Congrès des maires - Inflation : les budgets des communes et intercommunalités sous pression
Avec la hausse des coûts liés à l'énergie et aux rémunérations des agents, la préparation des budgets 2023 s'annonce délicate, particulièrement pour les communes. Selon plusieurs études qui ont été présentées à la presse ce 22 novembre, dans le cadre du 104e Congrès des maires de France, leurs marges de manoeuvre se réduisent. Les élus locaux sont nombreux à envisager une remise en cause des projets d'investissement.
"Les finances locales seront un sujet central" de ce 104e Congrès des maires de France qui se tient du 22 au 24 novembre à la porte de Versailles à Paris. La remarque émane d'André Laignel, premier vice-président de l'Association des maires de France (AMF) et président du Comité des finances locales (CFL). Avec les co-présidents de la commission Finances et Fiscalité de l'AMF, Pierre Breteau et Antoine Homé, l'élu brossait ce 22 novembre, devant la presse, un état des lieux assez sombre des finances locales en cette fin d'année 2022, notamment à la lumière de quatre études inédites réalisées avec le concours de l'AMF, de la Banque postale, de la Banque des Territoires et de l'Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL).
Dans tous les esprits : l'accélération des dépenses de fonctionnement des communes et de leurs groupements. En 2022, celles-ci devraient être deux fois plus élevées qu'en 2021, une année où elles avaient déjà été dynamiques (+ 2,7%). Elles sont évidemment tirées vers le haut par l'explosion des prix de l'énergie. Un poste non négligeable, puisqu'il s'est élevé à 3,7 milliards d'euros en 2021. Les communes étant les plus concernées : elles ont consacré l'an dernier 3 milliards d'euros aux dépenses d'énergie "directes" (soit 4,2% de leurs dépenses de fonctionnement), tandis que les intercommunalités ont dû engager 0,7 milliard d'euros (1,8% de leurs dépenses de fonctionnement) pour cette charge. Les communes sont donc les plus affectées par la flambée des prix de l'énergie. Selon l'OFGL, une hausse de 10% de ce poste équivaut à une perte "toutes choses égales par ailleurs" de 4,3% sur l'épargne nette des communes, c'est-à-dire la part de la section de fonctionnement que celles-ci utilisent pour financer leurs investissements. L'impact d'une telle évolution sur l'épargne nette des intercommunalités est dans l'ensemble plus limité (+ 1,6%).
Inflation plus soutenue pour les communes
La hausse du point d'indice de la fonction publique, de 3,5% à compter du 1er juillet 2022, pèse également sur les budgets des communes et de leurs groupements. Pour cause : ce poste représente en moyenne pas moins de 45% du budget de fonctionnement des communes. Sur une année complète, la facture s'élèvera à 1,2 milliard d'euros pour le bloc local.
Dépenses énergétiques, masse salariale, mais aussi denrées alimentaires, matières premières... la composition du "panier du maire" rend les communes vulnérables à l'inflation. Particulièrement dans le contexte actuel. À fin septembre 2022, l'indice de prix des dépenses communales calculé par la Banque postale croît de 7,2% sur un an. Soit une progression de 2,7 points de plus que celle qu'enregistre l'indice des prix à la consommation hors tabac, établi par l'Insee. Aucune commune n'échappe à la flambée des prix. Mais certaines sont plus touchées. La Banque postale identifie les communes de moins de 3.500 habitants. Au troisième trimestre 2022, l'indice pourrait augmenter de 8,3% sur un an pour celles-ci. Au sein de cette strate, les communes qui ne bénéficient pas des tarifs réglementés de vente d'électricité, sont les plus touchées. La pression est moins forte pour les communes de plus de 30.000 habitants, puisqu'elles enregistrent, à fin septembre 2022, une hausse des prix de 6,5% sur un an.
Vote du budget : échéance reportée
Le filet de sécurité pour 2022 mis en place par la loi de finances rectificative d'août 2022, le bouclier tarifaire, le filet de sécurité prévu par la loi de finances pour 2023 et les "amortisseurs électricité" vont, certes, soulager les budgets des communes et de leurs groupements. Mais pour certains maires, le compte n'y est toujours pas. Comme pour Antoine Homé, maire de Wittenheim, pour qui il est urgent que l'ensemble des communes reviennent à des tarifs régulés du gaz et de l'électricité. La revalorisation des valeurs locatives à partir desquelles sont calculés les impôts directs locaux, qui devraient croître d'environ 7% en 2023, apporterait aussi une bouffée d'oxygène. Mais son impact sera plus fort pour les communes ayant une part importante de recettes fiscales dans leur budget. D'autres communes voient leur budget dépendre davantage de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Pour l'AMF, il ne faut pas les oublier: l'association réclame donc l'indexation des dotations sur l'inflation.
Face à la tempête qui s'abat sur les finances locales, les quelque 25% de communes qui avaient pour habitude de voter leur budget au mois de décembre, auraient décidé de reporter l'exercice à la fin de l'hiver ou au début du printemps prochain. Histoire d'y voir plus clair sur l'impact de l'inflation et sur les mesures que le Parlement votera en décembre pour atténuer le choc.
L'investissement menacé
Sans attendre, les communes passent au peigne fin leurs dépenses de fonctionnement, à l'affût des économies possibles. Elles vont aussi réduire leurs dépenses énergétiques, grâce à des mesures de sobriété. Mais pour André Laignel, il reste "peu" de postes où de telles économies peuvent encore être faites et les moindres dépenses ne compenseront pas la hausse des coûts de l'énergie.
Dans tous les cas, les communes s'attendent à faire des choix budgétaires douloureux. L'AMF a mené une enquête sur le sujet auprès de plus de 4.800 communes représentant 11,3 millions d'habitants. 56% envisagent d'augmenter les tarifs des services publics l'an prochain. Elles sont encore plus nombreuses (62%) à déclarer qu'elles vont réduire leur offre de services publics. Une perspective qui ne va pas de soi, car une partie de la population pourrait critiquer de tels choix et le faire savoir, analyse Antoine Homé. Les communes ont un autre levier à leur disposition : le relèvement des taux de fiscalité. Selon le Cevipof, qui vient d'interroger en ligne plus de 3.600 maires, pour le compte de l'AMF, une commune sur cinq envisage d'y avoir recours en 2023.
Reste une variable d'ajustement : l'investissement. Les communes n'hésiteront pas à s'en saisir. D'après l'enquête de l'AMF, 71% d'entre elles déclarent qu'elles réduiront l'an prochain leurs dépenses dans ce domaine. Pour Antoine Homé, une telle perspective serait "dramatique" pour l'économie : les 38,3 milliards d'euros d'investissements engagés par le bloc local en 2021 ont représenté un tiers du total de l'investissement public. Pour l'AMF, une telle situation devrait conduire le gouvernement à soutenir l'autofinancement des collectivités, par exemple au moyen d'une hausse de la DGF au moins égale à l'inflation. L'association rappellera ses revendications lors du débat sur les finances locales qui se tiendra dans la matinée du 24 novembre.