Fin du cuivre : l’Arcep propose des dérogations au 100% fibre

L’Autorité de régulation des communications électroniques a mis en consultation publique sa stratégie de régulation des réseaux fixes pour les cinq ans à venir. Parmi les sujets intéressant les collectivités, la stratégie de l’Arcep pour améliorer la qualité des réseaux et les conditions préalables à la dépose du cuivre.

Comme tous les cinq ans, l’Autorité de régulation met à jour les critères et lignes directrices de sa politique de régulation des réseaux fixes. Des éléments qui sont soumis pour avis aux acteurs du marché, avec une consultation publique ouverte jusqu’au 28 septembre 2022, avant d’entrer en application pour la période 2023-2028.

La fibre n’a pas favorisé la concurrence

Commençant par un bilan, l’Arcep constate la forte augmentation du nombre de locaux raccordés à la fibre, principal enjeu du cycle écoulé. On comptait fin 2021 29,7 millions de locaux raccordables à la fibre soit environ 70% du nombre de locaux à raccorder et le nombre d’abonnés à la fibre dépasse désormais celui des détenteurs d’un abonnement ADSL. L’arrivée de la fibre n’a cependant pas bouleversé l’équilibre du marché, contrairement à ce qu’il était espéré. "Les parts de marché des quatre principaux opérateurs ne sont pas significativement remises en cause par la migration des accès des utilisateurs finals du cuivre vers la fibre", constate l’Arcep. Le marché professionnel reste par ailleurs dominé par Orange qui équipe plus de la moitié des entreprises, une situation jugée "insatisfaisante" même si le régulateur discerne des "évolutions encourageantes" sur "certains segments spécifiques".

La qualité de service comme fil conducteur

Pour le nouveau cycle de régulation, l’Arcep entend "accompagner la bascule des utilisateurs du réseau en cuivre vers la fibre en assurant une bonne qualité de chacun des réseaux". Le régulateur fait ainsi de la qualité de service le fil conducteur de sa stratégie de régulation, et promet de veiller au maintien d’une qualité de service "suffisante" sur le cuivre jusqu’au bout. Il interroge à cet effet les acteurs sur la pertinence des critères de qualité actuels imposés à Orange sur le cuivre. Il s’agit ensuite de permettre à la fibre de devenir "l’infrastructure de référence" avec un niveau de "résilience" au moins aussi élevé que le cuivre sachant que contrairement à cette dernière technologie, la fibre a besoin de l’électricité pour fonctionner. Une notion de résilience qu’il convient de définir par des critères précis, objet d’une série de questions de l’autorité.

Engagements contractuels de qualité

La qualité des raccordements à la fibre sera ensuite déterminante pour convaincre les usagers du cuivre de basculer vers le FTTH. L’Arcep n’a cependant pas la vision catastrophiste de l’Avicca et reste confiante dans les mesures qu’elle a mises en place ces derniers mois en concertation avec la filière télécoms : formation des intervenants, compte rendu d’intervention systématique et partagé, remise en état des infrastructures les plus dégradées, suivi mensuel via des indicateurs de qualité… Elle propose peu de mesures nouvelles en dehors de "l’inclusion dans les offres d’accès d’engagements contractuels de qualité de service avec un mécanisme de pénalité associé". Des propositions qui ne manqueront pas de faire réagir l’Avicca. Déçue par la régulation actuelle, l’association de collectivités défend désormais une modification de la législation pour faire peser de lourdes sanctions sur les opérateurs responsables des désordres dans les raccordements (notre article du 11 juillet 2022).

Dérogations au 100% fibre

Autre point d’attention, les critères autorisant l’arrêt progressif du réseau cuivre sur une zone déterminée. L’Arcep ouvre en effet la porte à des dérogations au principe d’une desserte de la totalité des locaux à la fibre comme préalable au lancement du chantier de décommissionnement du cuivre. Le régulateur propose de permettre un démarrage des travaux dans des communes où subsisteraient des "situations particulières" telles que des refus de raccordement de particuliers ou de copropriétés, des locaux "particulièrement isolés" ou encore des locaux n’étant ni une habitation, ni un local professionnel où des technologies alternatives pourraient être plus adaptées… Combien de locaux pourraient être concernés ? Quelle serait la marge tolérable : 98%, 99% ou 99 virgule quelque chose ? L’Arcep se garde d’avancer un chiffre mais il ne fait pas de doute que le sujet sera scruté de près par des collectivités. Celles-ci craignent que les opérateurs ne s’engouffrent dans la brèche pour ne pas "finir le travail", notamment dans les zones très denses où les retards s’accumulent. On notera aussi que l’Arcep s’interroge sur la pertinence de la maille communale et du quartier – défendue par les élus locaux - pour piloter l’arrêt du cuivre, notamment par rapport à celle de l’adresse. De même l’autorité interroge sur l’opportunité de "prioriser les NRA zone d’ombre" – près de 5.000 répartiteurs ADS ont été financés par les collectivités pour améliorer l’ADSL au début des années 2000 – dans les secteurs entamant la bascule vers la fibre.

Les données de la bascule

Enfin on notera les questions de l’Arcep sur le partage des données nécessaires à la transition du cuivre vers la fibre. Ce sujet dépasse celui de l’adressage, préalable à la desserte des communes rurales et traité par la mise en œuvre des bases adresses locales. Il s’agit en effet d’améliorer la fiabilité des fichiers échangés entre les opérateurs pour le suivi de l’éligibilité des locaux au FTTH et d’affiner les informations disponibles sur les technologies alternatives localement. L’enjeu est également de mettre en place des échanges de données entre Orange et les autres acteurs (dont les collectivités) pour permettre un suivi du chantier du décommissionnement.