Congrès des maires - Les élus locaux toujours en quête d'un dialogue avec l'Éducation nationale
Bâti scolaire et intervenants dépendant des collectivités étaient les sujets au menu du forum du Congrès des maires 2022 consacré à l'organisation de l'école. Ce cadre a été vite débordé par des élus soucieux de créer un dialogue plus équilibré avec l'institution scolaire.
Intituler un forum consacré à l'éducation "l’organisation de l’école : à la croisée des chemins" constituait un risque de lancer les intervenants sur des pistes éloignées les unes des autres. L'écueil n'a pas tout à fait été évité, mardi 22 novembre 2022, lors de la première journée du Congrès des maires, à Paris.
En introduisant le débat, Delphine Labails, maire de Périgueux et coprésidente de la commission de l'éducation de l'Association des maires de France (AMF), avait pourtant posé le cadre : on parlerait d'abord du bâti scolaire puis des différents intervenants dans l'école qui dépendent en totalité ou en partie des collectivités (agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles et accompagnants d'élèves en situation de handicap). Deux thématiques qui, selon Frédéric Leturque, maire d'Arras et coprésident de la commission de l'éducation de l'AMF, ont le mérite de poser le principe du "continuum éducatif" auquel les élus locaux sont attachés.
Des aides au bâti insuffisantes
Du bâti scolaire - dont Emmanuel Macron a annoncé la semaine dernière vouloir "accélérer la rénovation thermique" (notre article du 18 novembre 2022) - il fut bien question dans les premières interventions. Marielle Alary, maire du Vignon-en-Quercy (Lot), s'est inquiétée de la charge que constitue l'entretien du bâti et a déploré que les aides de la DETR (dotation d'équipement des territoires ruraux) ne permettent de financer qu'un projet par an et que le choix "ne se porte pas toujours sur l'école".
Maire de Saint-Philippe, à la Réunion, Olivier Rivière, a surenchéri : les moyens financiers sont insuffisants pour faire face aux retards en matière de rénovation énergétique et à la vétusté des écoles. Pour lui, "les dispositifs d'aides se mettent en place au gré des majorités et des crédits fléchés peuvent disparaître".
Cécile Rilhac, députée du Val-d'Oise, a plaidé en faveur d'une "salle de plus" dans la conception des écoles de façon à multiplier les opportunités d'accueillir des intervenants extérieurs, notamment des professionnels du secteur médicosocial qui interviennent auprès d'élèves en situation de handicap.
Plaidoyer pour un dialogue
Le maire de Lyon a souligné un autre aspect lié au bâti : les difficultés posées par le dédoublement des classes et la façon dont cette obligation a amené sa ville à concevoir les classes de façon plus modulaire. Mais Grégory Doucet a très vite élargi le débat : végétalisation des cours de récréation, travail sur les abords des écoles. Les vannes étaient ouvertes…
La discussion s'est alors transformée en un plaidoyer pour plus de dialogue entre élus locaux et Éducation nationale. Les équipements numériques se sont vite invités dans le débat. Ici on se demande qui doit financer les équipements numériques des directeurs d'école. Là, on témoigne que cette dépense a été prise en charge par la commune… même si ce n'est pas son rôle. Ici encore, on raconte comment des tablettes sont restées dans un placard faute de formation des enseignants. Là encore, on répond que quand de tels outils arrivent dans une école, il faut non seulement former les enseignants, mais également les élèves et leurs familles.
Puis sont entrés dans le débat la question des transports, celle des regroupements intercommunaux pédagogiques, le déficit d'AESH et leur financement par les collectivités, etc. Une élue est alors intervenue dans la salle pour rappeler le cadre et témoigner de son besoin de solutions : "Quand on est à la croisée des chemins, il faut aller dans une direction. Aujourd'hui, nous sommes multidirectionnels." Avant d'énoncer ce qu'une grande partie du public pensait tout bas : "Le partenariat avec l'Éducation national doit être réel." Une élue des Landes a enfoncé le clou, suscitant de vifs applaudissements : "Les relations avec l'Éducation nationale, c'est souvent : 'Nous avons besoin de…' C'est toujours plus !"
Revoir le statut juridique des écoles ?
Il revenait à Pap Ndiaye, ministre de l'Éducation nationale, de répondre à ces interrogations. Il l'a fait avec sérieux, assurant qu'il avait "pris bonne note" et que l'on pouvait "progresser" sur les différents points évoqués. Mais sans rassurer tout à fait. Pour lui, les communes sont bien "des partenaires de l'Éducation nationale" et il est hors de question d'en faire "des opératrices des instructions du ministère". Toutefois, d'un point de vue opérationnel, il s'en est surtout remis aux dispositifs en place actuellement : les quelque 1.470 concertations locales lancées à ce jour dans le cadre du volet éducation du Conseil national de la refondation, les cités éducatives, qui "fonctionnent bien" pour faire vivre les projets périscolaires notamment, ou encore l'évaluation à venir de l'expérimentation Territoires éducatifs numériques. Il a enfin rappelé qu'il venait de mettre en place une instance nationale de concertation entre ses services et les collectivités.
Ces réponses suffiront-elles à permettre aux acteurs de la communauté éducative, élus locaux en tête, de choisir le bon chemin ? L'avenir le dira. Il dira également si un nouveau chemin va s'ouvrir devant eux. Déjà à l'origine d'une loi sur les directeurs d'école, la parlementaire Cécile Rilhac a en effet jeté un petit caillou à terre en glissant que le statut juridique des écoles primaires devrait faire l'objet d'une réflexion. Une piste à suivre pour que la coopération entre l'Éducation nationale et les élus locaux change de dimension ?...