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Caroline Cayeux : "Une nouvelle méthode de travail au service des collectivités"

Pour Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales, le 104e Congrès des maires qui s'ouvre ce 22 novembre sera "un moment important d'échange" avec les maires. Celle qui fut auparavant maire de Beauvais, présidente de Villes de France et présidente de l'Agence nationale de la cohésion des territoires, entend faire valoir la volonté de dialogue du gouvernement avec les élus locaux et les moyens financiers mis à disposition des collectivités. Avec la transition écologique pour fil rouge, notamment à travers le "Fonds vert". Dans un entretien à Localtis, elle revient en outre sur les programmes Action cœur de ville et Petites villes de demain.

Localtis – Vous participerez pour la première fois au Congrès des maires en tant que membre du gouvernement. Comment appréhendez-vous ce grand rendez-vous du monde local ?

Je pourrais presque dire que le Congrès des maires, c'est toute l'année dans mon ministère ! Ceci dans la mesure où je reçois et consulte les élus très régulièrement, où je me déplace beaucoup sur le terrain… En tout cas, ce rendez-vous représente un moment important d'échanges, d'écoute des initiatives des maires, de remontées de terrain qui se doivent d'être entendues. Et de mon côté, il s'agit évidemment de défendre l'action du gouvernement et de faire connaître l'étendue des mesures dont les élus peuvent d'ores et déjà bénéficier.

La plupart des associations d'élus locaux reconnaissent une nouvelle qualité de dialogue avec le gouvernement. Comment celle-ci se concrétise-t-elle selon vous ?

Je me réjouis que les associations d'élus perçoivent cette volonté de dialogue renouvelé, fondé sur une nouvelle méthode de travail souhaitée par la Première ministre. En sachant que Christophe Béchu comme moi-même pouvons pour cela nous appuyer sur notre passé d'élu local. Cette méthode s'est très vite traduite concrètement par plusieurs mesures, y compris sur le plan financier, dans un premier temps dans le cadre du "budget d'urgence" [la loi de finances rectificative pour 2022 d'août dernier], puis dans le cadre du projet de loi de finances.

S'agissant du projet de loi de finances, on connaît les principaux points de tension : la suppression de la CVAE, la non-indexation de la dotation globale de fonctionnement sur l'inflation… et la réintroduction du dispositif de maîtrise des dépenses locales, dit "contrat de confiance". Les modalités de mise en œuvre de ce contrat sont-elles susceptibles d'évoluer ?

Je suis consciente du fait que l'introduction du pacte de confiance dans le projet de loi de finances a suscité des réactions. Nous avons besoin d’une trajectoire avec des objectifs pour l’ensemble des administrations publiques et notamment pour les administrations publiques locales. Le mécanisme a donc été introduit dans la loi de finances, en indiquant qu’il pourrait évoluer en fonction des échanges avec les associations d’élus et des débats au Sénat.

Le gouvernement fait par ailleurs valoir une série de moyens supplémentaires pour les collectivités, dont une nouveauté, le fameux "fonds vert". Que peut-on dire aujourd'hui du fonctionnement de ce fonds, qui fait encore l'objet de certaines interrogations ?

Ce fonds inédit de 2 milliards d'euros annoncé par la Première ministre a pour but d'accompagner les collectivités dans leur projet écologique (1). C'est un fonds qui est déconcentré, proche des enjeux du terrain… et qui sera à la main des collectivités. Il n'y aura pas d'appel à projets ! La parole sera aux collectivités, qui feront des propositions de projets auprès de leur préfet de département ou de région. Cela pourra porter sur la renaturation en ville, la rénovation thermique des bâtiments, la continuation du fonds Friches pour aider les collectivités à reconstruire sur leur territoire… Ce fonds et cette méthode montrent qu'aux yeux du gouvernement, l'écologie c'est du concret et que cela ne peut se faire que via les territoires. Tout cela a été préparé avec les élus locaux et évolue avec le travail parlementaire. Dans ce même esprit de co-construction, je pourrais d'ailleurs aussi mentionner l'adoption de l'amendement de Joël Giraud qui augmente de 4 millions d'euros supplémentaires la dotation biodiversité bénéficiant notamment aux communes faisant partie de Natura 2000.

