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Congrès des maires - David Lisnard incrimine les "entraves" administratives et financières

Le "débat d'orientation générale" du 104e Congrès des maires a donné l'occasion ce 22 novembre au président de l'AMF, David Lisnard, de décrire les fortes tensions auxquelles sont aujourd'hui soumis les élus locaux, entre le "devoir d'agir" face à de multiples "défis" et les "blocages" qui s'imposent à eux. Il fustige une complexification de l'action publique et, tout en reconnaissant certaines avancées, juge toujours insuffisants les moyens financiers que le gouvernement prévoit pour les collectivités.

Beaucoup de choses avaient déjà été dites et entendues à la porte de Versailles lorsque a démarré ce 22 novembre après-midi la traditionnelle "séance d'ouverture" du 104e Congrès des maires et son "débat d'orientation générale". Dans la matinée, on avait en effet parlé transition écologique, finances, école, transports, sécurité… (voir ci-dessous nos autres articles de ce jour). Sans oublier les échanges de la veille lors de la journée dédiée à l'Outre-mer. David Lisnard, dont c'était le premier congrès en tant que président de l'Association des maires de France (AMF), ainsi que les deux ministres en charge des collectivités, s'étaient en outre déjà pas mal exprimés dans les médias. Les prises de parole du maire de Cannes et celle de l'éternel premier vice-président délégué de l'association, André Laignel, étaient toutefois importantes pour les centaines de maires réunis dans le grand auditorium. Ce sont forcément elles qui donnent la tonalité de chacun de ces grands rendez-vous annuels. Qui disent, notamment, ce que l'AMF attend de l'exécutif. A ce titre, en ce début du deuxième quinquennat Macron, cette édition ne fera pas exception à la réputation de l'association : la tonalité est combative. Et ce, même si David Lisnard reconnaît aisément la qualité des échanges avec le gouvernement, notamment avec Elisabeth Borne. Reconnaît, aussi, que ces échanges ont déjà permis "des avancées" sur plusieurs dossiers.

"Montée des contraintes" et "injonctions contradictoires"

"Jamais nous n'avons eu autant le devoir d'agir, et dans le même temps, notre capacité à agir est mise à mal." Telle est, pour David Lisnard, la grande tension à laquelle sont actuellement soumis les maires. Un devoir d'agir porté, a-t-il énuméré, par de multiples "défis" : défi écologique et climatique, numérique, démographique, sécuritaire… Défi de la "qualité de vie" aussi. Et puis celui d'une "crise civique majeure" se traduisant entre autres par l'abstention ou des votes coup de gueule (l'enquête Cevipof présentée ce mardi après-midi en fait largement état – voir notre article). Face à tout cela, "nous agissons tous les jours, dans l'urgence", en "gérant des légitimités contradictoires", dit David Lisnard, pour qui le travail du maire est avant tout "une fonction exécutive, une fonction de management". Sauf que ce travail est de plus ou plus "entravé", assure celui qui, depuis un an, a rencontré plus de 5.200 maires un peu partout en France. Des rencontres de terrain lui ayant donné à voir "l'exaspération des élus devant la montée des contraintes" et des "blocages".

Il y a, d'une part, "de plus en plus d'entraves juridico-administratives", poursuit l'élu, évoquant "une forme de tutélisation". "Je suis pour un Etat fort, mais un Etat qui contrôle a posteriori, au lieu d'entraver a priori", avait déclaré quelques heures plus tôt à la presse David Lisnard qui, comme bien d'autres à l'AMF, prône une "révolution copernicienne" afin de fonder la décision publique sur le fameux principe de "subsidiarité". Certes, la loi 3DS est venue introduire un "droit à la différenciation", à l'expérimentation… mais en exigeant pour cela "des autorisations supplémentaires" ! Tout comme aujourd'hui, les assouplissements que le gouvernement se dit prêt à apporter sur le ZAN risquent au final de générer "tellement de dérogations et de cliquets que cela va créer un véritable maquis, une usine à gaz". Selon David Lisnard, les "chocs" de simplification vantés par les gouvernements successifs sont plutôt des "flops" : "Jamais nous n'avons eu autant de procédures, de textes réglementaires et législatifs", affirme-t-il. On peut y voir l'une des causes du "découragement" évoqué par certains maires ayant pris la parole depuis la salle, dont ce jeune maire du Morbihan faisant savoir que dans son département, pas moins de 600 élus (maires, adjoints, conseillers municipaux) ont démissionné depuis le début de l'actuel mandat, entre autres du fait de "la complexité juridique et réglementaire". "Nous arrivons aux limites du pouvoir d'agir", tranche pour sa part André Laignel. "Aujourd'hui, les services de l'Etat eux-mêmes se contredisent parfois entre eux", constate David Lisnard, qui invite les maires à "faire remonter" à l'AMF "les cas d'injonctions contradictoires" qu'ils rencontrent afin que l'association fasse "des propositions de simplifications".

