à commencer par le caractère "jumeau" de la qualité de la fibre et du décommissionnement du cuivre. Le maire de Venerque, Michel Courtade s’est plaint de la stabilité du réseau fibre et de raccordements effectués à la va-vite "par des techniciens pas formés à hauteur de la tâche". Il s’est aussi inquiété pour les habitants qui n’utilisent que le téléphone et n’ont pas envie de payer le prix d’un abonnement triple play (1). Les abonnements à la fibre sont par ailleurs fondés sur une notion de foyer et d’adresse. Or un cabinet médical ou un Ephad fonctionnaient jusqu’à présent avec autant de lignes que de médecins ou de résidents. Il va falloir que ces établissements partagent la connexion et qu’un réseau interne soit installé, ce qui a un coût et demande du temps. Autre exemple, des équipements techniques, et notamment les alarmes, fonctionnant avec le cuivre… sans nécessiter d’être reliées au réseau électrique.

Si tous les problèmes trouveront à n’en pas en douter des solutions – ils sont la raison même de ces expérimentations – il y a urgence à en faire l’inventaire. Quant au coût de remédiation, les élus auront du mal à expliquer qu’il est à la charge d’habitants qui n’ont rien demandé…

(1) Offre grâce à laquelle les abonnées peuvent bénéficier à la fois d'un accès à l'internet haut débit, de la téléphonie fixe illimitée et de la télévision numérique