Une prochaine circulaire sur le fonds vert est bien prévue ?

Oui, cette circulaire viendra préciser les choses et confirmer que tout partira bien des projets des territoires, qui seront à discuter avec les préfets.

Que diriez-vous par ailleurs aux élus s'agissant de la dotation globale de fonctionnement ?

Je voudrais insister sur l'augmentation de 320 millions d'euros de la DGF. Rappelons que pendant le quinquennat précédent, cette DGF avait été stabilisée, et que sous François Hollande, les collectivités avaient souffert d'une baisse des dotations de 11 milliards d'euros. Il s'agit donc aujourd'hui d'une mesure historique dans la mesure où la DGF n'avait pas augmenté depuis treize ans.

Du côté de l'AMF, on souligne toutefois que malgré ces crédits supplémentaires, l'évolution de la DGF restera bien en-deçà de la courbe de l'inflation…

Lorsque vous mettez bout à bout les soutiens proposés par le gouvernement face à la hausse des prix de l’énergie, vous arrivez à plus de 2,5 milliards d'euros fléchés vers les collectivités. On peut donc y voir une nouvelle conception du partenariat entre les collectivités et l'État, et la volonté de proposer un budget qui apporte de la stabilité pour que les collectivités puissent se projeter. Il s’agit concrètement du bouclier tarifaire, de l'amortisseur électrique, de la prolongation du filet de sécurité pour les collectivités fragiles… On peut donc parler d'un soutien massif permettant aux collectivités de supporter leurs difficultés budgétaires actuelles. Quant aux dotations d'investissement, 2 milliards d'euros sont maintenus. Si vous y ajoutez les 2 milliards du fonds vert, on arrive à des enveloppes particulièrement conséquentes en matière de soutien à l'investissement pour atteindre, avec le FCTVA, environ 12 milliards d'euros.

Vous avez en outre récemment mis en avant la hausse de la dotation pour les titres sécurisés…

Oui, afin de récupérer le retard pris par les communes dans la délivrance des titres sécurisés – sachant qu'il devrait y avoir un nouvel afflux de demandes de passeports et cartes d'identité –, nous avons inscrit dans le projet de loi de finances un nouveau plan d’urgence de 20 millions d’euros pour les communes qui mettent en place une plateforme de rendez-vous et ouvrent de nouveaux dispositifs de recueil.

Un autre chapitre sur lequel il y aura certainement des interpellations lors du congrès : le ZAN, le zéro artificialisation nette. Quels ajustements peut-on prévoir, au moins en termes de délais et de nomenclature ?

Il y a un constat partagé quant à la nécessité de limiter l'artificialisation des sols. Nous partageons aussi une conviction : les élus locaux doivent être les pilotes de la démarche. Dès son arrivée, Christophe Béchu a d'ailleurs demandé aux préfets de lever le crayon en matière de contraintes imposées aux élus et de prendre en compte leurs propositions. Nous voulons privilégier le dialogue. Il n'est pas question d'une écologie qui serait l'ennemie du développement économique local ou du logement. D'où la nécessité de travailler à des aménagements. Le gouvernement ne renoncera pas à son ambition de sobriété foncière et maintient son objectif de protéger les espaces agricoles et notre biodiversité.  