DGF : les bons calculs...

Sans surprise, l'autre contrainte forte est celle des moyens financiers dont la crise énergétique a précipité l'affaissement. Or "l'enjeu majeur des prochaines années est bien de préserver la capacité d'autofinancement des collectivités", souligne David Lisnard. On connaît les griefs de l'AMF sur l'actuel projet de loi de finances : la suppression de la CVAE ("Après la taxe d'habitation, encore un cadeau fiscal fait avec les impôts des autres", s'indigne André Laignel), les "contrats de confiance" (même si les discussions seraient plutôt bien engagées pour faire en sorte que le dispositif ne soit pas assorti de sanctions), la non-indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l'inflation…

David Lisnard est largement revenu sur cette question de la DGF, qui a donné lieu ces derniers jours, par médias interposés, à une escarmouche avec la ministre Caroline Cayeux. N'hésitant pas à qualifier de nouveau d'"esbrouffe communicationnelle" le fait pour le gouvernement de présenter la hausse de 320 millions d'euros de la DGF comme un effort historique en faveur des collectivités, le président de l'AMF a tenu à chiffrer les choses. En retenant une inflation de 4,2%, "la DGF aurait dû augmenter de 800 millions d'euros". 320 millions d'euros, cela représente une hausse de 1,47%. Il manquerait donc 500 millions d'euros pour assurer une stabilité de la DGF "en euros constants". "Ces cinq dernières années, certes la DGF n'augmentait pas, mais nous avions une inflation à 1% ; on ne perdait donc que 1% de DGF par an. Aujourd'hui, nous allons perdre bien davantage", a complété André Laignel. Et David Lisnard de souligner que "les dotations ne sont pas un don, une aide, mais un dû". Applaudissements dans la salle. "On arrive au bout du bout" a témoigné, depuis la salle, le maire d'une petite commune : "Ceux qui, comme nous, n'ont pas de recettes annexes, n'ont que la DGF et la fiscalité… On ne peut plus investir, ne serait-ce que pour refaire la chaussée. Cette DGF, il faut la réformer."

Travaux en cours

Certes, sur ce terrain financier aussi, il y a bien des "avancées". David Lisnard a notamment mentionné le "moratoire" accepté par le gouvernement sur l'actualisation des valeurs locatives des locaux professionnels ("Nous allons maintenant expertiser les critères avec Bercy", a-t-il indiqué), la "rallonge" sur la dotation de solidarité rurale (DSR), ainsi que les divers dispositifs destinés à aider certaines collectivités face à la hausse de leurs dépenses : le "filet de sécurité" (même si la complexité des critères en a fait "une épuisette à mailles très larges" dont ne profiterait au final qu'un faible nombre de communes, selon les termes d'André Laignel), l'"amortisseur électricité" (qui serait "en cours de finalisation")… Et puis il y a le fonds vert, dont l'AMF "salue l'esprit" et les grandes lignes du mode d'emploi. Sur ce fonds, André Laignel a toutefois tenu à souligner l'origine des 500 millions d'euros supplémentaires annoncés le mois dernier pour atteindre les 2 milliards d'euros, y voyant un "jeu de bonneteau" : "Cette somme est ponctionnée sur l'argent que l'Etat a déjà touché pour la CVAE qui aurait dû nous revenir en 2023."

C'est Elisabeth Borne qui viendra jeudi en fin de journée assurer la clôture du congrès, Emmanuel Macron étant pour sa part uniquement attendu ce mercredi après-midi pour une "déambulation" sur la partie salon, avant de recevoir un millier de maires à l'Elysée. Au-delà du rappel des divers engagements déjà pris (tels que le fonds vert donc, ou la deuxième phase d'Action cœur de ville par exemple), ce pourra être pour la Première ministre l'occasion d'acter l'issue de certaines des discussions en cours avec les élus (ZAN, contrat de confiance…). Reste à savoir dans quelle mesure elle pourrait annoncer un geste supplémentaire, notamment sur les dotations, pour matérialiser la "nouvelle méthode" de travail avec les représentants des collectivités prônée par son gouvernement. En sachant que d'ici là, d'autres séquences du congrès auront donné matière à l'expression d'attentes fortes des élus sur des enjeux aussi divers que l'intercommunalité, la ruralité, l'accès aux soins, la gestion des risques ou le logement...