Venons-en aux programmes que vous connaissez bien, Action cœur de ville et Petites Villes de demain. Maintenant que ces programmes sont sur leur lancée, se pose la question de la pérennisation des moyens…

Pour le programme ACV, dont la première phase se termine fin 2022, les 5 milliards d'euros qui étaient mis sur la table avec nos partenaires – Banque des Territoires, Action logement et Anah – sont consommés et le président de la République s’est engagé dès 2021 à poursuivre ce programme jusqu'en 2026, donc jusqu'à la fin des actuels mandats municipaux. J'ai donc travaillé sur la phase 2 de ce programme, ai réuni nos partenaires financiers, qui seront au rendez-vous, afin de poursuivre la revitalisation des 234 centres-villes concernés. Des annonces seront faites tout prochainement (2). Le fil conducteur sera, là encore, la transition écologique. Mais le message est très clair : le plan Action cœur de ville, c’est du concret ! Il a véritablement permis à de nombreux projets – nouveaux commerces, rénovation de logements, du patrimoine, aménagement urbain… – de se réaliser.

Et concernant PVD, vous avez eu l'occasion de reconnaître qu'il faut "intensifier le programme"…

Disons qu'il faut renforcer la dynamique de ce programme qui a lui aussi été conçu et mené en concertation avec de nombreux acteurs dont, naturellement, les associations d'élus. Je veux à ce titre saluer le rôle de l’Association des petites villes de France présidée par Christophe Bouillon. Il y a aujourd'hui plus de 800 postes de chefs de projets financés à 75% auprès des élus jusqu'en 2026 ; l'aide financière de l'État est importante – nous avons engagé environ 28% de l'enveloppe prévisionnelle… Mais il est vrai que nous devons accélérer le passage à l'opérationnel et affirmer de nouvelles priorités pour ces petites villes. Nous allons renforcer l'accompagnement des maires sur cette nouvelle phase.

Les difficultés sont-elles liées au grand nombre de communes concernées par le programme ?

Non pas vraiment. La situation est en fait assez différente selon les territoires. Dans certains départements, la dynamique n'est plus à démontrer, les projets sont là, tandis que dans d'autres, peut-être en raison de changements d'équipes municipales en 2020, ainsi que de la crise sanitaire, les choses ont mis un peu plus de temps à se mettre en place.

Au sujet de l'Agence nationale de la cohésion des territoires que vous avez présidée et dont Stanislas Bourron pourrait bientôt prendre la direction, comment envisagez-vous les choses aujourd'hui ?

Je suis très heureuse que le président de la République, en lien avec la Première ministre, ait proposé Stanislas Bourron pour succéder à Yves Le Breton comme directeur général de l'ANCT. Il a été notre commissaire au gouvernement lorsque je présidais l'Agence, et mon directeur général des collectivités locales maintenant que je suis ministre. Il connaît évidemment très bien les finances locales et sait à quel point il faut être sur le terrain pour accompagner les élus. Il sera un interlocuteur très efficace dans le dialogue avec les élus ainsi qu'avec les préfets, qui sont les délégués territoriaux de l'Agence. Yves Le Breton a pour sa part fait un travail exemplaire pour mettre l'ANCT sur des rails dans une période qui était très compliquée en raison de la crise sanitaire. Pour ma part, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que cette agence s'épanouisse au service des territoires.

Vous faites partie d'une sorte de "pôle ministériel" autour de Christophe Béchu, comment décririez-vous le partage des rôles ?

Comme vous le dites, c'est un pôle ministériel, au service des territoires, avec ce fil rouge que sont la transition écologique et la planification écologique tel qu'impulsé par le président de la République et la Première ministre. Je connaissais déjà très bien Christophe Béchu, qui a une grande expérience de l'aménagement du territoire. Et je pense qu'avec les autres ministres délégués et secrétaires d'État, nous sommes très complémentaires dans nos façons de travailler – avec un point commun : nous avons quasiment tous été des élus locaux – afin qu'aucun territoire ne soit oublié de la République. À ce titre, nous avons également un rôle interministériel à jouer au sein du gouvernement.

En cette veille de congrès, un dernier message à adresser aux maires ?

Un seul message : celui de la confiance et de l’écoute. Mon ministère est la maison des élus, celle de tous les territoires : ma porte est ouverte pour travailler au service des collectivités.

(1) Christophe Béchu a annoncé ce dimanche 20 novembre dans le JDD que les 2 milliards du fonds vert seront complétés par 1,2 milliard d'euros de prêts de la Caisse des Dépôts. "Avec en plus la possibilité d'emprunter à moindre coût, c'est l'amont et l'aval du fonds vert qui se complètent", souligne le ministre. Éric Lombard, le directeur général de la Caisse des Dépôts, précise que 200 millions seront réservés à "l'ingénierie", dont 80 millions fléchés sur la sobriété foncière. 100 millions seront par ailleurs centrés sur l'adaptation au changement climatique.

(2) C'est ce 20 novembre dans Le Parisien Dimanche que Caroline Cayeux a en partie dévoilé les choses : "Pour continuer à adapter au changement climatique et redynamiser nos communes, le président de la République a voulu que nous repartions avec une enveloppe similaire d'a minima 5 milliards d'euros. Elle sera débloquée en quatre ans, entre 2022 et 2026, et permettra de financer des projets de rénovation dans 234 villes moyennes", indique la ministre. Les cinq milliards supplémentaires devront permettre de mener à leur terme des programmes "pas encore aboutis" mais aussi de lancer des projets de transition écologique, notamment en permettant aux communes des "verdir leurs centres-villes" et lutter contre les "îlots de chaleur". "Il faut également faire des travaux d'économie d'énergie dans les bâtiments publics et les écoles", ajoute-t-elle, mentionnant également les entrées de ville. Ces éléments doivent être détaillés ce lundi 21 novembre en fin de journée en clôture des Rencontres Cœur de ville organisées à Paris par la Banque des Territoires.

  • Un ministère très présent au congrès et au salon

Le 104e Congrès des maires s'ouvre ce mardi 22 novembre à Paris, à la porte de Versailles, sous l'intitulé "Le pouvoir d'agir" (voir liens ci-dessous), précédé d'une journée dédiée aux élus d'outre-mer à Issy-les-Moulineaux au cours de laquelle il devrait être notamment beaucoup question de sécurité et de logement.

Le pôle ministériel de Christophe Béchu prévoit une forte présence durant les trois jours, tant côté congrès que côté salon. Le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires participera ainsi à la première table-ronde, mardi matin, sur la planification écologique. Il y parlera "de France Nation verte, de la stratégie française de l'énergie et du climat, et notamment du plan d'adaptation au changement climatique ou encore d'aménagement du territoire et de sobriété foncière", énumère son entourage. Bérangère Couillard, secrétaire d'État en charge de l'écologie, y participera aussi pour évoquer "les sujets liés à la prévention, notamment des pollutions", avant une intervention d'Agnès Pannier-Runacher. Dans le même temps, Clément Beaune interviendra sur les mobilités durables. Le lendemain, Caroline Cayeux participera à la table-ronde dédiée à l'intercommunalité tandis que Dominique Faure sera présente lors de la table-ronde ruralité. Jeudi, c'est Olivier Klein que l'on retrouvera au forum sur l'habitat.

Côté salon, le ministère disposera d'un vaste "pavillon" où les services du ministère entendent répondre aux interrogations des élus et leur proposer des "solutions" "dans tous les domaines d'action du ministère - l'eau, la biodiversité, la prévention des risques, l'adaptation au changement climatique, l'énergie. Des élus désignés comme "ambassadeurs de la transition écologique" seront également présents pour échanger avec leurs homologues. Et le ministère affirme compter sur les maires pour venir présenter leurs propres solutions éventuellement reproductibles.

D'autres membres du gouvernement participeront à la vingtaine de forums et points info programmés sur les trois jours (école, numérique, accès aux soins…). La clôture du congrès sera assurée par Élisabeth Borne. Et non, donc, par Emmanuel Macron, contrairement à l'an dernier. Le chef de l'État effectuera en revanche une visite du salon et organisera une réception de maires à l'Elysée

C.M.